CONCERT MIS EN SCÈNE
La Symphonie Haffner de Mozart sur les planches du théâtre. Une dramaturgie de l'écoute.
Elle n’était plus qu’un numéro d’archive, un document, un code à déchiffrer. Auditeurs et auditrices, dit-on, s’en étaient lassés à force de l’entendre. Désormais, les musiciens œuvrent à la manière d’archéologues dans les dédales d’un site funéraire. Que peut encore nous dire une partition musicale issue d’un passé perdu ? Que révèlent ses différentes strates, ses codes et conventions oubliées ?
Le génie de Mozart : d’avoir été en avance sur son temps, de transcender les moindres formules musicales de ses prédécesseurs et de ses contemporains, et cela en revendiquant une indépendance que nul n’avait su atteindre jusque-là… Le panégyrique pourrait être infini, mais il retient plus rarement une autre qualité. Celle d’avoir été en avance sur le désespoir et de nous prendre aujourd’hui encore au piège de la mélancolie.
En usant des moyens du théâtre, Séverine Chavrier et Pierre Jodlowski sondent cet héritage sous la forme d’une expérience et d’une fiction musicale : cette Symphonie Haffner de Mozart, faisons mine de l’entendre pour la première fois et tentons collectivement de lui résister. Là où elle nous tient en joue — l’oreille comme cible —, décomposons et recomposons-la, pétrifions son harmonie, livrons ses motifs au chaos… et tentons ainsi, stoïques à l’écoute, de la déjouer.
Sur le plateau du TNS, une partie de l'Orchestre philarmonique, dissimulé derrière un rideau opaque, futur écran récepteur d'images. Et la musique de Mozart d'entonner ses poncifs archi connus en tranches comme des strates de millefeuilles sonores. Du classique déroulé de la symphonie Haffner, voici façonné un ouvrage en couches interrompues par des sons et bruits synthétiques de haute volée technologique. Interruptions dans ce vaste phrasé ainsi saucissonné en tranches toujours comme une architecture en déséquilibre instable, éphémère construction en devenir. La musique surprend, se hache, se coupe, se fractionne en suspension frustrante et castratrice. Le flux s’interrompt alors que la montée orgasmique des sons en plateau parvient difficilement a trouver son apogée. Les images de l'orchestre, enregistrées ou en direct impactent la dramaturgie, l'écran en bord de scène sème le trouble, des images de forets, d'arbres menacés de mort, de la neige au sol et des sapins décatis évoquent une catastrophe naturelle proche.Curieuse pièce courte où tout bascule entre classique et contemporain dans cette "new discipline" multimédia qui décortique, malmène et maltraite le son avec délectation et virtuosité technologique. Mozart rétréci, Mozart distendu, prolongé, pétri et endommagé à l'envi dans des intentions de déconstruction avouée d'une référence musicale galvaudée.
création mondiale
Wolfgang Amadeus Mozart Symphonie no 35 en ré majeur, KV 385, dite ”Haffner”
direction | Jean Deroyer
Orchestre philharmonique de Strasbourg
mise en scène | Séverine Chavrier
adaptation de la partition et conception électroacoustique | Pierre Jodlowski
scénographie et régie plateau | Louise Sari
vidéo | Quentin Vigier
régie vidéo | Claire Willemann
cadreur | Frédéric Letterier
régie générale et lumière | Germain Fourvel
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représentations au TNS dans le cadre du festival MUSICA
ven 29 sept - 20h30
sam 30 sept - 20h30
production Musica
coproduction Orchestre philharmonique de Strasbourg, CDN d’Orléans
avec le soutien du Théâtre National de Strasbourg et de la SACD
© Mathias Steffen
© Lukasz Rajchert
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