Dimanche à la Filature de Mulhouse, pause dans la programmation et ligne éditoriale du festival des musiques d'aujourd'hui, pour s'atteler au géant du théâtre équestre, Bartabas et son fameux Théâtre Zingaro d'Aubervilliers.
Bartabas en belle forme, dans une "petite forme", un spectacle plus intimiste pour le plateau, pas le chapiteau, ce qui lui réussit à merveille.La scène de la Filature, avant le lever de rideau est occupée par un chandelier, dans une atmosphère religieuse, renforcée par l'émission d'encens. Unepersonnage , nain, vêtu à ecclésiastique allume les chandelles et quête parmi le public pour introduire dans le tronc la monnaie de singe!
Et tout démarre par des visions étranges et apocalyptiques: l'atmosphère est sombre, le noir domine et les douches de lumière tamisent le fond du plateau. Vision étrange que ce cheval, monté par un homme dont le corps semble se prolonger en centaure: homme cheval qui ondule selon les mouvements de la bête domptée, docile. Cheval noir dont l'homme emprunte la queue pour se flageller.
Univers monastique à souhait, évocation de l'inquisition espagnole en séquences ou tableaux vivants gorgés de lumières tamisées.
Un danseur de flamenco prend la scène à bras le corps et y exécute une danse tétanique, rythmée, ravageuse: c'est le sévillant Andres Marin. Flamenco très contemporain, de profil, dos en proie aux émois de tremblements.Torse nu, gainé de noir, il évolue, fier et altier, cavalier à terre, ravageur de sol, dessinant des courbes dans le sable jonchant la scène.Comme autant de voltes, de figures empruntées au vocabulaire du monde équestre. Danse et cheval ne sont pas des inconnus: depuis Louis XIV, la bonne éducation combinait équitation, danse et escrime!
Mimétisme des poses du danseur avec les pas du cheval, trépignements hystériques, impatience du danseur....Percussions corporelles à l'appui, Marin réinvente le flamenco équestre, à la façon de Israel Galvan, révolutionnant grammaire et code de la danse andalouse!
Des claquettes en rafale comme un feu d'artifice détonnant au loin scandent sa danse, l'amplifient....Les percussions de ses pieds se propagent dans son corps....
Un trône lui offre l'occasion de jouer de multiples façons dans un espace exigu, une plaque au sol, amplifiée par une chambre d'écho résonne de tous ces pas...Ses doigts armés de dés percutent, il cherche de nouveaux supports pour imprimer les sons et frissons de la danse!
Sur une musique espagnole du XVI ème siècle, jouée et chantée en direct. Humains et animaux se rencontrent dans une atmosphère très recueillie, spirituelle aux accents démoniaques, diaboliques. Les images de crucifixion sur le mont Golgota viennent clore cette intrusion dans la mystique, le secret et les interdits d'une époque réactivée sur scène par la beauté des images, des Tableaux à la Zurbaran.
De l'humour aussi lorsque affublé d'une fraise, ou d'un couvre chef en forme de coiffe de fée, nos héros gravitent dans ce monde obscur, fantomatique pour initiés à l'ésotérisme.
Trois splendides chutes d'un cheval blanc, comme dans un ralenti, évoquent la perte, la descente aux enfers.Une apparition burlesque d'un poney, tracté par un "nabot" fait figure de cour des miracles, de tableaux de pendus à la Villon ou fait référence aux paysages de potences des crucifiés de Bosch. On songe à tant d'univers, de références que parfois la singularité de l'écriture scénique se perd dans des méandres de comparaisons.Le noir, le blanc, le rouge en majesté pour une ambiance épurée, ancestrale.Menaçante parfois tant les figures de l'inquisition, les gestes extatiques de rituels y sont présents.
Bartabas surprend cependant par ce côté intime: quatre chevaux, de la sciure, un dispositif très modeste pour exprimer tant de choses!
La danse y a la part belle et se frotte au monde équestre dans une belle complicité.Animalité, mystère, cérémonies et magnétisme de l'étrange, pour un spectacle inclassable!
"Ballet équestre": un nouveau genre pour des haras très cavaliers où le monde est chevauché par des monstres inouïs!
Une belle "récréation" dans le programme du festival : la musique nous viendrait-elle de ces temps profonds et mystiques, de ces voix monacales dont les tonalités ouvrent des perspectives et des paysages sans fin?
dimanche 28 septembre 2014
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire