vendredi 30 mars 2018

Accroche Note: concert de Pâques ! Pas que du n'oeuf contemporain ! Ça cloche !

Tout juste sorti d'une masterclass donnée par le compositeur allemand Walter Zimmermann, et d'un concert, l'ensemble du couple Françoise Kubler - Armand Angster propose, exceptionnellement cette année, un concert de Pâques articulé autour de la création d'une cantate de Gérard Condé intitulé "Le Mont des Oliviers" à partir du poème éponyme d'Alfred de Vigny.

Il sonne comme un avant goût des "Rencontres d'été" qui se tiennent en général toute fin juin dans cette même église du Bouclier. Il mêle en effet les époques - divertimento initial de Mozart pour trois cors de basset, polyphonies médiévales de Gérard Geay transcrites pour soprano et trois clarinettes - et rend spécifiquement hommage à deux compositeurs chers à l'ensemble et disparus en 2017 : Klaus Huber et le régional Jean-Jacques Wener, dont la "Melancolia" suivra la cantate de Condé.

Outre la voix de soprano de Kubler, et les clarinettes, on entendra le percussionniste Clément Losco et l'accordéoniste Marie-Andrée Joerger, que l'on avait vu à l'oeuvre dans les "expressions japonaises" données par la formation en janvier au Conservatoire.

Wolfgang Amadeus Mozart Divertimento n°1 pour trois cors de basset (1783)
En prologue, trois garçons dans le vent, pour une oeuvre joviale, alerte, pleine d'envolées et d'allégresse.
Douceur et confort de l'écoute de ces différents mouvements, du vif, au lent et solennel.La mélodie s'égaye, perd sa retenue et s'envole au firmament mozartien. Grâce et style, maniérisme galant, et un épilogue réjouissant, vers de belles perspectives.

Gérard Condé Le mont des oliviers, cantate pour soprano, cor de basset et percussions (2017) – création
Elle allume des bougies, les percussions résonnent.Au loin, le cor se fait entendre.Comme une seconde voix en dialogue et bordure.Des ponctuations, tour à tour par chacun qui a la parole.L'histoire de Jésus nous est contée.Avec sobriété et respect. Le sommeil des apôtres, en silence évoqué, suspens. La dignité de Jésus dans une tension montante se forge et la voix parlée, chantée a une présence prépondérante.Tambour qui tremble, éclats des percussions qui tintinnabulent sur le xylophone....La chanteuse éteint les bougies, et sa voix intense, habitée par le drame, file et résonne, sous le vrombissement des percussions.De puissantes cymbales renforcent l'atmosphère tendue et recueillie, vers un lent cheminement vers l'instant fatal.Attente, renoncement, chemin de voix qui croit à l'issue terminale.Frémissements de la musique, crécelle en épilogue; le cor disparaît dans le lointain: le silence sera éternel, tous feux éteints. Une oeuvre remarquable par son univers universel et profond.
Françoise Kubler partagée entre chanteuse, diseuse, conteuse y incarne foi et passion avec conviction et talent dans des timbres multiples, subtils et virtuoses de finesse et justesse.

Jean-Jacques Werner Melencolia pour clarinette et accordéon (2011)
L'éventail de l'accordéon déployé, ses poumons étirés répondent à l'allégresse de la clarinette et l'oeuvre file, gracieuse en dialogue permanent, tuilé, ajusté: tout s'y enchaîne naturellement sans heurt, et rien ne s'essouffle: l'un prend le relais de l'autre et en bon témoin, passe son tour et franchit la ligne d'arrivée, en "portées" par les  prouesses de la partition.

Polyphonies médiévales (XIII° siècle), transcriptions de Gérard Geay, pour soprano et trois clarinettes en la (2017): belle surprise ici dont l’avènement singulier étonne et ravit Un univers radieux, joyeux où la voix rivalise avec les clarinettes: polychromie de la musique, colorée, vive et enjouée.Une danse s'y profile, contrepoints et sursauts à l'appui, rythme et tempo alertes et de très beaux aigus sourdent de la voix puissante, présente.L'alternance des mouvements laissant une fois sur deux place à la chanteuse parmi les vents, est source d'entremets délicieux, délectables et pleins de charme!

Klaus Huber Ein hauch von Unzeit pour soprano, accordéon et clarinette (1972)
Un trio singulier se forme, très filé, en longueurs, linéaire qui résonne dans de hautes fréquences.La voix chuchote, parle, s'étonne, questionne et se rit des difficultés. Éclats, couches et strates de sonorités voyagent, se déplacent, se décalent et dans le lointain, la clarinette, à l'écart, se fait écho et renvois subtils.Les sons, amplifiés dans l'espace acoustique de l'église, résonnent, se propagent. Murmures, cris, anonements, trois chants qui meurent doucement. Un dernier souffle et tout s'éteint.
Un concert remarquable en ce temps pascal, recueilli, juste et porteur de prière intérieure, de concentration et de spiritualité.


Françoise Kubler, voix / Armand Angster, Justin Frieh et Laurent Will, clarinettes / Marie-Andrée Joerger, accordéon /Clément Losco,percussions
30 Mars 2018 à 20h30 Concert de Pâques Eglise du Bouclier, Strasbourg (67)

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire