Après
sa création au festival Music Current à Dublin et avant de débarquer au
Sound Festival en Écosse, lovemusic présente (L) AUTRE au Musée d'Art
Moderne et Contemporain de Strasbourg.
Puisant
ses inspirations de diverses sources telles que la télévision, le
trolling en ligne, la théorie académique et la littérature, (L) AUTRE
juxtapose des éclats de colère intenses avec des prédictions
mystérieuses d'un voyant incompétent. Pendant ce temps, David Patrick
Kelley manie un jeu de cartes tandis qu'une flûte basse est accompagnée
de deux voix mystérieuses en arrière-plan.
Dans
ce nouveau projet, lovemusic explore le concept de l'altérité - l'état
d'être différent et étranger à son identité, étiquetant les individus
comme subordonnés et les excluant des normes sociales. Le point de
départ de ce projet a été une collaboration avec Sasha Blondeau sur une
nouvelle œuvre Autres inapproprié•es, qui fait partie de leur nouveau
cycle de travaux "Devenir|s mutant es". En référence à la théorie de
Trinh Minh-ha et au concept du Cyborg de Donna Haraway, cette nouvelle
œuvre questionne l'identité et la différence. Les œuvres de Neil Luck,
Ann Cleare et Bára Gísladóttir explorent des thèmes allant de la
représentation aux méditations sur soi et le pouvoir de l'anonymat,
tandis que The Hyacinth Garden de Finbar Hosie, à travers des vignettes
de The Waste Land de T.S. Eliot, explore la désillusion dans la société
dans laquelle nous vivons.
Dans l'Auditorium du MAMCS, c'est la rencontre avec lovemusic que l'on attend: toujours innovante, surprenante, inédite. Un éclairage sur "la transition"et ses processus humains et sonores en introduction de Adam Starke pour éclairer notre lecture de ce programme riche en "différences" et autres formes d'identité et altérité tant menacées de nos jours...
Plein feu sur le sujet avec l'apparition de bruits de pas, de crissements joyeux de grillons nocturnes...C'est avec la pièce citée que tout démarre:
de Finbar Hosie • The Hyacinth Garden* • performer, clarinet, viola, e-guitar, electronics and lights (2023)
Quatre petites lampes de chevet comme éclairage intimiste, des sons en ratures, stridences, pincements des cordes, chuchotements de voix: du vrai gribouillage, crayonnage ou coloriage sonore, esquisse à la patte picturale des traits de Cy Twombly . Ca grince, ça s’essouffle, alors qu'un officiant, templier ou devin en chasuble, cartomancier ou voyant, murmure et fait ses plans. Fracas, puis silence pour ce prédicateur de l'apocalypse, espoir ou fin du monde pour celui qui ne resterait pas vigilant face aux remous du monde. De la musique savante sachant mettre le doigt là où ça impacte.
Ann Cleare • eyam iii (if it’s living somewhere outside of you) • bass flute & shadow instruments (2015) :la pièce suivante voit apparaitre Emiliano Gavito, en noir et pantalon doré, silhouette se découpant sur le fond d'images vidéo de nuages passagers sur le ciel bleu. Ils défilent comme les sons de son instrument, soliste, sirène prolongée, amplifiée, entre voix et émission de souffle, interrompu, rallongé en extension spatiales: comme un bourdonnement, une plainte.Crachin et postillon, vols d'insectes en bouche, en boucles obsédantes. Danse et volutes, le son tourne, percute l'espace, se fraye un chemin discret jusqu'à nos oreilles.
Suit, de Bára Gísladóttir • Rage against reply guy, • bass clarinet, violin, cello, e-guitar and electronics (2021)
Des flashs lumineux, une ambiance de fond aquatique et tous sont habillés de noir et tissus mordorés, scintillants:les images vidéo passagères, floues sèment l'atmosphère de furtif, d'éphémère. L'ambiance est lascive en longues phrases musicales. La brutalité, dureté de la guitare, blesse et tranche. Irruption inopinée pour une prochaine cacophonie organisée au flux agressif continu.Les cordes apaisent un instant puis c'est la reprise du chaos déchirant: déflagrations, bouleversements tectoniques à l'appui.
L'oeuvre de Sasha Blondeau • Autres inapproprié•es* • flute, clarinet, viola, cello, e-guitar and electronics (2024) s’enchevêtre sans interruption, un appel du saxophone désespéré au diapason de cette évocation de "distinction de soi et de l'autre", position à tenir pour instaurer l'écoute des différences. La bande son très riche défile et cloches et prairies surgissent de ce paysage sonore hors norme
Au final, de Neil Luck • Deepy Kaye • performer, viola, cello and video (2018) prend la forme d'un discours, prêche tonique de Emiliano Gavito: conteur qui pose carte sur table, en accord avec les gestes des images vidéo projetées simultanément. Du beau travail synchrone, en cadence, bordant les mains directionnelles à l'écran qui semblent désigner, monter. L'accélération des propos, le jeu de pile ou face de pièces lancées au hasard sur l'écran, fait mouche et touche. Les jeux sont faits? La virulence de l'attitude du porteur de mégaphone en fait un "happy end" percutant, chargé de réflexions sur l'audace d'être soi en ces temps de ségrégation et de "distanciation sociale"...
Ce concert éclairant, magistralement interprété par le collectif lovemusic est déterminant et grave, plein de lisibilité poétique autant que politique: celle qui se niche en filigrane entre les portées et notations musicales. Pas de "bécarre" ici mais beaucoup de dièse et d'énergie, de tectonique, d'icônes fugaces, de cartomancie et de hasard qui comme un coup de dés jamais n'abolira la vie.
* commissioned by lovemusic, premiere
lovemusic
Emiliano Gavito, flute/performer
Adam Starke, clarinet
Emily Yabe, violin/viola
Lola Malique, cello
Christian Lozano Sedano, e-guitar
Finbar Hosie, electronics
Emiliano Gavito, flute/performer
Adam Starke, clarinet
Emily Yabe, violin/viola
Lola Malique, cello
Christian Lozano Sedano, e-guitar
Finbar Hosie, electronics
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire