vendredi 18 janvier 2019

"Everything Starts Elsewhere": Lovemusic : ici et maintenant ! Nulle part ailleurs !

18 janvier 2019 : Everything Starts Elsewhere 
Voix - Léa Trommenschlager / flûte - Emiliano Gavito / clarinette - Adam Starkie
Trois instruments monodiques réunis, pour lesquels les compositeurs explorent les capacités de ce trio insolite. Everything Starts Elsewhere [tout commence ailleurs] fait référence au texte de Roberto Juarroz utilisé pour une des pièces du programme mais aussi au processus créatif de la transmission qui commence dans l’imagination des compositeurs, évolue vers une forme écrite, et qui est ensuite interprétée par les musiciens et réinterprétée par le public. Le texte fait également référence à la nature itinérante de la musique, surtout pour ce programme qui reflète la musique des deux côtés de la Manche, imaginé autour d’une nouvelle pièce de Jérôme Combier, commandée par le collectif.
Musique de Jérôme Combier (création), Jesse Broekman (création), Martin Iddon (création française), Samuel Andreyev.

Musique de chambre de Lord !
Dans l'ambiance cosy de proximité à l'auditorium de la BNU, les trois protagonistes de la soirée jouent leur rôle à merveille : jouer de l'inédit en matière de création musicale contemporaine bien "vivante"et sensibiliser le public par quelques propos en préambule, histoire de nous raconter des "histoires" !
On attaque ce programme franco britannique, hors "brexit" par une pièce de Naomi Pinnock de 2015 "and yet there was (love)" pour voix seule, celle de Léa Trommenschlager  .
Des touches très dentales, pointées en lamentations, percussions linguales, soubresauts. Elle annone, avance vocalement à petit pas puis sa voix se déploie à l'envi. Une composition en ouverture, amuse-bouche apéritif pour savourer le cocktail de 7 pièces réunies pour le concert.
Transmettre les genres et les styles, faire passer les sources d'information sur les oeuvres: un cycle de "transmission" qui démarre sous de bons auspices.

Dans "Lovemusic" de 2005 quasi dédié à l'Ensemble, Besty Jolas compose pour la flûte et la clarinette avec subtilité, doigté.
Un véritable dialogue s'instaure entre les interprètes, du grave à l'aigu en répondant, en sons allongés ou très courts.Langueurs et bribes de sonorités, empiétements des sons qui se chevauchent, interrompent dans la discussion, l'échange. On va de la gravité à la légèreté comme deux couches de sons qui s'additionnent. De belles accélérations en courses poursuites relient les musiciens, les galvanisent dans le jeu. Des ascensions fulgurantes en escalades, puis des retrouvailles dans la lenteur surprennent. Comme une petite balade, promenade sautillante bras dessous-dessus par petites touches impressionnistes, la musique va bon train. Mozartienne en inspiration ou citation.Comme un oiseau sur la branche, convoité par un prédateur aux pieds des notes! Les instruments se convoitent, se chahutent, se cherchent et s'attrapent au vol des intonations, rythmes et durées. Cache-cache, jeu de colin-maillard pour inspiration.

Suit, "Ptelea" pour clarinette basse de Martin Iddon 2014, inspiré de "Déploration sur la mort" de Josquin des Prés -un court extrait nous est livré pour en faire apprécier les tonalités des madrigaux Renaissance-. La mythologie grecque et ses nymphes en inspiration directe.
Un "itinéraire" rapide et court, direct d'ici et d’ailleurs ! Des quarts de ton, des micronotes en font une oeuvre pour virtuose, ce que se révèle une fois de plus Adam Starkie
Difficultés franchies dans ses étranges harmonies, trois sons en résonance et émission directe! Des dissonances, des va et vient sonores inédits à l'écoute, le bruit des clapets, du souffle en prime. La musique comme une colonne vertébrale désaxée de bas en haut qui titube, avance, recule, hésite.

Dans "Nombres imaginaires" pour flûte de Samuel Andreyev 2004 / 2008 Emiliano Gavito exprime en des souffles interrompus, comme des pincements de cordes, des expirations vitales, un flux et reflux d'air fugace. Des sifflements, du vent, des a coups brefs fulgurants balayaient l'espace sonore. En ascension, crescendo, énervement, agacement et en colère!

Suit, d'après une oeuvre de Mallarmé, un sonnet musical intitulé "d'un désastre obscur" pour voix et clarinette en la, de Gilbert Amy de 1971.
Le texte est quasi celui d'un "cadavre exquis" surréaliste, absurde comme le seront  la ligne mélodique et le souffle émis à cette occasion. "Calme bloc ici bas chu d'un désastre obscur" en sera la trame narrative en éclats de voix, de clarinette mis bout à bout, décousus: une conversation animée, désordonnée, insolite entre les deux interprètes! Ambiance Edgar Alan Poe revendiquée et assumée à propos d'un trophée reçu, insolite bloc de pierre brut de coffrage!

Encore un "eisewhere" pour le trio signé Jesse Broekman de 2019 en création pour exciter nos sens en éveil ! En un calme, étiré, lent et velouté, la voix filtre le texte, le son circule de l'un à l'autre; la voix ample s'allonge, se répand docile, chaude et sensuelle, soutenue par la nappe sonore des vents ténus qui planent à l'horizontal dans l'espace.Quelques élans contrastés viennent briser ces tenues vocales infimes, précises et précieuse à l'écoute attentive: un flux de voix subtil à percevoir dans l'indicible ligne de fuite, de fugue du chant.
Des murmures discrets, flottements, petites vagues longues d'un son faible, imperceptible , confidentiel, discret, caché, dissimulé.

Au final c'est " the last ebb" pour le trio de Jérôme Combier 2019 en création.
Trois mouvements sur quatre en exclusivité pour le public nombreux ce soir là,
Les souffles y fusent, passent, défilent, la voix ponctue le tout très fuyante, insaisissable Des éclats de son, éructés, jaillissent, surprennent, étonnent et décalent à l'audition première!
De très belles tenues vocales, des consonnes qui claquent, une diction jusqu’au-boutiste, parfaite et musicale pour toutes les consonnes qui enchantent.
Quelques rythmes de danse , comme une mélodie intrusive, une prière votive ou une récitation qui se fondent in fine dans d'imperceptibles pas sur les portées de la partition si inventive.

Ce fut une bouffée de souffle, de vent, de voix que ce concert si riche et partageux, animé par des amoureux de la musique partagée,du vivant et de ses pairs.
So British, so french, si "chambré", si intime , petite forme, en grande forme.
Lovemusic, on aime !

A l'auditorium de la BNU ce vendredi 18 Janvier





a muse

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