lundi 26 mars 2018

"1993": Eurodance, cinétique tunnel, magnétique jeunesse éclairée.



Texte de Aurélien Bellanger - Mise en scène de Julien Gosselin - Avec Quentin Barbosa, Genséric Coléno-Demeulenaere, Camille Dagen, Marianne Deshayes, Paul Gaillard, Yannick Gonzalez, Roberto Jean, Pauline Lefebvre-Haudepin, Dea Liane, Zacharie Lorent, Mathilde Mennetrier, Hélène Morelli.

1993 est l’année des derniers travaux avant l’ouverture du tunnel sous la Manche. Calais est au cœur de cette ultime réalisation, qui semble parfaire et achever la construction d’une Europe unie dans son désir de paix, de partage, de modernité. Qu’en est-il aujourd’hui de ce désir ? Et de la ville de Calais ? Dans ce spectacle construit avec le Groupe 43, sorti de l’École du TNS en juillet 2017, le metteur en scène Julien Gosselin et le romancier Aurélien Bellanger interrogent la vision d’une génération : que signifie être né après la chute du mur de Berlin ? De quelles déceptions, de quels rêves hérite-t-on ?
Ils sont douze devant nous, alignés dans la pénombre, encadrés de néons rectilignes.Hurleurs, crieurs et vociférant textes et propos sur le monde, ils haranguent la foule devant eux, à l'écoute, ce public rassemblé ce soir au théâtre, venu pour les écouter raconter le monde.Ce tunnel où s'engouffrent tous les maux, les mots de la puissance, de l'actualité, de la brutalité des choses.Chorus qui bat au rythme des néons qui fusent de leur lumière stroboscopique, hypnotique, simulant la conduite d'un bolide tous feux éteints, propulsé à toute allure sous les ventilateurs du nombril de la terre, pour véhicules emballés dans la vitesse du monde. Métaphore autoroutière des flux et passage, de la circulation, des déplacements de population intempestifs.Danse de lumières et de néons, absence des corps de la scène, ballet de lumières à la "Feu d'artifice" de Giacomo  Balla. Ou art cinétique de Julio Le Parc.Un écran coupe la scène en deux, délivrant le jeu des comédiens en live, surdimensionnant corps délivrés et actions directes. La musique déferle comme dans une rave party, forte, envahissante, omniprésente.Le texte défile en sous titre sur l'écran; tous s'adressent en langue anglaise, universelle monnaie d'échange et de communication. Comme dans une boite de nuit où la tribu s'éclate, boit et danse, se frotte à l'autre et jouit du plaisir de l'être ensemble. Au dessus d'eux planent des images de barbelés, de frontières, de cubes architecturaux, de camps de réfugiés désertés. No man's land en noir et blanc, alors qu'au rez de chaussée s'agite frénétique, la population de jeunes , sans limites,filmée en direct au plus près des corps amoureux ou se questionnant .Ou l'Afrique est bien le berceau du monde! D'où chacun est originaire qu'il le veuille ou non !
Dernier plein feu qui découvre chaque visage, encore filmés dans de beaux plans séquences audacieux, fidèles à l'esprit rebelle du texte, à la mise en scène très proche des comédiens, lâchés dans leur belle spontanéité d'expression physique.Au final des images de paysages côtiers, vides, vacants, frontières ou limites infranchissables. La migration flotte sur ces territoires d'évasion impossible où clandestins, migrants frôlent chaque jour la mort.
Un spectacle "multimédia", direct, franc et courageux pour une génération touchée, bouleversée et consciente que le monde va, sans leur consentement ni adhésion à la dérive des continents de l'humanité. Et nous serions nous ce "Lieu d'Europe" utopique où cette vision autre à la Kechiche, d'une jeunesse dorée qui tangue sur les plages du midi? (Mektoub, my love: canto uno)
Ici c'est en chœur que l'on chante et danse!La communauté réfléchit le texte d'Aurélien Bellanger et danse façon Julien Gosselin sur les rivages du souvenir, comme un devoir de mémoire corporelle, salvateur, rédempteur des erreurs  des prédécesseurs responsables.

Au TNS jusqu'au 10 Avril


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