Fatigués par la morosité du quotidien et la médiocrité de leurs semblables, Fidèlami et Bonespoir partent en quête du royaume des oiseaux où ils espèrent vivre d’art et d’amour. Ils rencontrent le roi Huppe qui règne avec nonchalance sur le monde bigarré des volatiles. Apprenant que le ciel n’appartient pas aux oiseaux, Fidèlami les exhorte à prendre le pouvoir. Leur faisant miroiter un nouvel âge d’or, il les convainc de bâtir une cité-forteresse dans les nuages, afin d’intercepter les fumées des sacrifices grâce auxquels les hommes nourrissent les dieux. Contraints par la famine, ceux-ci devront s’incliner devant les oiseaux ! Mais gare aux promesses de lendemains qui chantent : le réveil pourrait être brutal.
Musique foisonnante et lyrique, livret charmeur et poétique...
Sous ses airs de fable animalière, Les Oiseaux est
une adaptation post-romantique d’une comédie antique
d’Aristophane. Composé par Walter Braunfels durant la
Première Guerre mondiale et créé à Munich en 1920, ce
somptueux opéra raconte avec tendresse et mélancolie
les aspirations humaines puis l’échec des utopies. Il était
grand temps que ce chef-d’oeuvre du XXᵉ siècle soit présenté
en France
Le plateau semble un vaste open-space où des fonctionnaires seraient livrés à l'ennui, la routine: gradins et tables de travail gris, architecture qui fonctionne comme un amphithéâtre, nid et niche des chanteurs, du chœur: tectonique qui va bientôt réveiller les acteurs de cette pathétique assemblée de l'ennui et du désarroi. Chacun endosse ici un rôle qui va le métamorphoser en "acteur", protagoniste d'un récit, d'une narration dont on découvre pas à pas qu'elle sera le scénario d'une fable, d'un conte contre l'idiotie, la bêtise et l'ignorance.C'est le rossignol-Marie Eve Munger- qui s'attelle après s'être confectionné avec application méticuleuse d'une travailleuse docile, une couronne de papier découpé, à mettre le feu aux poudres. Panique au poulailler dans cette cage grisâtre et sans barreau, dans cette agora de l'inutile , de l'activisme. Chaque personnage s'identifie à un oiseau, un animal à plumes, bestiaire raisonné des volatiles communs ou échassiers. Le roitelet porte bien son nom de petit monarque ambitieux dans ces villes invisibles dont il voudrait créer une hétérotopie à la Michel Foucault- L'hétérotopie est un concept forgé par Michel Foucault dans une
conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres ».
Il y définit les hétérotopies comme une localisation physique de
l'utopie. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire, comme
une cabane d'enfant ou un théâtre.On y est! Ce royaume des oiseaux est bien là, centre et enjeu de péripéties multiples, de jeux de rôles, de fantaisie aussi, déclinée par l'imaginaire des costumes de Doey Luthi, du décor de Andrew Lieberman qui tente de se métamorphoser; de lieu de travail à une nichée de papiers recyclés et débités en autant de belles franges aux arabesques rassurantes. La mise en scène de Ted Huffman éclaire le récit, le déplace dans un temps et espace quasi contemporain qui évoque ces gradins d'assemblée politiques où se jouent démocratie et discussion, rapport et tentative d'inventer un autre monde aux facettes plus vivantes et aventureuses. Les chanteurs sont franchement excellents et campent avec solidité des rôles fantasques et convaincants, livrés aux aléas d'un contexte truffé de rebondissements.Le choeur en émoi et action occupe les espaces à l'envi: bataille de boulettes de papier ramassés par un technicien de service de haute voltige: Prométhée en personne !La musique de Walter Braunfels à découvrir par son foisonnement lyrique et son déferlement de timbres et variations multiples. Les dieux y sont convoqués, menaçants, intrigants, et Zeus autant que Prométhée- font figure de gardiens et veilleurs dans cette "cage aux oiseaux" où chacun n'a cesse d'exprimer sa position . Lieu d'une danse aussi qui intervient et fait partie intégrante du récit: danse chorégraphiée par Pim Veulings, et servie entre autre par un excellent performeur:Toon Lobach, débordant de mobilité hallucinante: phrasé fluide, rage et désespoir au plus près du corps charnel et ondoyant, sidérant de souplesse et agilité qui focalise le regard sur ses prestations en solo. Il n'est pas le seul auprès de Vladimir Hugot, Jocelyn Tardieu, Gautier Trischler et Caroline Roques à nous faire passer "ces entremets dansés" comme une pause salutaire, le geste prenant le relais des performances vocales de Tuomas Katajala, Cody Quattlebaum, Joseph Wagner et tous les autres oiseaux, Huppe, aigle, corbeau, flamand rose, grives, hirondelles....Un opéra que l'on emporte aussi sous son bras: un petit livre pour notre collection venant enrichir notre bibliothèque idéale: une idée de communication autant que d'information sur chaque oeuvre proposée par le directeur très érudit de l'Opéra du Rhin, Alain Perroux,écrivain et musicologue émérite, pédagogue éclairé et efficace qui considère le spectateur comme ayant soif de découvrir et d'aller plus loin!Opéra très "huppé", volage et où l'on ne se fait pas "plumer" !
Direction musicale Aziz Shokhakimov Direction Musicale : 19 et 22 janv. , 20 fév. Sora Elisabeth Lee Mise en scène Ted Huffman Décors Andrew Lieberman Costumes Doey Lüthi Lumières Bernd Purkrabek Chorégraphie Pim Veulings Chef de chœur Alessandro Zuppardo Chœur de l'Opéra national du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg
A l'Opéra du RHIN jusqu'au 22 Février
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