lundi 25 juillet 2022

AVIGNON LE FESTIVAL "IN": des inclassables....Des singuliers de l'art scénique...

 " VIVE LE SUJET" série 3 

Que des créations bien entendu comme à l’accoutumée! Des disciplines se croisent, s'entendent, se détendent ou se combattent: des artistes s'y rencontrent ,échafaudent (rapidement) des opus singuliers de 30 minutes et les voici occupant le jardin de la vierge du lycée St Joseph....

"PARTIE" de Tamara Al Saadi: sois bon soldat....


1914/1918: toujours d'actualité pour ces quatre protagonistes sur le plateau:la broyeuse idéologique de la Grande et longue guerre opère sur les personnages principaux. C'est une évocation plasticienne et sonore des textes de Tamara, ici comédienne qui se coltine le rôle du soldat avec émotion et assurance: celle d'un volontaire convaincu et livré au sacrifice ultime. La présence de Eléonore Mallo, ingénieure du son et bruiteuse est ici fort précieuse: guidant, servant la narration de ses instruments bizarres de récupération, sonnant son glas ou ses commentaires sur l'univers de cette tranche de vie de tranchée. A son établi magique, elle orchestre, fait vivre et voir l'origine des bruitages et fait ainsi de cet "accessoire" un véritable nid de création sonore A ses côtés se déroule le drame d'un être sacrifié, très émouvant, bercé par ses complices de plateau. Une belle réussite, évocatrice et sensible où le texte prend toute son ampleur servi par des corps au service de la mémoire.

"PROMETTRE" de Erwan Ha Kyoon Larcher: l'intime de trop....


Un duo maladroit de deux danseurs soit disant porteur du concept de "transformation au coeur de toute chose": mais de quoi s'agit-il hormis une démonstration de savoir vivre ou être de deux amants homosexuels dont les ébats ne nous concerne pas.Benjamin Karim Bertrand dans cette expérience ajoute du sensible, du sensuel mais ne raconte rien de plus qu'une histoire d’alcôve que nous ne saurions partagée. Cela devient voyeurisme et intrusion et le malaise parvient lentement.

"VIVE LE SUJET" série 4

"SILEX ET CRAIE" (Calcédoine et Coccolithe)de Vincent Dupont:à quoi on joue?....


Deux compères se retrouvent, masqués COVID, façon art-plastique desingné transparent comme des masques africains tatoués.Jolie façon d'avancer "masqué" et de se rassembler à deux pour faire la paire: sautiller, bondir léger, s'amuser mais sans grand intérêt tant on connait leur potentiel de créativité, à l'un , à l'autre. Deux grandes figures de la danse et de la performance s'ébattent gaiement, se lâchent joliment sans faire vibrer les cordes de la nostalgie, certes. Et c'est bien mieux: mais un peu plus de temps aurait été nécessaire pour affiner ce lâcher prise, ce laisser aller si cher à cette génération de grand révolutionnaire de l'art et de la pensée chorégraphique....

"LADILOM" de Tünde Deak: l'air de rien, un air qu'on voit danser...


C'est tout le charme d'une rencontre fertile en échanges et questionnement: ici, les deux protagonistes, l'une Hongroise de souche, autrice et metteuse en scène, Tünde Deak et l'autre, chanteuse, comédienne, Léopoldine Hummel cherchent racines, inspiration pour retrouver les origines d'un petit phrasé de chanson, berceuse ou comptine de leur enfance. Dans une scénographie originale, cadre TV ou alcôve sereine, on échafaude des plans, remue terre et ciel pour trouver des traces et tout revient à la mémoire avec grâce, tac et sensibilité Invitation au voyage pour ces deux malicieuses femmes aux regards et sourires complices.Fredonner tout bas des airs transmis qui nous structurent, nous font grandir dans une langue étrangère...Tralala! Ce n'est pas n'importe quoi! Filons donc ce fil d'Ariane avec bonhomie et délectation sans autre forme de procès...

"DU TEMPS OU MA MERE RACONTAIT" de Ali Chahrour à la Cour Minérale de l'Université



Un rituel familial où le danseur-chorégraphe  crée une gestuelle issue des mythes arabes et du contexte politique, social et religieux, qui "est le sien".C'est une ode, une quête émouvante aux origines, autant qu'à l'actualité qui brise destin et famille, disperse les vivants et rassemble les morts dans la fosse commune..Dans un Liban déchiré, se trament des récits poignants: celui d'une mère, Laila, de son enfant Abbas qu'elle protège et qui va danser cet exil du coeur, cette perte aussi d'une seconde mère éplorée par la disparition douteuse de son fils... d'un attachement à une culture, une filiation.Des destins se croisent, se chantent, se chorégraphient, images puissantes, une musique envoutante, enivrante qui possède les corps.L'Amour filial touche et la pièce, rare objet de désir  comme si nous étions inviter à pénétrer l'intérieur d'une maison...Gestes et postures proches de la danse où chacun des interprètes, prêtent engagement et volonté d'être à cet "endroit" pour faire rayonner déséquilibre interne et chaos ordinaire du quotidien maléfique d'êtres blessés.

"TUMULUS" de François Chaignaud et Geoffroy Jourdain à la Fabrica :tombeau nimbus....


Un démiurge du genre, magicien de la scène, inventeur du beau, inqualifiable François Chaignaud dont la trajectoire sera toujours celle du "étonnez-moi"sans jamais fléchir ni plier...La scénographie de cette odyssée fantastique est celle d'un tumulus, montagne sacrée celtique que vont conquérir des figures singulières aux costumes plus chatoyants et bigarrés que jamais Cette montagne accouche de drôles créatures hybride,grotesques ou simplement ornée du sigle de la beauté.Montage magique, totem ou chorten mystique, vision pantagruélique d'un sommet autour duquel se meuvent sans cesse des corps exposés.Procession infinie de treize membres d'une même famille de détraqués convoqués autour d'un mausolée.Des chants polyphoniques de la Renaissance, un choeur contemporain des Cris de Paris et tout se joue au souffle près. Magnifique "spectacle" à voir défiler cette parade complexe, changeante, bigarrée. Un "monte vérita" pour François Chaignaud à la démesure de ses rêves, ses désirs. Les voix de la délectation se font entendre dans cette utopie sonore créative, inouïe aux accents prodigieux de romances pour un temps présent...Un "ouvrage" d'atelier, d'établi sonore, une performance sempiternelle de tours et ritournelle hypnotique et très esthétique.Monticule ou sépulture, ce tumulus n'est pas nimbus mais prometteur de disparition, d'ensevelissement.Palimpseste ou chantier ouvert, machine théâtrale, tombeau: "tumer" comme "danser" qui au moyen âge veut dire se renverser vers l'arrière au point de tomber et de braver la mort....

"LADY MAGMA" de Oona Doherty  à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon: et viva la donna mobile !


Haranguer les foules, faire se réunir le public autour d'elle avant la performance, c'est son secret de fabrication, sa signature pop de cette femme metteure en scène engagée dont le propos ici sera sera celui de la "matrice", celle qui habite le corps d'une femme, celle qui est source de "l'origine du monde", le sexe...Mères, filles, tout ici sera pré-texte à afficher ce trouble profond qui émeut une femme.Très proche des corps des danseuses allongées sur un tapis persan, le public est bousculé par cette complicité charnelle et partage cette sorte d'hystérie freudienne..Le physique est volontairement mis au premier rang: êtres de chair, secouées par les spasmes de l'accouchement, les contractions du corps. Ode et manifeste, cet opus ébranle et le jeu sur l'extérieur, le ciel, le cloitre de la Chartreuse transfigure la scène en clairière de divinités accessibles. Femmes, je vous aime, je vous désigne et vous montre . Nées au monde, projetées dans le vivant pour transmettre le vivant. Le message est clair : bacchanales, culte gourou des années 1970 faisaient sens et signe: que faire aujourd'hui pour réactiver un certain militantisme de proximité. Le spectacle serait-il dévoué à celà?

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire