Les feuilles, la pierre ou le bois, les métaux, le verre ou le sable délivrent des propriétés sonores sur une scène aux allures de grand tableau. La musique — c’est aussi son pouvoir — redonne vie aux objets inertes de la nature morte. Elle les fait sortir du cadre et les porte à notre attention, comme pour mesurer l’écart entre le temps géologique de la matière et le fragile temps de l’humain à l’écoute.
Avec sa dernière création, Jérôme Combier fait écho au courant de l’arte povera et aux artistes Jannis Kounellis, Giuseppe Penone et Claudio Parmiggiani, ainsi qu’au land art de Richard Long. La salle de concert devient une surface sur laquelle gravitent des îlots sonores. La composition comme la disposition des choses font l’œuvre. Au centre du dispositif, un percussionniste fait exister les matières naturelles, et en les manipulant, les projette parmi les instrumentistes qui l’environnent. Ainsi absorbées dans l’écriture et dans l’espace, elles deviennent phénomènes, gestes, mouvements. La musique dès lors s’observe, exposée, sculptée, frottée, caressée, parfois brisée.
Memento est dédié à la mémoire de Raphaël Thierry.
Au sein de la salle de spectacle du Palais des Fêtes, le public est rassemblé autour de trois estrades et un coeur central d'où vont vibrer les sons incongrus et savamment orchestré par Corentin Marillier. Des plages plus ou moins longues engrènent le concert: les musiciens rassemblés par petit groupe dont un composé de trois instruments à vent entre autre. Sous la direction de Guillaume Bourgogne. Sons-matière pour chaque pupitre où l'instrument est considéré comme émetteur et vecteur de son hors norme. Le violoncelle devient percussion, les vents se font corde, et toutes les astuces sonores nées de la manipulation de matériaux bruts divers est un enchantement. A l'oeuvre le percussionniste rivalise d'inventivité en manipulant graines, cassantes, cosses, végétaux musicaux en diable! Du sable en cascade lumineuse au final, très esthétique image de la matière sonore et vivante. Peu de chose pour un rendu sonore déroutant: de "l'Art Pauvre" plein de richesse, de densité, de poids et légèreté en même temps.Les pièces sonores se succèdent offrant un panorama visuel flatteur. Les sons s'y glissent, radieux, solaires, inattendus et aiguisent la curiosité et l'attention chez l'auditeur. Un vaste paysage sonore où se renvoient les ondes, réverbérations et bruissements naturels. Comme un jeu d'aller et retour entre les groupes composés, tributaires d'un chef de partie singulier: ce prestidigitateur, agitateur de vibrations, de sonorités inouïes, qui font du bien dans leur chaleur et sensualité vivante. Le son acoustique au plus près des auditeurs dans cette vaste arène musicale. L'ensemble "Cairn" exécutant cette cérémonie rituelle comme un culte à la beauté du son . Monticule ou tumulus de terre ou de pierre élevé par les Celtes en Europe, les Tibétains en Asie : Pyramide élevée par les alpinistes et les explorateurs comme point de repère ou pour marquer leur passage ...A vous de choisir la meilleur définition pour qualifier ces explorateurs de sons, ces aventuriers des matériaux singuliers ou instruments acoutiques...
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création mondiale du cycle complet
Jérôme Combier Memento : un livre des matières (2019-2023)
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percussions | Corentin Marillier
direction | Guillaume Bourgogne
Ensemble Cairn
flûtes | Cédric Jullion
clarinette basse | Ayumi Mori
trompette | André Feydy
accordéon | Julia Sinoimeri
violon | Constance Ronzatti
violoncelle | Alexa Ciciretti
piano | Maroussia Gentet
électronique | Etienne Démoulin
création lumière | NN
Commande Musica, Noirlac - Centre culturel de rencontre
production Ensemble Cairn
coproduction Musica, GMEM - Centre national de création musicale
avec le soutien de la SACEM, de la SPEDIDAM et de la SACD
Jérôme Combier a bénéficié d’une résidence de travail à la Maison Dutilleux Joy à Candes-Saint-Martin durant l’été 2023.
La musique de Jérôme Combier est publiée aux éditions Lemoine
© Gaelle Belot
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