vendredi 25 janvier 2019

"Laisse le vent du soir décider" : mistral gagnant !Le mécano mégalo de la générale !


Damien Briançon & Etienne Fanteguzzi / Espèce de collectif
Procédant par affinités et complémentarité, Espèce de collectif fondé par un tandem d’artistes issus de la danse, aime à batailler entre les concepts et le réel. Auprès d’autres complices pour la création sonore, les lumières et la scénographie, ils créent Laisse le vent du soir décider, initiant un drôle de jeu autour d’une vaste nécessité en voie de disparition, l’inutilité. Ici la construction d’un fabuleux mécano géant dont le destin avoué consisterait à faire œuvre commune. Mais comment s’y prendre quand on est au sol ou là-haut !

Un homme seul apparaît, bientôt suivi de deux acolytes, pieds nus, décontractés, l'un des trois se lance dans une danse survoltée à mille voltes, frénétique sous les yeux des deux autres. A battons rompus, ils vont entasser, déblayer des batons de bois en charade aussi en ânonnant les syllabes...Morse saut debout deux bois...Jeu de mots et chemin de croix pour ces charpentiers,menuisiers, travailleurs de scierie, de chantier en construction.Un portant de bois qui tombe des cintres déclenche les faits et gestes et voilà le travail qui s'amorce.Ils sont à niveau et nous regardent, septiques ou interrogateurs.
Comme pour des zones de discrétion, ils balisent en limites avec leurs batons le sol et se jouent des embûches, des entraves.. Comme des bâtisseurs, pressés dans des précipités de gestes fébriles, affolants. Des bruits de balles de ping pong, de métronome en résonance!
Planchistes, raboteurs, travailleurs, MOF quand il s'agit de nous exposer les principes de l'articulation, des liens, des assemblages à joindre pour ces liaisons mécaniques, au contact spécifique de mouvement rotatif et translatif !
Des mots savants pour un petit exposé pour les nuls: du pivot à l'axe, voici les degrés de liberté dans le module, la chaine de ce système ainsi décortiqué, analysé, autopsié.
Comment s'en débarrasser aussi dans cette absurdité à la Ionesco ou en faire un pas de trois, trio de baton de bois en troisième position classique.
Ces porteurs de témoins olympiques se ruent en courses, forment des labyrinthes au sol et s'inspirent de ses squelettes, ces rotules et diverses articulations pour esquisser des mouvements semblables, mimétiques.Ajuster toujours les butées pour un jeu ni trop ni pas assez mobile. Un art de la juste dose !Le dispositif se fait manège, manipulé par trois corps, poids, pendules qui ajustent la structure monumentale, suspendue comme une araignée ou un jeu de mikado à la verticale, acceptant q'un corps se glisse dans le creux de ses failles
Mémoire de la matière à la Duboc pour un solo empreint de ses sensations de jeu sans l'objet. Nos trois manipulateurs de cerf volant de bois ou sonneurs de cloches s'affairent, se donnent dans une saine énergie qui libère des formes mouvantes, mobile, stabile sculptural.
Pas sans "mobile apparent" la quête se poursuit dans un bel exercice de voltige mécanique.
Comme un immense mètre de bois pliant, la bestiole désarticulée décor de science fiction fait ses mouvements de pantin hip-hopeur, tétaniques, tectoniques, dans l'air et échappe à la gravité, à la pesanteur.
Un vrai champ de bataille au final sur le plateau, debacle et désordre joyeux, rieur, enjoué.
Des baguettes, des amas de bois surgissent pour construire les ruines d'un mikado, chateau de cartes effondré! L'esthétique, la plasticité des éléments confèrent au spectacle un aspect architectural prégnant. Grosse pagaille au sol, jonché de débris, sur un son de danses folkloriques ou de bruitages empilés pour donner une ambiance ronflante de travail, de ventilation. Mistral gagnant pour ses chasseurs d'images, pour ses sculptures vivantes qui au final viennent clore la pièce
Quand les corps rejoignent la mécanique, c'est pour mieux en faire sourdre le velouté du geste, tel des sculptures torses nus, de Rodin, Carpeau ou Caillebotte.Le trio qui conclue ce beau manifeste sur les mécanismes de mouvement en est une figure de proue très convaincante.
Un traité d'architecture pour charpentiers bien battis qui se rient du risque ou du danger: quand la menuise rit , les menuisiers sourient ll
Et le public de se raconter des histoires à batons rompus sur le parquet flottant de la danse!

Au TJP avec Pole Sud jusqu'au 25 Janvier
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"Procédant par complémentarité, Damien Briançon et Étienne Fanteguzzi, ont débuté un drôle de jeu entre les concepts et le réel. Après Pour en découdre, ils «laissent le vent du soir décider». Cette étrange intention réunit toute une équipe en scène, autour de la construction d’un fabuleux mécano géant. L’objectif : faire œuvre commune. Mais comment s’y prendre ?
En quête permanente d’équilibre, ils sont trois. Trois performers, dont deux danseurs et un scénographe. Trois corps comme des pièces d’assemblages, en attente, égarées peut-être, au milieu d’un chantier en cours, la construction d’un mécano géant. À leurs côtés, d’autres complices, le compositeur et l’éclairagiste. Leur objectif, se trouver et trouver le juste accommodement, celui dont nul ne pourra entamer la robustesse. Mais de quel ajustement idéal parle-t-on, monétaire, linéaire, mutuel? Comment définir ce désir d’en commun, parvenir à faire de la représentation un temps collectif? Un flux de questions traverse la scène tandis que les rouages de la forme chaotique en cours de construction tentent de happer les corps qui lui résistent. Ce devenir-machine n’étant pas dans leur projet. Entre désordre et humour, Espèce de collectif file la métaphore avec un sens de l’absurde sans pareil. Comme le soulignent leurs auteurs: «Laisse le vent du soir décider résonne comme un idéal, un abandon, une promesse d’organisation sans hiérarchie, sans commande. Quel peut être ce moteur en nous, qui autorise cette organicité ? »  I.F.

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