mercredi 23 février 2022

"Après Jean Luc Godard": le déluge!

 


Le cinéaste Jean-Luc Godard a bouleversé les codes narratifs, montré une jeunesse et sa façon d’être, de bouger, parler, qui était alors absente des écrans. Dans la seconde partie de sa carrière, il a créé un cinéma ouvertement politique. Comment cet héritage artistique peut-il se traduire au théâtre ? Que faut-il prolonger ou questionner aujourd’hui de cette œuvre ? Partant de la liberté et de la rupture qu’incarne Godard, le metteur en scène Eddy D’aranjo invente avec son équipe une forme alliant fiction et mise à jour du processus de création, où se mêlent nostalgie et nécessité de bouleverser les représentations normatives, esthétique et brutalité du réel.

Deux jeunes femmes sur le plateau, un fond d'écran derrière elle...Serions nous au cinéma? Ou quel sorte de spectacle nous attend? Elles nous conduisent, elle comédienne, l'autre technicienne sur les sentiers de l'image qui se fait, caméra au poing, plan séquence garanti sur le corps, le visage de l'autre en noir et blanc: touchante évocation de la figure cinématographique de JL Godard, le corps allongé en apesanteur sur l'écran, la peau lisse d'un visage assoupi, calme et serein. C'est de toute beauté et l'atmosphère  est brossée. Pas de reconstitution, ni d'évocation outrancière des films de Godard, jyuste une touche, un brin, une fêlure, une faille qui s'ouvre et baille..L'érotique et le politique vont se mêler dans la séquence suivante, scène d'intérieur en trois chapitre, la première nous dévoile Jeannot, un vieil homme chancelant, masqué de latex froissée, la nuque recouverte de cette peau plissée artificielle. Il progresse lentement, chute, faiblit sous nos yeux...Filmé en direct et projeté, son visage, son corps sont charnels et frémissants à l'écran comme dans ses "prises" de vue à la Godard qui tiennent les corps, les suivent, les capturent à leur insu. Toute la pièce, forme singulière où les personnages défilent et défient le verbe et le temps, se déroulent sur le mode et le tempo de la lenteur. Pas de précipitation, mais une grande concentration fébrile sur les propos et attitudes des corps des comédiens.Tous affranchis de modèles et lancés à fond dans l'instant, l'improbable lieu du jeu théâtral qui n'est pas celui du cinéma D'après JL Godard, disparition, mélancolie se font et défont à l'envi, tricotent l'atmosphère, vident  ou remplissent le plateau, au sens propre comme au sens figuré dans le décor, atelier de travail, laboratoire photographique...Jeannot c'est l'héritage face à ces jeunes qui hantent la scène avec leurs sentiments d'aujourd'hui, leurs questions, leur tendresse aussi face à un deuil anticipé. Jeannot au final va se démultiplier, s'incarner en chacun d'eux comme une mémoire vivante, solide Ce sera ce clonage annoncé par le monologue d'un comédien sur les artefacts, l'oeuvre de Godard, tout ce dont il parle, ce qu'il écrit ou filme. Face au théâtre, quelle posture ou attitude adopter pour écrire sur cet as de la comédie humaine?

Au TNS jusqu'au 2 Mars

Eddy D’aranjo a été élève du Groupe 44 de l’École TNS, en section Mise en scène (diplômé en 2019). Il a assisté Marie-José Malis (Hypérion en 2014), Julien Gosselin (1993 en 2017, Le Passé en 2021) et Pascal Rambert (Mont Vérité en 2019). Dans le cadre de L’autre saison, il a présenté eddy d’après Édouard Louis en 2018 et Les Disparitions − Désormais, n’a aucune image d’après Christophe Pellet en 2019. Il est artiste associé au TNS ainsi qu’à La Commune (CDN d’Aubervilliers) depuis 2019.

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