mercredi 9 février 2022

"Le dragon" : terrassé .....par un cocktail "dragonade" tonique en période de "Dragonnades" insolites...

 


Lancelot arrive dans une bourgade où l’humanité semble s’être résolue à la fatalité. Le lendemain, la jeune Elsa sera emmenée par le Dragon, comme tant d’autres avant elle. D’où vient que les habitant·e·s puissent ainsi se soumettre à l’horreur sans même combattre ? L’auteur russe Evgueni Schwartz écrit cette pièce en 1944, se servant d’éléments du conte et du fantastique pour interroger les forces de résistance face à un pouvoir totalitaire. On retrouve ici l’univers du metteur en scène Thomas Jolly, sa revendication d’un théâtre à la fois populaire et spectaculaire au service de la pensée. Quelles injustices terribles sommes-nous prêt·e·s à accepter tant que nous n’en sommes pas victimes ? Quel dragon faut-il chasser en nous ?

Grandes orgues en préambule, prologue à une odyssée fantastique et onirique, "dragonade", cocktail pétillant en majesté pour une ère secondaire, aire de jeu tempétueuse....C'est un chat qui se tapit, un étranger qui débarque dans un charmant lieu ouvert, demeure bourgeoise calfeutrée ...Qui est ce personnage en lambeaux faisant irruption dans un monde en apparence calme...Mais le chat avoue le secret dissimulé de la contrée: un dragon s'y cache réclamant chaque année sa victime: ce sera ce moment ci , la fille du propriétaire qui est menacée...Conte de fée ou manifeste anti totalitaire, à vous de choisir un angle d'attaque pour ce combat contre les violences et colères qui nous animent et une réalité qui met en jeu l'histoire et l'inconscient collectif. Notons le jeu des acteurs-en particulier la gestuelle du chat -Bruno Delmotte et celle du bourgmestre Bruno Bayeux-, interprétés par des comédiens hors pair aux mouvements savamment désarticulés ou savoureux.Cataleptique bourgmestre, tétanique figure domestique qui hante la pièce et lui confère un caractère énigmatique et prémonitoire.Chaplin en diable et Marx Brothers au menu gestuel!Animé de "perturbations psychomotrices" singulières et digne d'un film muet....

Dragonnades singulières que l'on pourrait ici évoquer -Les dragonnades sont les persécutions dirigées sous le règne de Louis XIV contre les communautés protestantes du royaume de France durant les années 1680, avant et après la révocation en 1685 de l'édit de Nantes, qui avait autorisé le protestantisme et le culte protestant.La mise en scène de cette tonique fresque narrative, est dynamique, et fertile en surprise, mélange et succession de rôles à l'envi que se partagent des comédiens rebondissants d'un personnages à l'autre, endossant de multiples facettes de caractères à la Molière Choeur et chorale désopilante, burlesque ou grotesque pour hurler ou mieux gesticuler la révolte ou l'impuissance du destin. Dans un décor sophistiqué, auréolé de néons dessinant la tête d'un dragon ou l'espace d'une tornade, paysages flamands, feu au loin, tour prend garde: l'univers, le climat et l'ambiance, l'atmosphère est forte et prend le pouvoir dans ce film en "noir et blanc" où les costumes quasi expressionnistes créent un topic saisissant. La ville y figure aussi, vaste façade inclinée, qui défaille en une architectonique à la Frank O Gehry, défaillante aire de jeu en déséquilibre..Un président y fait irruption nous rappelant que le politique veille et sévit au détriment des initiatives et autogestions de tout poils...Théâtre populaire de l'émerveillement et du divertissement intelligent!

A u TNS jusqu'au 8 Février 

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