dimanche 8 mars 2020

"Une chambre à soi": Love Music: une alcove musicale.


Lors d’un récent entretien la compositrice Betsy Jolas a tenu ces propos sur la place de la femme dans le monde de la composition musicale : “...comme Virginia Woolf a dit - le problème pour la femme c’est qu’elle n’a pas de chambre à soi... j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver une chambre à moi!”

Pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes 2020, lovemusic mets le projecteur sur des compositrices qui ont marqué leur ligne artistique ainsi que des nouvelles collaborations. À cette occasion, le collectif a passé commande d’une nouvelle pièce spécialement pour ce projet auprès de la compositrice alsacienne Claire-Mélanie Sinnhuber.


Musique de
Betsy Jolas: "music to go" pour alto et violoncelle de 1995
Un vrai duo d’alcôve, languissant, sensuel, affirmé , mouvementé à l'écriture savante et discrète.

 Claire-Mélanie Sinnhuber crée "Machinettes" 2020 pour flûte, clarinette, guitare et violoncelle   (commande/création) qui succède comme un dialogue entre oiseaux, question-réponse, en petites notes aiguës, stridentes. Humour et verve hispanisante pour ce quatuor burlesque, bigarré, aux rythmes syncopés. Comme autant de petits jouets qui s'animent dans un univers ludique, onirique; de petites touches imperceptibles dans la composition, interrompue en séquences renouvelées.


  Naomi Pinnock (création française)"Everything does change" de 2012 pour clarinette, violon et violoncelle: une grande intimité dans la lenteur des interventions de chacun des musiciens: dissonanceS et distorsions des sons et harmoniques, en poupe.

Rebecca Saunders, avec "Molly's song 3-Shade of crimson" pour flûte, alto et guitare avec radio et boites à musique de 1996
Un solo de violon en ouverture, très prenant, présent, dramatique, obsédant laisse la flûte surnager: une petite musique de nuit à l'appui, des crissements, comme dans une chambre d'enfants. Un univers singulier, remarquable.

Michelle Agnes Magalhaes,avec "Migrations", solo pour violoncelle de 2018 pose les frontières du domaine de la percussion: sur le corps de l'instrument, l'interprète frappe le bois, la carcasse, exosquelette vibrant.Une feuille de papier, glissée entre les cordes, comme une page de livre ouvert, bruisse; comme sur des tablas, le son percute.Elle souffle, le vent dans la feuille de papier est brise et prise d'air. Glissé de l'archet, voix quasi dans des tonalités indoues; le violoncelle "préparé" intrigue et fait son bolly-wood ! 

Au finale c'est au tour de Michelle Agnes Magalhaes, avec "Lorca fragments" de 2016 pour flûte, clarinette, violon , violoncelle et guitare de prendre le relais.
Les cordes "préparées" de papier d'aluminium argenté s'agitent. En fond de scène sur un écran se dessinent des formes, tracées en direct: graphisme enfantin à la Jean Cocteau, inspirés des dessins de Lorca. Chacun des instrumentistes s'exprime, s'écrie, volubile: une assemblée loquace et polyphonique.La palabre assumée, discussion ferme, se prolonge, bigarrée, insolite.Les tempi s'accélèrent, glissades et intrus bienvenus!
Des dessins de matelots, tendres, magiques apparitions éphémères comme des traces et signes de mélancolie ou de portraits, visages de clown tristes.
Deux mains qui se tendent, fil conducteur dans ce labyrinthe rythmique déchainé; double face, Pierrot lunaire bicéphale. Comme un crayon qui trace sur une ardoise magique où tout nait et s'efface à loisir. Beaucoup de liens, de liaisons dangereuses en huis clos et rhizomes dans cette pièce phare

Un concert à l'image de Love Music: étonnant, recherché, stimulant.


Emiliano Gavito - Flûte
Adam Starkie - Clarinette
Winnie Huang - Violon
Lola Malique - Violoncelle
Christian Lozano - Guitare

Concert suivi d'un apéro offert - un moment d'échange entre les artistes et le public.

Dimanche 8 mars 2020 à 17h | Auditorium de la BNU

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