Cette année 2022, huit propositions chorégraphiques au menu des Hivernales...
Alors, on s'y jette avec curiosité et fidélité: la porte est grande ouverte, le public nombreux....
"REPERCUSSIONS" de et avec Ana Perez: du talent, des talons....
Un solo de femme éperdue, franche et déterminée pour ouvrir une matinée estivale, c'est une lumière qui se fragilise pour mieux explorer les racines, les mutations d'un flamenco bordé d 'une trajectoire des Antilles au Cap Vert en passant par l'Espagne: les chocs, résonances , échos et revers s'y font entendre, les pieds martelant le sol, rageusement ou délicatement. La femme qui danse pour nous, devant nous est puissante et son langage métissé par ses origines reflète la multiplicité de l'écriture flamenca d'aujourd'hui: finies les légendes folkloriques, place au son, aux gestes barbares et engagés, à la métamorphose d'un vocabulaire désormais hors code qui va et se dirige vers une poésie de l'instant garantie.
"FORCES" de Leslie Mannès, Thomas Turine, Vincent Lemaitre: zombies telluriques.....
L'ambiance lumière y est cathartique, des bordures de corps fluorescents se distinguent peu à peu dans une scénographie pesée, construite pour que l'oeil s'acclimate à une atmosphère curieuse, énigmatique: trois corps de femmes s'y révèlent pour mieux éclater, éclabousser le monde de leur "gesticulations"singulières.Ce trio féminin de guerrières chamanes ou cyborgs inclassable, séduit sans pour autant nous embarquer dans un monde tellurique ou interstellaire comme promis.Tourbillon de forces primaires, telluriques ou technologiques ne suffissent pas à hypnotiser le monde. La danse y demeure fade et inopérante, malgré la fusion attendue corps-danse-lumière, au début, prometteuse de bien des climax originaux....
"UNDERDOGS":de Anne Nguyen (compagnie par Terre): du chien, du chiendent, de la chienlit !
Rien de péjoratif dans cet énoncé, au contraire, du vif, de l'engagement physique, dense et surtout "dansé" prodigieusement par trois interprètes galvanisés par un choix musical remarquable. Un flyer offert pour nous guider dans un roman picaresque fait d'un préambule, de trois actes et d'un épilogue...Violence urbaine, jungle du bitume, corps comme dernier rempart, tout est passé au crible pour évoquer profit, nouveau monde utopique, manipulation...Les corps en trio tricotent à l'extrême la vivacité des revendications politiques et poétiques de cette pièce où chacun est unique et donne de soi dans une altérité respectueuse et exacerbée On note le jeu de comédien-danseur de Arnaud Duprat et Pascal Luce, la fougue et la vélocité incroyable de Sonia Bel Hadj Brahim, solide, efficace, séduisante figure de l'engagement physique. Rythme effréné, explosif pour des corps ancrés dans un langage inouï. On s'y colle et on adhère à cette énergie de chienne de vie, orchestrée par des références musicales des années 1970, déchirantes de beauté, d'authenticité, de véracité et de colère.Une pièce magnétique qui conduit direct à cette "chienlit" majestueuse d'une révolution chorégraphique en marche!
"DIVIDUS"de Nacim Battou (compagnie Ayaghma): l'artisanat des corps...
Entre danse contemporaine et hip-hop, ce métissage de styles opère par la puissance des interprètes qui oscillent entre sagesse, obéissance et débordements...Comme une ode, une prière pour la danse, muse de tant d'espoir, de souffle et de vie, cet opus se construit peu à peu sur le chemin de la mémoire, de la transmission. Les danseurs se jetant dans l'arène de la danse ancestrale transcendée, démultipliée par les influences, ces éponges de mouvements absorbés puis relâchés comme malaxés par le temps Le temps de remixer les facettes de nos structures mentales oeuvrant sur le corps.
"STARVING DINGOES" de Léa Tirabasso: peurs primaires à l'encre du chaos....
Un amas de terre où tout se joue comme traces et signes, comme empreintes et jeu de piste. Le sol est le tremplin de cette opus original où les cinq danseurs dessinent, balayent la matière première, s'y lovent et inventent une plasticité digne d'une installation éphémère.Les enjeux sont ceux de plasticiens et la vision s'enrichit sans faillir de cette matière première.Au delà d'une dimension temporelle mesurée, le propos s'étire, se déploie sans encombre et l'on se perd sans s'égarer sur des sentiers à défricher encore pour plus de resserrage scénographique.
"FANTASIA" de Ruth Childs (Scarlett's): tuer les pères.....
Incroyable prestation de Ruth Childs, seule et surtout avec Beethoven dont elle parvient à nous convaincre qu'il a su faire une musique à danser plus qu'à écouter ou subir! Telle des grandes orgues omniprésentes, elle déferle sans inonder ni submerger, happée, stoppée, arrêtée par l'immobilité de la danseuse. Face à ce piège démentiel, elle parvient à danser médusante et pétrifiée et nous laisser pantois devant tant de talent et de subtilité.Et le tour semble jouer pour un show subtil, mesuré, délicat et profondément émouvant. Ruth Childs ébranle le plateau et nous laisse croire que "Fantasia" est encore possible, de perruques en perruques,que les montagnes sont franchissables. Alors on y va au piolet et on fait l'Ascension du Mont Ventoux avec elle sans contestation. Un chef d'oeuvre en puissance....
"DEDICACES" de Romane Peytavin et Pierre Piton LA PP: quand Terpsichore sa muse....
Mais que fait la muse de la danse Terpsichore au musée? Elle nous a-muse et à la Fondation Lambert on renoue avec les traditions de la danse moderne des Dupuy!Alors allons-y pour un mini show personnalisé de deux escogriffes de la performance:on choisit sa mélodie, on avance devant l'ordinateur, on sélectionne sa musique, on appuye sur play et le couple improvise, danse, s'amuse, se donne à corps perdu rien que pour vous devant un mur à la Sol LeWitt très sérieux....Un juke -box chorégraphique à se damner tant costumes, structure et musiques dépotent pour vous tout seul! En cabine de show-dance. Du sur-mesure qui fait du bien et raconte aussi les impressions que peuvent faire sur nous les intrusions des autres dans notre univers, notre bulle. Paire d'automates échappés de leur boite à musique, pantins désarticulés, marionnettes sans fil à retordre mais à se tordre de rire et de gaité....
et aussi dans le off (relayé par les hivernales)......
"EX-POSES" de Héla Fatoumi et Eric Lamoureux à la Collection Lambert: corps et graphies....
Tout autre démarche que celle de "Ex-poses" une pièce emblématique du répertoire des Fatoumi-Lamoureux...Rencontrer une oeuvre majeure de la collection d'origine d'Yvon Lambert en Avignon!Avec deux duos adaptés pour le lieu et l'oeuvre bien entendu...Wall Painting 1143 de Sol LeWitt sera leur cible: espace, rythmique, couleurs, angles et brisures d'une oeuvre murale peinte in-situ. Alors les enjeux sont puissants la danse en duo y répond en s'engageant sur les traces, les lignes de fuite, les contrastes couleur-noir et blanc des costumes.Tout semble se relier ou s'opposer dans les constructions respectives: chorégraphiques et picturales. Duo féminin pour commencer la cérémonie, placés autour des deux danseuses, face au mur. Minimalisme et hyper-expressivité s'y répondent: les visages, animés de grimaces quasi grotesques, tranchées comme de la xylogravure au couteau du geste, bordées de contours noirs appuyés. Nattes et chevelure qu'elles tordent, balancent, font voyager et prolonger les corps de façon artisanale et naturelle .Ces deux figures bien concrètes et charnelles devant cette géométrie tectonique des plaques incompressible. Géologie des surfaces pour des corps pensants, penchants, amovibles et souples Combat aussi de corps japonisants, souffles éructant la vie qui se défend à corps et à cris.Gravité des vibrations pour le second duo masculin, lui aussi imprégné de cette puissance à faire résonner les contrastes:une initiative qui réinvente le rapport entre deux arts majeurs pour mieux saisir les impacts saisissants des couleurs, des registres esthétiques convergents: corps et graphie à l'origine de l'architectonique du monde, calligraphie revisitée, strates, couches et palimpseste de danse résurgente de nulle part-ailleurs...
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire