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Fase
Four Movements to the Music of Steve Reich |
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Genre | Danse contemporaine |
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Chorégraphe | Anne Teresa De Keersmaeker |
Musique | Steve Reich |
Interprètes | Duos et solo |
Durée approximative | 50 minutes environ |
Dates d'écriture | 1981-1982 |
Création | 18 mars 1982 Beursschouwburg de Bruxelles en Belgique |
Vidéographie | Thierry De Mey (2002) |
Versions successives | |
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Représentations notables | |
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Cette œuvre est composée de quatre mouvements distincts, constitués de trois pas de deux et un solo, qui reprennent directement les titres de quatre œuvres de Steve Reich — Piano Phase (1967), Violin Phase (1967), Come Out (1966) et Clapping Music (1972) —, pouvant tous être interprétés isolément ou de manière combinatoire. Dansé pendant des années avec sa complice Michèle Anne De Mey, Anne Teresa De Keersmaeker a obtenu en 1999 pour cette chorégraphie un Bessie Award à New York. Fase est régulièrement programmé depuis 30 ans dans le cadre de différents spectacles ou manifestations culturelles à travers le monde cumulant plus de 160 représentations. Cette pièce marque le renouveau du lien étroit entre la danse et la musique que développera Anne Teresa De Keersmaeker tout au long de sa carrière[1] et son succès immédiat fut également l’élément déclenchant pour la fondation de la compagnie Rosas en 1983 à Bruxelles par la chorégraphe belge.
Historique
Après Asch, première œuvre d'Anne Teresa De Keersmaeker datant de 1980, l'ensemble Fase constitue la deuxième chorégraphie de la jeune artiste flamande. Il se compose de quatre mouvements écrits en réalité en deux temps et en deux lieux différents. Les mouvements Violin Phase et Come Out ont été créés aux États-Unis en 1981 dans le cadre des études d'Anne Teresa De Keersmaeker à la Tisch School of the Arts de l’Université de New York (NYU) de 1980 à fin 1981[8],[9], alors que Piano Phase et Clapping Music furent conçus après son retour à Bruxelles en janvier 1982[4],[10]. Les répétitions de l'ensemble ont été réalisées avec Michèle Anne De Mey[notes 1] – qui prit part à la création lors des répétitions avec De Keersmaeker – au studio du Trojaanse Paard de la compagnie de Jan Decorte à Schaerbeek. La première de Fase, four movements to the music of Steve Reich eut lieu le 18 mars 1982 au Théâtre de la Bourse de Bruxelles, et la pièce fut donnée dans différents centres culturels flamands cette année-là avec le soutien d'Hugo De Greef[11]. Le succès immédiat de Fase et la reconnaissance internationale d'Anne Teresa De Keersmaeker se concrétisent en 1983 lors du Dance Umbrella Festival de Londres puis lors de sa présentation au Centre Pompidou à Paris[4]. Durant la période allant de 1982 à 1985 Fase est donné plus de cent fois[12] et la carrière de la chorégraphe est dès lors lancée en Europe[4],[13].Dansé durant de nombreuses années par le duo Anne Teresa De Keersmaeker et Michèle Anne De Mey, invitées à se produire dans le cadre de festivals internationaux, les représentations de Fase furent interrompues entre 1985 et 1992 ; la chorégraphe ayant décidé de ne plus interpréter la pièce[14],[15]. Poussée par l'envie de danser à nouveau[15], alors qu'elle s'était éloignée de la scène pour se consacrer exclusivement à l'écriture chorégraphique, De Keersmaeker la reprogramme ponctuellement à partir de 1992, accompagnée alors par une autre danseuse, Tale Dolven, pour les duos. Le succès de Fase contribua pour beaucoup à la création de la Compagnie Rosas, l'année suivante en 1983. L'importance de cette pièce et la reconnaissance croissante de la compagnie, feront que Fase sera jouée en 1985 avec les membres du Steve Reich and Musicians qui donnèrent une interprétation en direct de la musique, à l'occasion de la fin de la tournée internationale de la pièce initiée en 1982[3].
Steve Reich, qui avait donné son accord en 1982 pour l'utilisation de ses compositions[16], alors que De Keersmaeker travaillait à New York en 1981 avec trois des membres du Steve Reich Ensemble[4] (Edmund Niemann et Nurit Tilles aux pianos, Shem Guibbory au violon[13] qui joueront durant deux ans la musique sur scène avec la compagnie), n'a vu Fase réellement pour la première fois qu'en 1998 lors du retour de l'œuvre à The Kitchen à New York. Il écrira à ce propos :
- « Ce n'est qu'en 1998 que j'eus l'occasion de découvrir Fase, le chef d'œuvre qu'elle avait élaboré à l'époque. Jamais je n'avais vu une telle révélation chorégraphique à partir de mon travail. Elle avait totalement compris l'essence de mes œuvres de jeunesse[17] », allant jusqu'à déclarer que le travail de Anne Teresa De Keersmaeker « était équivalent à la musique. Sur le plan émotionnel et psychologique, j'ai senti que j'avais appris quelque chose à propos de mon propre travail[notes 2],[13]. »
Présentation générale
Fase est une œuvre en quatre mouvements[notes 4] :Elle est constituée de trois duos sous la forme de pas de deux et d'un solo (Violin Phase), pouvant être joués séparément ou partiellement mais constituant un tout. Sa durée d'exécution totale est d'environ 50 minutes. Elle est intimement liée à la musique de phase de Steve Reich que De Keersmaeker a découverte à New York entre 1980 et 1982 lors de ses études à NYU et qui sera dès lors « le compagnon de route et le point d'ancrage » de la chorégraphe[5]. Comme la musique qui le supporte, le principe de base de Fase est une écriture chorégraphique épurée voire austère[26], extrêmement rigoureuse, mathématique et géométrique avec l'alternance de l'utilisation du cercle et de la ligne droite. La chorégraphe reconnaît elle même que la pièce est « radicale » basée sur la recherche de ce que son corps voulait alors exprimer avec une espèce de « non-savoir-faire[20] ».
Fase est composée de cycles répétitifs de mouvements simples jouant sur la performance extrêmement physique de maintien du rythme et la logique du déphasage/rephasage lors des duos[notes 5],[3]. Bien qu'il s'agisse d'une écriture dite « minimaliste », le mouvement est expansif et évolutif[27], utilise la déclinaison autour du motif central, et est techniquement extrêmement difficile à tenir[notes 6]. Fase puise une grande partie de son inspiration d'une part dans les processus d'accumulation de Trisha Brown que De Keersmaeker admire et d'autre part dans le travail de Lucinda Childs[28] qui durant les années 1960-1970 collabore étroitement avec l'école minimaliste new-yorkaise au sein du Judson Dance Theater et notamment avec le compositeur Philip Glass et le plasticien Sol LeWitt qui réalisent respectivement la partition homonyme et la scénographie/vidéo d'une des plus importantes pièces de Childs intitulée Dance[29] et créée à la Brooklyn Academy of Music en 1979[30]. Cette œuvre, et en particulier ses deux premiers mouvements, inspire à Anne Teresa De Keersmaeker la composition des parties Violin Phase et Piano Phase où se retrouvent des bases stylistes similaires, des techniques épurées (jetés des bras et des jambes, mouvements répétés), et quelques principes chorégraphiques (décalages, utilisation du cercle et de la ligne)[30] qui sont toutefois poussés à l'extrême dans la proposition de la chorégraphe belge, en raison notamment de l'utilisation de la musique de Reich, plus théorique et radicale que celle de Glass sur les principes de répétition de motifs et de décalage de phases.
L'éclairage, réalisé par Remon Fromont et Mark Schwentner, est une part essentielle de la mise en scène de Fase puisqu'il donne à voir et accentue[16], notamment grâce aux ombres chevauchantes générées lors du premier mouvement, les processus de décalages tout en donnant l'impression que les danseuses sont alternativement cinq ou six et non deux[31], à la manière de l'utilisation de la vidéo projetée de Sol LeWitt par Lucinda Childs pour Dance. Par ailleurs, les costumes simples presque austères – petites robes grises et mauves, tournoyantes, baskets et socquettes blanches enfantines dans les deux premiers mouvements, puis pantalons et chemises serrées ensuite – seront eux aussi une marque de fabrique durant de longues années de l’identité visuelle de De Keersmaeker[1].
Premier mouvement : Piano Phase
Écrite lors de son retour à Bruxelles en 1982, il s’agit probablement de la partie la plus célèbre de l’œuvre, et la plus jouée indépendamment des autres mouvements. Peut-être aussi la plus spectaculaire car certainement la plus visuelle en raison du jeu d'ombres portées démultipliant les danseuses. Dans cette première partie, De Keersmaeker expose les bases de sa danse répétitive et donne à voir le processus de phasage/déphasage de la célèbre musique Piano Phase de Reich composée en 1967. Les deux danseuses, éclairées puissamment par quatre projecteurs latéraux créant leurs ombres individuelles et superposées sur un fond blanc, vont répéter pendant environ 15 minutes un mouvement de balancier du bras et du corps, associé à un demi-tour saccadé ponctuel et vigoureux, entrecoupée d’une montée sur une pointe de pied laissée en suspens avant de reprendre la séquence[12]. Suivant la musique et son principe de décalage de phase, l’une des danseuses va accélérer son mouvement d’un douzième de phase, décalant ainsi par rapport à sa partenaire sa séquence, jusqu’à l’opposition de phase, et au rephasage complet après quelques minutes[12]. Les deux danseuses restent alignées dans un même plan, mais vont progressivement et insensiblement bouger vers l’avant de la scène en créant un déplacement diagonal (avec notamment deux passages dans un plan perpendiculaire au plan initial, face spectateurs), continuer leur séquence sur ce nouveau plan, avant de regagner le plan initial à la fin de l’œuvre musicale retrouvant une nouvelle fois la synchronicité du début de la pièce[32].Deuxième mouvement : Violin Phase
C’est le solo de l’ensemble, dansé par Anne Teresa De Keersmaeker – cette fois dans un cercle giratoire éclairé de manière zénithale – sur Violin Phase, œuvre que Steve Reich a composée en 1967. Cette partie, d’une durée d'environ 18 minutes, est en réalité la première écrite par la chorégraphe et donnée en avril 1981 dans le cadre du Festival of the Early Years de l'Université d'État de New York (SUNY) à Purchase dans l’État de New York[8],[19]. Elle est directement inspirée du second mouvement de Dance (1979) de Lucinda Childs. Anne Teresa De Keersmaeker utilise également un motif de pirouette proche de celui de Piano Phase en joignant de manière rigoureuse les différents points cardinaux du cercle imaginaire autour duquel évolue la danseuse de manière alternativement centrifuge et centripète. Seule l’épure du geste et des mouvements du corps sont montrés dessinant au sol de la pointe du pied une rosace fictive de huit segments (celle-ci est explicitement montrée avec les dessins dans le sable que trace Anne Teresa De Keersmaeker dans la vidéo de Thierry De Mey de 2002[23] ou bien lors des représentation au MoMA à New York en 2011 reprenant pour la première fois ce dispositif sur scène à des fins pédagogiques autour du thème de « la ligne au XXe siècle[9],[19] »). Le mouvement culmine autour d'un point d'orgue musical et chorégraphique vers les deux-tiers de la pièce par un triple mouvement de balancier qu'effectue la danseuse au centre du cercle créé avec sa jambe droite tout en restant en équilibre sur la jambe gauche immobile, puis qu'elle réitère plus succinctement aux quatre points cardinaux[8]. La rotation des figures et de la danseuse, amplifiée par celui de la robe légère, font tout à la fois référence à la circumambulation spirituelle et physique de la danse Samâ' des derviches tourneurs soufiques et aux danses enfantines et espiègles des petites filles faisant tourner leurs robes et apparaître leurs culottes lors des bals de village[8],[19]. Certains des mouvements de cette partie deviendront des motifs typiques, des signatures, des chorégraphies ultérieures de la chorégraphe telle l'utilisation de la spirale qu'elle considère comme le « mouvement absolu »[notes 7] et que l'universitaire Philippe Guisgand qualifie d'« obsession spatiale majeure de De Keersmaeker[3] ». Elle-même confirme cette idée en déclarant en 2002 à propos de l'ensemble de son œuvre queDans ce mouvement, Anne Teresa De Keersmaeker démontre que la musique ne peut pas être qu'un simple accompagnement de la danse. Pour elle, son travail consiste en réalité à aborder un aspect essentiel de l'écriture musicale et d'en faire un fondement de sa grammaire chorégraphique, que ce soit par l'utilisation de l'espace, du temps ou du geste lui-même. Ainsi la partition de Violin Phase, qui s'inscrit dans la forme du rondo, implique, par transposition littérale, l'utilisation du cercle pour la composition chorégraphique[3].« Violin Phase est le noyau qui contenait tout ce qui a suivi[33] »
Troisième mouvement : Come out
Ce mouvement d'environ 11 minutes a été écrit avec Jennifer Everhard, une condisciple de Anne Teresa De Keersmaeker, et joué indépendamment de l'ensemble pour sa première en octobre 1981 à la Tisch School of the Arts de NYU. Sous deux lampes suspendues, les danseuses dès lors vêtues de pantalons gris, chemises claires et bottines, assises sur leurs tabourets, répètent sept mouvements distincts de bras et de bustes[34], sans se lever, de manière extrêmement saccadée et chaotique, mais en tournant progressivement au rythme de la phrase enregistrée « Come out to show them » de Come Out, la seconde œuvre écrite par Reich en 1966[32]. Cette partie est une illustration assez figurative du contexte historique de la composition de Reich, écrite dans à la suite des émeutes de la population afro-américaine réclamant l'application des droits civiques. En particulier, les mouvements des danseuses miment la phrase initiale : « I had to, like, open the bruise up and let some of the bruise blood come out to show them » (signifiant : « J'ai du ouvrir mes bleus et laisser le sang couler pour leur prouver »[notes 8]) sous la lumière crue de deux lampes à lumière crue évoquant un interrogatoire brutal dans un poste de police[16].Ce mouvement constituera par ailleurs la base de travail du deuxième mouvement de Rosas danst Rosas, la chorégraphie suivante de Anne Teresa De Keersmaeker écrite en 1983.
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