LA MANUFACTURE
Un parcours singulier dans les entrelacs des propositions de programmation des différentes structures d'accueil du festival off d'Avignon: La Manufacture entre autre, fidèle à ses engagements : du risque dans les partenariats et accompagnements au regard de la danse et de ses belles dérives...
"ET MON COEUR DANS TOUT CELA?" Soraya Thomas (compagnie Morphose) : à fleur de peau..
Elle est nue et crue sous les lumières ténues du plateau vide: son corps allongé, alanguie, elle déploie avec lenteur et sensualité, les méandres d'un micro parcours corporel, intime, infime, discret. Motus vivendi pour cette performance glissée dans les eaux accueillies par le tapis de danse qui l'abritent, la baignent mesure modestement dans sa plus simple nudité, son plus sobre appareil. Corps confronté à l'espace réduit de son pourtour, dans des lumières savamment conçues pour explorer les petits riens des surfaces charnelles. Soraya Thomas conte la frugalité sans mesure, avec pondération: femme noire métisse, engagée, conteuse d'une histoire tribale, bordée de références cachées à ses guerrières de la beauté: Nina Simone, Joséphine Baker...Et un coté plastique au final, dans un nid de carcasse noire, enroulée dans le tapis de danse: image à explorer encore pour mieux cerner les enjeux d'une renaissance annoncée...Beau travail d'Outre mer de l'Ile de la Réunion, en "outre-noir"....Avec le regard extérieur de David Drouard..
"MIRACLES" Bouba Landrille Tchouda (compagnie Malka) :matière à grimper....
Une structure rappelant Eduardo Chillida ou Richard Serra , bien campée sur scène est prétexte à de belles évolutions acrobatiques virtuoses sur fond de musique électro-accoustique tonitruante. Le trio de danseurs, surfeurs de lignes de crêtes, sur la touche de l'équilibre-déséquilibre, se livre à corps perdu à un envol salutaire, entre hip-hop savamment réinventé et danse tracée, en osmose avec cet être singulier qui peuple le plateau: une sculpture amovible, sécable qui porte leur démarche comme un geste créateur plastique.Masse, autant que stabile, ce personnage cuivré oscille, bascule, accompagne leur parcours spatial et en fait un tableau changeant constant, déroutant les lois du poids et de la pondération: les corps s'y incrustent ou s'en détachent à loisir pour une très belle plasticité.
"DRESS CODE" Julien Carlier (compagnie Abis): faire un bon break....dance!
Briser le "break", casser la glace et présenter un quintet hors pair, fabriqué de prouesses techniques, certes, mais ourlé de dramaturgie, de jeu, de force et de conviction au delà des clichés du genre: pari tenu pour cette formation où l'empathie fonctionne au quart de tour pour savourer énergie, dynamique, narration des corps engagés dans une aventure scénique qyui tient le spectateur en haleine jusqu'à la fin de cette course contre la montre très bien orchestrée.Soudé, compacté, le groupe avance , s'entraide, se relaie, se lâche dans des phrasés voluptueux enivrants.... La quête de la performance, la dépense, l'entrainement en jogging, ce "dress code" incontournable de l'athlète en est la quintessence et le développement. Être du "milieu", savoir y évoluer, y grandir, dans l'"être ensemble" et la communauté!Dans les abysses de la société du spectacle, aussi...
"DONNE MOI LA MAIN"David Rolland : et prends la mienne!
"Spectacle à jouer et à danser en famille": une bonne entrée en matière pour aborder de plain-pied dans la cour de la récré de l'école Sixte Isnard. On y prend casque et bonne humeur, on se mêle aux autres spectateurs comme à l’accoutumé chez David Rolland, friand de participation et d'interactivité!On suit Camille et son compère à la lettre pour jouer, perdre et gagner à définir, découvrir la "différence", toutes les facettes de l'apprentissage de la vie en société: des codes de la cour de récré, marelle ou carambole éducative, structurante, architecturantes des jolies et joyeuses mœurs qui unissent la jante humaine: dans la cour des grands, la roue tourne et le monde avance à grands pas: on les suit, ces deux as de l'animation, avec bonheur, empathie, on accueille leurs propositions démocratiques et humaines avec enthousiasme, sourires et émotions.
"SALTI" de Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna (compagnie Toujours après Minuit): un remède à la mélancolie...
Salvateur, réparateur, salutaire...Ce trio fait du bien et soigne tous les maux liés à la "maladie" de la danse obsédante, par les gestes et les mots.La parole est reine et belle, inventive et sereine et berce de sa rythmique endiablée les faits et gestes de trois acrobates virtuoses du genre: mixer et remixer la pensée en mouvement: celle dont le pré-texte est la tarentelle, l'épidémie tectonique qui embrase le corps piqué par le venin de l'araignée...italienne! A régner à l'intérieur des muscles profonds et des têtes folles de ces trois danseurs, imprégnés de l'imaginaire de nos deux compagnes de la compagnie "Toujours après minuit"..Utopie des relations humaines, transe en danse d'une contagion qui fédère et pousse à aller toujours plus loin dans les abimes, failles et rebonds du geste créateur: les mots chuchotent, les gestes ondulent, les visages s'animent, les corps discutent, se répondent, se rebellent.Ça respire le bon air de la "tarantolata" à plein poumons.Sur la toile de l'araignée, les insectes dansent sans se faire piéger et tissent les voies du métissage et des entrelacs savants de la théâtralité des corps mouvants. Une belle réussite bien dosée!Et si Damoiseau et Damoiselles d'Avignon dansaient les passerelles inachevées d'une toile à tisser, geôlière magnétique d'un conte d'effets...
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