À partir des années 1890, des expériences nouvelles transforment l’art de la danse, loin du divertissement codifié et mondain qu’elle pouvait être jusque-là. Sensible aux innovations menées, Rodin s’intéresse à des personnalités exceptionnelles, parmi lesquelles Loïe Fuller et Hanako. L’un des points d’orgue de ces rencontres s’établit avec les danseuses cambodgiennes en représentation à Paris pour l’Exposition universelle. À leur départ, Rodin dira qu’ « elles emportèrent la beauté du monde avec elles ». La complicité partagée avec les artisans de cette révolution amène Rodin à lier danse et sculpture dans leur commune exploration des possibilités du corps humain. Rodin s’intéresse à la danse sous toutes ses formes, qu’il s’agisse des danses folkloriques régionales ou orientales, des prestations de danseuses de cabaret, des principales personnalités de la danse contemporaine ou encore, intérêt qu’il partage avec Isadora Duncan, des pratiques de la danse dans l’Antiquité.
Un événement ce soir à Strasbourg après une présentation au Musée Guimet la veille à Paris: noblesse oblige pour ce documentaire de création riche en images d'archives exceptionnelles, fruit de recherche, de rencontres et d'analyse de La Danse cambodgienne: rien de "danse sacrée" ni danse "rituelle", celle-ci se niche au creux de l'histoire géopolitique du pays. Au sein du royaume, le "Ballet Royal khmer" voici la danse protégée évoluant au gré des changements sociétaux, économiques. Mais l'esthétique de fondement perdure et demeure: les doigts extensibles, courbés comme nuls autres en des positions, attitudes quasi extraordinaires, les corps entre ciel et terre, paradis et ancrage. Les corps se plient, s'inclinent comme dans ces images d'archives où les codes et postures se réitèrent, s'enchainent pour un mouvement fluide et prolongé. Histoires de gestes qui illustrent fleurs, parfums dans des mimétismes proches du langage "signé". Pas de coupure, de hachures mais un glissement progressif de l'énergie de la tête aux pieds. Les costumes genrés masculin et féminin sont des chefs d'oeuvre de fabrication: du sur mesuree pour les couturières qui s'affairent 4 heures durant pour costumer les danseuses...El les maquiller de blanc pour concentrer les regards, effacer les singularités. Le film raconte, montre et fait apparaitre à l'écran les personnalités du monde le la danse: interprètes, chorégraphes, répétitrices et autres chevilles ouvrières. Des légendes encore vivantes ou disparues qui crèvent l'écran par leur récit, leur témoignage. Car la danse est aussi ambassadrice et fille du prince, menacée par la guerre, les khmers rouges, les facéties de l'histoire. Dans un camp de réfugiées, une danseuse étoile de ballet vaque à sa survie! Un travail de titan, des recherches, des éclaircissements pour nous faire découvrir une gestuelle pétrie de beauté, de grâce. La musique originale du film s’inspirant de l'époque musicale début de siècle, quelques Satie, Ravel ou Debussy comme références.Les danseuses se calquent sur les esquisses incroyables de Rodin, fasciné par les nouvelles formes de corps des interprètes. Ombres portées, transparences et autres dessins fabuleux restituant les ondes et mouvances des bras, des doigts. A l'issue de la projection surgissent sur une estrade deux danseuses cambodgiennes qui accompagnent la tournée d'un mois en avant-premières dans toute la France. C'est hallucinant et charmant de voir si proches des égéries d'une danse ancestrale portée aux nues par le film, là devant nous. Un présent rare d'une valeur inestimable. Musique et chant traditionnel à l'appui. Terpsichore en costume d'apparat n'a rien à envier à notre Terpsichore en baskets de notre temps!
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