lundi 19 mars 2018

"Nos amours" :Julie Nioche encerclée, auréolée, angélique, possédée.


"Quelles traces ont laissé nos amours dans nos corps ? Avec l’âme, le corps est cette autre fidèle surface d’inscription de la mémoire. Julie Nioche cherche en lui les marques de ses histoires passées, à travers des pratiques somatiques telles que l’hypnose et l'ostéopathie. 
Un travail préliminaire de réminiscence nécessaire à la création de Nos amours. La danse devient le moyen d’expression privilégié de chroniques d'amours oubliées ou rejetées. Le plateau nous plonge dans l’intimité de la danseuse. Sous un grand cercle lumineux, son corps tatoué dévoile les traces de ses sentiments. À la manière de Glenn Gould se réappropriant les Variations Goldberg de Bach, les fredonnements d’une foule chorale forment la colonne vertébrale de cette chorégraphie. « Ce que Gould offre de lui en jouant, c’est une ouverture sur son intimité, pareil à ce que j’attends de la danse. » Julie Nioche est chorégraphe et ostéopathe. Julie Nioche crée au carrefour de plusieurs champs d’exploration (danse, art contemporain, soin, ...). Ses chorégraphies explorent la traduction de nos sensations intimes en mouvements dansés".I.F.

Elle est assise de dos à terre,sur le plateau nu et blanc. Au dessus d'elle, un cercle lumineux semble l'abriter.Musique de chœurs arrangéE de voix , perpétuel accompagnement durant toute la pièce.
Des dessins végétaux peints en noir sur son dos et tout le buste. Elle bouge sa peau, étire les esquisses peintes qui se transforment, bougent et respirent dans l'étirement.Elle se relève et délivre son corps entier à la vision, pantalon noir prolongeant les fresques corporelles.Des mouvements circulaires l'animent, marches arrières, profils faunesques.Elles esquisse une balade nonchalante, quelques gestes désinvoltes, des tours déséquilibrés. Au sol, elle laisse déjà des traces noircies lors de ses offrandes, corps ouvert et prête à recevoir, à désirer.Beaucoup de sensualité forte et profonde dans cette danse féline. Parfois, comme mue par d'infimes fils qui l'aspirent, la tentent, la dirigent en énergie intime et fine.Elle rattrape quelques déséquilibres feints, chute, glisse, s'étend, lascive et rêveuse dans une belle désinvolture.
Trébuche, fatiguée Une femme qui danse.Au dessus d'elle plane un cercle lumineux qui la couvre, la berce, l'enveloppe ou la menace.Boucle qui la traque, sculpture lumineuse qui tangue, vire et voltige avec elle. Oeuvre d'art contemporain à regarder se laisser poser au sol lentement.
Vision hypnotique et remarquable d'un objet vivant, présent, important.



Au centre du cercle ainsi couché, elle se love, s'étire, reptile, animal mi femme, mi bête. Créature hybride dans la semi obscurité.Elle macule le sol virginal de traces noires éparses. Les formes peintes s'effacent lentement de sa peau, disparaissent. Elle s'essaye sur un pied et expérimente des équilibres instables, penchée, distraite, absente. Elle caresse son habitacle lumineux, anneau , plafond sans fond, couronne. Au gouvernail de cette voûte lumineuse, une manipulatrice de poids et de fils, anime cette forme parfaite, auréole divine.
Parure des anges. Un côté christique et cérémonial se dégage de la pièce: torse nu, la femme prend pose, attitude et posture très proche des icônes de chapelle.Elle se suspend à "sa chose" s'y agrippe, perd pied, simule la marche dans le vide, en apesanteur, plane et vole délicieusement.Ange céleste dans la coupole d'une architecture suggérée, christ qui effleure les eaux, miracle biblique incarné.


Un jeu s'installe avec cet anneau magique, irradiant mystère et respect, elle prend de la distance avec l'objet, le contourne, esquive ses formes Quelques soubresauts à terre pour mieux rebondir.Encerclée par cette auréole de toute beauté. Piège de lumière! Puis s'élance, glisse et se joue du sol, complice.Relâchements après un beau parcours en diagonale, toujours désarticulée, le regard vers le public, interrogeant notre curiosité sur son sort de soliste un peu perdue, corps extatique dans de beaux précipités de danse désordonnée.
Sous la coupole lumineuse, elle irradie, gestes votifs en contrepoint; roulades, traversées classiques frontales sur demi-pointes comme au "ballet"...Le côté religieux de la musique chantée comme inspirée de Bach appuie la dimension spirituelle de cette ode à la femme: celle qui ose et pêche, celle qui se donne et ne se soumet jamais à la tentation de renoncer. Essoufflée, elle court, se perd, s'égare et c'est beau et émouvant. Dans la confusion, l'interrogation, le doute, le soupçon.Julie Nioche trouve ici un rôle d’interprète inspirée, directe et habitée.
Le cercle s'anime, devient personnage, partenaire qui s'impose, aveuglant, monstre la cernant.Ses gestes sont en contrastes permanents, entre arrondis et tremblements intempestifs.Ses attitudes dégagées, déstructurées en font un être décalé en étroite déstabilisation constante, en proie au déséquilibre, au risque.
Angélique, vulnérable, souillée par le péché d'aimer: elle a bien vécu: des traces au sol en attestent, des bavures sur son corps qui se "dépeint" au fur et à mesure pour devenir brouillon, esquissent un passé présent et avenir plein de vie.
Usée, elle s'éteint et les voix célestes murmurent encore sous la voûte de l'anneau magique.
A Vos amours !
Au TJP et coréalisation avec Pôle Sud pour le festival "Les Giboulées" le 19 Mars

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