" VIA INJABULO" Via Katlehong avec Marco Da Silva Ferreira et Amala Dianor: très urbain....
La Cour Minérale transformée en Agora, en Forum jovial et bon enfant, voilà de quoi mettre en train, de bonne humeur. A l'invitation de Via Katlehong, c'est Marco Da Silva Ferreira qui démarre la cérémonie de danse urbaine avec "form informs", danse "pantsula comme source d'inspiration constante.Plaisir non dissimulé que cette danse "verticale" et individuelle, toujours dansée en paires sans impair...Pieds rapides et précis, corps fragmentés, dissociés, figures distordues, anguleuses.Les corps se cassent et se réparent, guéris des cicatrices,des blessures.Physique ou émotionnels, ces stigmates visibles se réparent au contact de cette danse chorale qui inonde le plateau, se fait fête et office cérémoniel pour évacuer les esprits non guérisseurs...Puis succède la seconde pièce de Amala Dianor, artiste associé à cette aventure picaresque: avec "Emaphakathini", il puise chez les danseurs de Via Katlehong, une force issue des township, incroyable jovialité et générosité de jeu, de danse, de bonne humeur.Pulsion de vie, "entre-deux" zoulou où chacun tente d'exister .Hymne à la vie, à la musique amapiano très en vogue, cette fête sur scène, partagée est plus que touchante. On y croise des jeunes qui véhiculent des glacières de plastique, en font des monuments dignes d'installations plasticiennes sans le savoir, en sorte comme des boites magiques, du coca et autres boissons à partager, sur le pouce, à la bonne franquette!C'est simple et profond, digne et respectueux de toute une condition plus que réelle de la jeunesse de l’apartheid en Afrique du Sud et ça transpire cependant le bonheur du partage: la danse et la joie comme exutoire transmissible!
"LE SACRIFICE" de Dada Masilo: sur l'autel de la danse....
A la Cour du Lycée Saint Joseph, c'est place au rituel retrouvé d'une version très personnelle de Dada Masilo du Sacre du Printemps.Danse tswana de Johannesbourg pour fédérer plus qu'une envie de la part de la chorégraphe, de replonger dans ses racines botswana pour en extraire énergie, inspiration et esprit malin de rituel sacré.Une femme seule sur le plateau erre, perdue éplorée face à un destin dramatique que l'on sent proche: elle sera l'élue de cette tribu communautaire qui ne la sauvera pas mais la portera aux nues.Entre danse et chant magnétique live de toute beauté et puissance, c'est à une imagerie ancestrale et cathartique que nous assistons. Véritable piéta, accueillant ce corps voué au sacrifice, celui de tout être qui comme dans les traditions est désigné pour sauver sa communauté. Dada Masilo renoue ici très subtilement avec les fondements de sa culture, avec brio et générosité en grande intelligence avec cette compagnie galvanisée par un sujet brûlant: se sacrifier, pourquoi, pour qui, sinon pour faire émerger du sens à vouloir changer le monde. Solitude, errance, souffrance d'un corps isolé sur scène qui se plie aux lois du groupe sans rompre pour autant .Une oeuvre sobre et profonde sur le purgatoire, l'effacement, la perte irréversible de la chair pour la sauvegarde d'idéaux très respectables.
"SILENT LEGACY" de Maud Le Pladec et JR Maddripp: transgénérations au poing.
Dans le cloitre des Célestins, c'est une claque que l'on prend.Une "gamine" est seule sur le plateau dans un carré de lumière et s'agite, convulsive, agressive devant nous. Stupeur: elle a 8 ans, Adeline Kerry Cruz et se démène comme une star, franche et assurée, gavée de krump, nourrie à la danse par passion et vocation. Troublante figure quasi adulte qui se confronte à Audrey Merilus, danseuse noire, adulte formée à la danse contemporaine.Tandem, duo, couple? Pas exactement mais bien complice et partenaire de cette performance hors norme, énorme phénomène dérangeant, spectaculaire prestation incongrue, inattendue, inclassable, étrange.Virulente, engagée, la danse d'Adeline contraste avec les envolées spatiales de son double, son avatar qui se lance dans l'espace du cloitre, alors qu'elle se fige face à nous et nous harangue quelque part sur notre condition de spectateur.Danses héritées de cultures différentes, ce choc chorégraphique opère comme une expérience insolite et unique dont l'essence serait l'inconnu, le frictionnel. Silences, vibrations, bruit au poing pour accompagner le souffle, la virtuosité de ces corps en mouvement ou en pétrification.Le "mentor" d'Adeline, véritable "petit père" officiel de la "fillette" apparait sur scène, non pas pour la couvrir, mais révéler l'origine de son apprentissage Une transmission généreuse et radicale, exigeante et sans concession malgré son jeune âge: Jr Maddripp en géant, Gargantua de la scène devant ce Petit Poucet troublant qui vient déranger les lieux communs sur le métier de danseur.Incarner le mouvement, habiter le silence, semer le trouble et rendre à la danse sa physicalité première"émancipatrice et transgénérationnelle....
"FUTUR PROCHE" de Jan Martens: dévorer l'espace....
La Cour d'Honneur du Palais des Papes va s'ébranler des variations chorégraphiques signées Jan Martens en compagnie des danseurs survoltés de l'Opera Ballet Vlaanderen...Ils nous attendent assis sur un très long banc, tenue de sport, décontractés, souriants, tranquilles. Et tout démarre en musique: celle de clavecin de Elisabeth Chojnacka qui ne cessera quasi jamais plus d'une heure durant. Accents métalliques, toniques pour accompagner la troupe de danseurs, ivre de mouvement, jetés à corps perdus dans l'immense espace scénique du plateau, vide.Émotion directe, empathie simultanée avec cette horde de corps qui s'anime, se bouscule sans se toucher, se projette à l'envi pour une vision fugitive, fugace, fulgurante.C'est opérationnel et les tours comme des poupées mécaniques qui ne cessent leur manège font office de vocabulaire contemporain hors pair. Car se servir de la technique inouïe de cette discipline pour inonder le plateau d'une telle dynamique est petit miracle.Ils tournoient sans cesse sous la pression, la tension de la musique magnétisante qui fait naitre une danse rythmique inédite.Percussive, ascensionnelle, directionnelle et parfaitement plaquée aux corps des danseurs galvanisés.Des solo zoomés par le regard,magnifiques en surgissent, s'en détachent sans briser l'esprit de communauté, sauvage, urgente expression des corps.Des images surdimensionnées sur le mur de fond du Palais se glissent aux pieds des danseurs qui ne disparaissent pas pour autant.Une grande vélocité des déplacement, une ivresse du tour, des déboulés, des jetés font de cette architecture mouvante, un manifeste du neuf très audacieux.Le "ballet" des corps magnifiés dans leur singularité sans effacer la technique, l'homogénéité des corps "classiques font de cette oeuvre un manifeste musical et chorégraphique de haute voltige.
Le festival d'Avignon décèle à coup sur des talents inédits ou confirmés qui ouvrent des perspectives inédites à l'art chorégraphique de notre temps: la danse comme médium et vecteur de manifestes humains et communautaires de grande importance. Une prise de conscience évidente sur les corps citoyens ou magnifiés pour un bouleversement des comportements à vivre de toute urgence.
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