samedi 7 janvier 2023

"Par autan" en emporte le vent...La "choréité" comme souffle de vie!


" L’autan est un vent du sud-ouest de la France, né au large marin, si changeant dans son intensité qu’il « peut rendre fou » dit-on. Le Théâtre du Radeau, avec son metteur en scène François Tanguy, s’inscrit de manière inimitable dans le paysage théâtral depuis quarante ans. Dans ce théâtre, pas de fable, pas de personnages ou de psychologie. Tout est matière à jeu et sensations : l’espace mouvant, manipulé par les acteurs eux-mêmes, créant des changements de cadres et de perspectives, les costumes hétéroclites, les mots de Walser, Shakespeare, Kleist ou Kafka, ainsi que le son et la musique − ici, un pianiste est présent. Tout invite à redécouvrir et partager l’instant commun en sortant des codes usuels de la représentation."


De surprise en surprise soufflent comme un air de musique, comme des ondes de choc entre les comédiens, le décor, les mélodies et les mots. Car c'est à une navigation sous les bons auspices d’Éole ou de Borée, comme il vous plaira, que nous invite la troupe du "Radeau", cette embarcation médusante entre absurde, artefact, rêve ou légende. Ici pas de narration ni de récit linéaire, mais un patchwork lumineux d'extraits de textes de référence d'auteurs choisis, volubiles accumulations de citations incongrues qui parsèment la ligne éditoriale et directionnelle sans boussole de cet étrange opus. Opéra, œuvre sans toit ni loi qui obéit à l'instinct,  à l'intuition autant du "metteur en scène" que des comédiens dont les univers s'inspirent, s'entrechoquent mutuellement. Résultat: un maelstrom, un tsunami de costumes hétéroclites invitant matières de tissus, époques anachroniques, univers débridés de couleurs, de rayures, de blancheur immaculée...On parcourt ce récit de corps en toute adhésion si l'on veut bien faire corps et esprit commun avec cette atmosphère de l'absurde, de l'incohérence apparente. Et l'empathie fonctionne à l'envi de la scène à la salle, sans frontière ni distanciation, au seuil du théâtre.


L'estrade est factice, les comédiens, avec nous jouent les passerelles et la communion est délicieuse, savoureuse. Les "personnages" dont un "général" de pacotille en font la mécanique, le mécano de la Générale et ce rituel théâtral, tantôt verbal tantôt muet,entraine dans l'utopie, le rêve, les songes qui pétrissent cette pièce improbable, histoire à tiroirs....Voir les objets bouger, les décors se manifester avec leur âme est réjouissance et délectation. Papier peint désuet, panneaux mobiles, pendrillons vivants, c'est un peu Mélies qui veille au grain...Tout se meut, des corps au décor dans une allégresse communicative qui franchit et déborde des frontières ou lisières du compréhensible: alors on se laisse aller, on fond, on se répand voluptueusement devant ces tableaux, comme autant de références à la peinture impressionniste: une tornade avec parapluie comme bouclier de protection, une mélodie chantée comme un évanouissement, un Général fantoche touchant, émouvant .Le jeu des comédiens est "choréité",chorale physique contagieuse, comme l'explique Martine Dupé, bloc opératoire opérationnel, fédérant chorégraphie, déplacements, mise en espace et scénographie. François Tanguy hantant la salle Gruber du TNS pour y avoir présenter tant d'opus intrigants, étonnants, déroutants. Ce soir de "première" l'émotion est forte et l'on partageait cette communion en bonne compagnie -cum-panis-, partageant le pain des anges qui ne désespèrent pas d'être au monde un jour.

Une pensée en mouvement digne du chorégraphe Alwin Nikolais pour qui couleur-son-musique-mouvement et lumières ne font qu'un Deus ex machina. Pensée organique en mouvement, tout simplement à vivre comme spectateur acteur actif, réceptif et consentant.

L'exposition attenante des esquisses et dessins de scène est digne d'un accrochage de pièces d'art brut et révèle une fois de plus l'univers prolixe et magnétique d'un prestidigitateur du plateau. De l'ether, de l'espace des sables mouvants de l'imagination débordante d'un créateur; malicieux spectre du lieu, esprit chatouilleux de nos fantasmes les plus fous....Un pied de nez à la vie, au vent, souffle et respiration inspirée d’Éole ou Borée en autant de zéphyrs, aquilon et autre dénominations de déplacement de l'air!!


Avec Frode Bjørnstad, Samuel Boré, Laurence Chable, Martine Dupé, Erik Gerken, Vincent Joly, Anaïs Muller

Au TNS du Vendredi 6 Janvier 2023 au Samedi 14 Janvier 2023

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