Musica remonte le Rhin pour clôturer son édition à Bâle avec les acteurs locaux de la création musicale.
Après la création de son opéra Don Giovanni aux enfers, Simon Steen-Andersen conclut Musica avec son monumental TRIO pour orchestre, big band, choeur et vidéo — une pièce qui détourne le sentiment de nostalgie pour littéralement s’éclater ! Le compositeur danois est l’hôte de cette virée bâloise : il nous invite au Musée Tinguely, avant un concert de Zone expérimentale, l’ensemble de la Hochschule für Musik/Sonic Space Basel, inspiré par sa pièce Staged Night présentée à Musica en 2020.
—Espace Don Bosco le 1 octobre
Musik inszeniert Musik
Zone expérimentale
Dans cette église désaffectée dévolue à l'étude de la musique"Hochschule fur Musik FHNW/sonic apace basel"un florilège de pièces contemporaines, mises en scène sobrement, c'est Simon Steen Andersen qui se taille la part belle: quatre morceaux extraits de "Insernierte Nacht for seven instruments and electronics de allant de l'inspiration de Bach, à Schumann en passant par Mozart: des relooking façon le maitre à compacter, coller, détourner les références et canons du baroque ou classicisme. Les instruments solistes se taillant la part belle à tour de rôle et interprétés par quelques virtuoses de l'exécution gymnopédique du compositeur démiurge du genre. Entrecoupées par un Aperghis croustillant, "Sept crimes de l'amour" ainsi que d'un opus de Poppe"Fleisch" le concert bat son plein de surprises, de voix émergeant du flux ou des impromptus musicaux singuliers, oeuvres de compositions radicales, exigeantes, solides témoins de l'écriture "disciplinée" des auteurs d'aujourd'hui.
Et c'est au Sportzentrum Pfaffenholz , une architecture remarquable de Herzog et de Meuron, les papes de l'architecture suisse et internationale du moment que le clou de cette escapade musicale à Bale va se dérouler!
Play Big!
Sofia Gubaidulina Revuemusik (1976/1999/2002), création française
Une pièce courte et très tonique regroupant déjà l'orchestre Basel Sinfonietta et le NDR Big band ouvre le bal: singulière composition audacieuse, périlleuse composition alliant les genres et strates en alternance. Déjà la fusion entre les deux ensembles opère de façon calque ou simultanéité de timbres, sons et autres astuces virtuoses de composition. L'acoustique singulière du gymnase avec ses moucharabiehs tectoniques comme des intra-squelettes laissant passer les ondes, les voix, les sons sidérants.
Michael Wertmüller Shimazel (2023), création mondiale
Voici un opus où à nouveau les deux formations rivalisent de maitrise et de savoir faire d'interprétation: sur le fil et sans filet, les voici funambules d'un mélange alchimique entre jazz et classique, les masses de sons se doublant, s'intercalant ou faisant couches tectoniques de roches métamorphiques. Le son est phonolite, mêlant les strates comme des chaos, des séracs crissant, la musique reculant comme un glacier sous le choc des moraines. Du bel ouvrage où le sérac, un bloc de glace de grande taille formé par la fracturation,dépassement du seuil de plasticité de la glace d'un glacier, devient iceberg à la dérive. Débâcle salutaire pour évacuer du paysage tout obstacle à sa formation..
Le tout à Lego
Enfin, Simon Steen-Andersen avec son TRIO (2019), création française nous régale de sa singulière écriture mêlant ici le rythme d'un montage vidéographique inouï, avec la musique taillée sur mesure des thématiques et découpages visuels. Un challenge à la hauteur de ce compositeur épris de cinéma, d'images mouvantes ..Une architecture déstructurée ou inventive, style construction de Lego improbable silhouettes visuelles en déséquilibre inventif.A contrario de ses prouesses de grand angle ou de plans séquence, le voici attelé à un montage précis, net, un découpage musique-son-images d'archive très pertinent et impertinent à la fois. Les portraits de chefs d'orchestre au travail, gestuelles, mimiques, postures et attitudes et attitudes d'antan, les plans sur les interprètes, les espace de concert font tourner la tête et plongent dans une vertigineuse ascension aux enfers! Vision et attention auditive au paroxysme pour l'auditeur, bousculé par tant d'imprudence mesurée, calculée au millimètre près .Mètre -maitre-à danser autant qu'alambic surréaliste Simon fait preuve d'une audace insensée, résultat d'un long travail de décryptage de 400 heures de visionnage d'images de références. Résultat: un travail de fond tel le plasticien musicien virtuose du genre, Christian Marclay, accumulant des extraits d'images thématiques( téléphone, portes...) en compilations rythmiques époustouflantes: humour, détachement de la composition musique-image décapante. Une narration s'ensuit faite de clins d'oeils, de références, de mémoire d'un capital visuel sur la musique et son exécution... La klang-couleur-mélodie comme axe de recherche toujours bordé du concept de collages, superpositions, décalque de la musique. Les trois ensembles au diapason de cette performance indescriptible ouvrage gigantesque et mégalomaniaque, gargantuesque banquet sonore délectable. Fragrances, saveurs d'une cuisine déstructurée à l'envi où les trois chefs d'orchestre dont Titus Engel rivalisent de maitrise de la direction d'ensembles qui s'entremêlent à foison. De la très haute voltige pour ce magicien volcanique, éruptif, pas sage du tout de la musique d'aujourd'hui....Du montage musical qui colle aux images comme de le processus de création vidéo de Thierry de Mey, musicien de ses propres films sur les chorégraphies filmées et montées de A nne Teresa de Keesmaeker!
Une escapade à Bâle au gout des machines et chorégraphies de Tinguely, l’ôte pressenti en amuse bouche et oreille de ce périple musical hors norme. Une "clôture" pour le festival MUSICA où toutes les barrières sont ouvertes et franchies, mettant à bas frontières et territoires pour une circulation libre des sons, des musiciens, des compositeurs conviés à ce festin frugal ou roboratif des sons frissons.
Basel Sinfonietta
NDR Bigband
Chorwerk Ruhr
direction | Titus Engel le 1 Octobre dans le cadre du festival MUSICA
© Ralf Brunner
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