Ce spectacle est basé sur la transcription de paroles d’anonymes qui
racontent leurs inquiétudes, leurs solitudes, leurs espoirs et leurs
colères sur une ligne d’écoute bénévole. Que peut-on dire ici à une
personne inconnue, qu’on ne peut dire nulle part ailleurs ? Partant de
ces myriades de voix solitaires, la metteure en scène Mathilde Delahaye a
composé un oratorio, une partition musicale. Récits de vie croisés,
silences, tremblements… Elle veut faire résonner ensemble ces
singularités qui, au travers de ce qui leur manque, dénoncent un vide et
appellent à une transformation du monde social. Je vous écoute met en avant la vitalité et le potentiel explosif que véhiculent celles et ceux qui sont au bord.
Fond de scène comme une fresque sur des corps qui chutent dans l'abime, surface au sol, lisse, huilée, aux reflets miroitants: des haltères immergée...Étrange vision, très calme....Avant la tempête? Une gymnaste vient s'emparer de cet engin de torture pour mieux le lâcher, éclaboussant de toute part: c'est une surface d'eau qui fait reflet!Un violoncelle entame une belle litanie, triste et nostalgique, mélancolique.Des fumigènes envahissent le plateau, un son de décollage d'avion du tarmac et tout démarre. Fin du préambule , de l'introduction, d'un prologue qui en dit déjà long sur la solitude...Des voix off s'agitent comme sur les ondes, en confessions timides, intimes...On arrive au vif du sujet quand dans un cadre carré lumineux, trois personnages entament ces discussions-dialogues, monologues ou confessions-, témoignages de solitude, de désarroi, de panique..Pour l'atmosphère glauque, il se met à pleuvoir sur ce décor, immense flaque où gisent des objets abandonnés, eux aussi cabossés, délaissés par la vie courante, active...Les trois silhouettes, tour à tour prennent la parole: écoutant, répondant, ou simulant toutes les voix du désespoir: une performance vocale et musicale inouïe à laquelle se collent brillamment les trois comédiens, statiques, immobiles, sans affect ou réaction épidermique.Claire Ingrid Cottanceau, sobre, lisse, hiératique, Thomas Gonzalez et Romain Pageard, animé de conviction, de finesse dans la perception et le rendu de toutes ces confidences vocales invisibles: donnant corps à des voix, des sentiments, des injonctions multiples et variées. Modulations, surprises, qui nous tiennent en haleine. Les solitudes s'enchainent depuis la chambre d'un "écoutant", depuis le choeur d'âmes esseulées, monocorde litanie de récits improbables sur la survie, la solidarité, les aveux déchirants de certaines victimes de l'isolement. Pièce touchante qui questionne les rapports humains de très près, de très loin sur les ondes glissantes des technologies au service de la communication à distance.Mathilde Delahaye signant ici une oeuvre empathique au décor puissant et métaphorique.Une vache égarée pour animal de compagnie, entrave ou simple portrait d'un immobilisme significatif!Qui laisserait passer la vie, statique et passive, image déconfite de lassitude et résignation.
Au TNS jusqu'au 10 MARS
Mathilde Delahaye a été élève du Groupe 42 de l’École du TNS en section Mise en scène. Dans ce cadre, le public du TNS a pu voir L’Homme de Quark d’après Christophe Tarkos, Tête d’Or de Claudel, à la COOP de Strasbourg, Trust Opus, d’après Falk Richter et Babil au bord des villes d’après Charles Pennequin. Elle a ensuite créé Pantagruel d’après Rabelais et L’Espace furieux de Valère Novarina (2017) Maladies ou femmes modernes de Elfriede Jelinek (2018) et, en 2019, Nickel, co-écrit avec Pauline Haudepin. Elle intervient à l’École du TNS régulièrement.
1 commentaires:
beau commentaire! bravo!
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