Méryll Ampe a mené une longue enquête sonore au Mexique dans le contexte de la lucha libre, le catch masqué devenu symbole du pays. L’artiste pose le cadre — le ring imaginaire — d’une soirée où la musique devient elle aussi un sport de combat. Dans le bruissement de la foule des supporters se dégagent différents phénomènes de tradition expérimentale, des inspirations préhispaniques de Vica Pacheco aux maracas réinventées par Daniel Zea et François Papirer, en passant par la folk bruitiste de Julien Desprez. L’issue de la lutte est toujours une victoire, toujours une défaite. Alors, dans l’espace vidé de ses corps vaillants, de ses éclats et huées résonnent El llamado de Mario de Vega et les sifflets de la mélancolie.
Tonnerre d'applaudissements sur la bande son, sifflets, cris et rumeurs des houligans ou supporters d'un match invisible. C'est "Lucia libre" de Meryll Ampe 1st round comme prologue à la soirée Sonic Temple de MUSICA . Alors que le public s'installe calmement : Nicolas De Stael aurait adoré lui qui dans ses toiles sur les footballeurs revendiquait le son..Ici c'est le catch qui est visé, combat mexicain, masqué qui remplit l'atmosphère et l'espace de toute l'église St Paul.— C'est Gilles Olz qui succède à cette entrée en matière sonore avec deux oeuvres pour orgues: "Juan Cabanilles Pasacalles de 1tono" et "Estanciao Lacerna Tento de 6° tono": l "Primitivo" en création mondiale'instrument résonne et amplifie les sons par une gymnastique sonore incroyable...Belle image de l'instrumentiste aux commande dans une scénographie lumière adéquate.
"Primitivo" en création mondiale fait mouche. Dans un halo de lumières rougeoyantes, la silhouette du percussionniste se fait diabolique. François Papirer signe un opus digne de toutes ses capacités inventives et techniques, nourries d"une expérience prolifique et raisonnée d'un art de la percussion à perte de vue et d’ouïe. Les morceaux se chevauchent, s'articulent, s'emboitent et se superposent en nappes sonores denses et fluides. Celui ci est tel les sons de criquets, du ressac de la mer, de bâtons de pluie en tempête ou résonances percussives. Seul aux commandes il crée des univers singuliers, battements d'ailes d'un oiseau mécanique à la Hitchcock ou Nino Rota. Images cinématographiques qui sèment le trouble et mélange les genres... Locomotive, dynamo, moteur aérodynamique futuriste qui s'emballent autour de la nef et en font une performance de circuit automobile au Lingotto...Le sport est convié dans sa hargne, avec ses hordes de souteneurs infaillibles...Guerres, mitrailleuses, salves s'y rajoutent en un combat singulier tribal, la meute de sons rejoint les ondes déferlantes, les tonalités des matériaux préconisés. Coups de canon, feu d'artifice, pétarades et sirènes pour une réverbération du son amplifié par Daniel Zéa aux consoles. Les grésillements et scratchs comme ferments volubiles d'une musique tectonique à souhait. Murmurations célestes de bon aloi...
Une ou deux pauses encore en entremets ou entractes de Meryll Ampe pour nous ramener dans l'arène du jeu et du pain populaire : ça crie, ça cogne en "quatre boules de cuir", ça castagne pour une mise à tabac virtuelle. Tout bascule dans la vibration, la guérilla. pas d'arbitre dans cette embuscade sonore perpétuelle, sismique telle un tremblement de terre qui enfle et déborde.
Puis c'est "Animacy-or a breath manifest" que nous convie Vica Pacheco: Foret vierge à l'ambiance végétale tropicale aussi soulignée par les pois de couleurs des spots à la Yayoi Kusama.
Julien Deprez à la guitare et au chant s'ingénie à crever l'espace avec "Simply Are": déflagrations et vibrations d'usine en délire technologique pour effets titanesques de bruits et de fureur.
Au final après ces secousses telluriques, "llamadot" de Mario de Vega offre des images de cracheurs de feu, de sifflements stridents, vibratiles persistants, amplifiés, solubles dans l'air en fragrances musicales détonantes. Les phénomènes géologiques et sociétaux de concert dans cet événement inclassable, "lutte libre" sans toit ni loi aux moeurs de notre temps: violence, décibels à fond...L'arbitre sifflera trois fois pour extension des feux de la rampe sur le ring invisible d'un film transparent, d'une éloquence des sons et des bruits de foules.. Un assortiment où "nos héros sont morts ce soir" "racing bull" ou "rocky"musicaux pour un match tonitruant vu des estrades confortables du spectateur, témoin de combats, de luttes, d'affrontements musicaux bien particuliers.
commande Festival Musica, production Festival Musica, avec le soutien de Césaré, Centre national de création musicale de Reims, Pro Helvetia et FONDATION SUISA (Daniel Zea, François Papirer Primitivo)
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