dimanche 17 septembre 2023

"Don Giovanni aux enfers": polymorphe méphistophelès musical, monstre, hydre maléfique: un opéra dévastateur...

 

clara beck

« Repens-toi, c’est ta dernière chance ! » Don Giovanni tente de se dégager de l’étreinte glacée de la statue du Commandeur : « Non, vieil orgueilleux ! » – « Alors il n’est plus temps ! » De tous côtés surgissent des flammes et la terre commence à trembler sous ses pieds. Un chœur de démons s’écrie : « Cette horreur n’est rien comparée à tes péchés, viens, il y a pire encore ! » Dans un cri d’effroi, Don Giovanni est précipité dans les enfers, au milieu des âmes suppliciées et de leurs bourreaux. Sa carrière de libertin achevée sur terre, le voilà qui entreprend dans les enfers de l’opéra une odyssée cocasse sur les traces de Dante et d’Orphée, en  compagnie de personnages maudits ou démoniaques empruntés à quatre cents ans de répertoire.


Il y a eu "la nouvelle vague" au cinéma, la "nouvelle danse" et voici venir en majesté "la new discipline" en musique contemporaine. Rien de neuf en soi si l'on songe à "Dance" où Sol LeWitt, Phil Glass et Lucinda Childs opéraient déjà la pluridisciplinarité, le multi média pour une oeuvre totale, surexposant image, danse en live et rythme musical...Sauf que les technologies ont évolué et qu'à présent le mixage, découpage, la surexposition, le meltingpot sont des outils banalisés. Exhalation pestilentielle que ce "Polystopheles" anti héros du nouvel opéra du trublion de la scénographie sonore, visuelle, musicale Simon Steen Andersen : conteur hors pair dans le monde de la narration dramatique pourtant liée à la dérision, la distanciation de mise en scène. Se frottant à des interprètes chanteurs lyriques, le voilà quelque peu piégé par une accumulation, un empilement, un patchwork de citations, de références autant au véritable Don Juan qu' à des semblables dans d'autres univers musicaux: de l'opérette au baroque. Savantes références, certes, qui nous transforme Zerlina en homme-objet nu pathétique, Méphistophélès en un diable suspendu dans les airs..Qu'importe, l'impact visuel est fort et poignant.

La descente aux enfers est source d'images filmiques, sortes de plans séquences vertigineux où le metteur en scène est acteur de cette dégringolade symbolique, cette course infernale, poursuite, fugue, où il s'implique comme performeur. Ainsi le rythme est tambour battant,essoufflant, hypnotique. Décors et costumes en osmose avec les périodes musicales traversées: du french cancan aux gambette en boites hirsutes, aux atours baroques froufroutants. Les voix sont celles du belcanto autant que proches des scratches et turbulences synthétiques.Un grand fatras prolixe et chatoyant pour détrôner un mythe envahissant: Don Juan séducteur, ravageur des coeurs devient victime d'une chute fatale à sa gloire, sa réussite. Les pieds dans le plat, Andersen ne fait de cadeau à personne, ni même au spectateur, témoin d'un glissement de sens dramaturgique. Un conte de fée peu orthodoxe qui déboussole les canons du genre, renverse en spirale comme dans un gouffre sans fond, les valeurs d'antan.


Du Sam Szafran en toute évidence iconique et plasticienne, aspirant au vertige.Le festival MUSICA complice et protagoniste avec l'Opéra du Rhin pour cette célébration d'un tournant de la "nouvelle discipline" musicale, indisciplinaire et peut- être un peu trop rangée, déjà!

L'Orchestre Philarmonique et l'Ensemble Ictus se révélant à saute mouton d"un registre à l'autre dans une incroyable maitrise et une réelle performance rythmique!



À la fois compositeur, metteur en scène et vidéaste, l’artiste danois Simon Steen-Andersen s’empare d’un thème majeur qui hante l’histoire de l’opéra depuis ses origines : la descente aux enfers. Jouant malicieusement avec l’art du collage, de la déconstruction et de la transposition, il fond dans une nouvelle création personnages, situations et musiques empruntés à un large corpus d’œuvres du répertoire lyrique, de Rameau à Boito en passant par Berlioz, avec pour point de départ la scène finale du Don Giovanni de Mozart. Esthétiques, époques et langues s’entremêlent au fil d’une plongée spectaculaire dans les entrailles de la plus infernale des machines : le théâtre.

Ictus, Chœur de l’Opéra national du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg

Direction musicale Bassem Akiki Conception, mise en scène, décors, vidéo, lumières Simon Steen-Andersen  

La Statue du Commandeur, Polystophélès, Un médecin Damien Pass

Christophe Gay 

Sandrine Buendia Tisiphone, Turandot, Sycorax, Eurydice, Une ombre, Une parque Julia Deit-Ferrand 

François Rougier

Geoffroy Buffière   

A l'Opéra du Rhin jusqu'au 21 Septembre

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