mardi 6 février 2024

"Sans tambour", ni tromperies, on s"'arrange" et ça fonctionne. La famille Achache se porte bienet et a du lieder ship.

 


Les spectacles écrits par le metteur en scène Samuel Achache avec son équipe de musicien·nes, chanteur·ses et interprètes partent de la musique pour créer du théâtre. Sans tambour mêle compositions originales et arrangements de Lieder de Schumann. Tout commence dans une cuisine, avec un couple en crise : elle veut le quitter car il ne lui parle pas d’amour. Alors, les murs du quotidien se désagrègent − au sens propre comme au sens figuré − et tout se fragmente en souvenirs, fantasmes, réécritures mythiques, retours à la réalité, échappées poétiques et lyriques. Qu’est -ce que l’amour idéal ? Est-il celui, absolu, de Tristan et Yseult ? Le spectacle suit le chemin de la reconstruction, avec onirisme autant que drôlerie et fantaisie.


"Chewing gum silence" "Concerto pour clavier en ut mineur" "Orfeo/ Je suis mort en Arcadie", on s'en souvient comme d'un élixir de jouvence, de fantaisie et d'audaces scéniques et anachroniques. Bach, Monteverdi et pourquoi pas Schumann? Alors on s'y jettent avec eux, musiciens, comédiens et autres accessoires inutiles en majesté. La cérémonie de la déconstruction, de la destruction d'un être humain se profile d'emblée.


Un tout à Lego en ruines romantiques.

Jean Pierre Raynaud en pâlirait, lui le performeur de destruction de ses maisons de carrelage.


C'est un décor qui va chavirer, exploser comme le triste destin d'un homme qu'une femme va quitter. Et quelle femme: une qui veut un aventurier alors que celui qu'elle a aimé ne se soucie que de robinet, de plomberie et autre siphon dégradé. Tout s'abîme ici, se détériore comme cet homme qui décline devant nous. Une cabine de douche ensorceleuse, cabinet de magicien et prestidigitateur  révèle ses secrets de famille.Le comique et le burlesque vont faire de lui -Lionel Dray-un être qui casse sa baraque où il est juché pour échapper au pire, hors sol. Les autres compères, complices de cette chute viennent ponctuer, border ses pérégrinations de petits entremets, interludes musicaux: instruments à vent, accordéon et violoncelle pour augmenter le son, appuyer ou libérer des émotions musicales. En prologue, ce DJ de la platine irréelle donne le ton, le volume, les rayures du disque craquent, patinent, recommencent comme un comique de répétition: le disque est rayé, notre homme aussi: rayé de la liste des élus du coeur de sa belle. Un raz de marée amoureux malgré tout en dernier recours pour détruire, démonter le homme-sweet home nuptial. Tous s'y mettent et les murs de la désillusion s'écroulent, les gravas et briques à terre comme des tas de souvenirs, de nostalgie. Le verbe est haut et fort, les corps des comédiens-musiciens aguéris au jeu. Les voix sont résonantes, les timbres profonds, les performances vocales appropriées sans excès de zèle. Et chacun prend sa part de vedettariat sous les feux de la rampe d'un escalier qui même à rien. Notre héros a beau s'emparer d'une massue, il n'y a que les murs qui tremblent et s’affaissent. Des sculptures vivantes pour en attester. Comme les "quatre géants", travailleurs, dragueur de gravier du pont Kennedy Strasbourg.




Un petit air d'opéra à la Kurt Weil, une mélodie schumanienne, un essai à la James Brown : les citations sont les bienvenues, clins d'oeil et autres mimiques, attitudes, poses à la Chaplin ou Keaton et le tour est joué. Samuel Achache ravit, enchante et mène le public vers un burlesque acrobatique qui lui sied à merveille.Le rythme soutenu du spectacle nous embarque dans des péripéties comiques, légères ou graves selon les personnages incarnés de façon si évidente, sans caricature ni flagornerie. Dans ce sanatorium sont convoqués Tristan et Isolde deviennent mythe et franchissent les barrières des époques: Wagner, Schubert, même combat pour faire voyager notre imagination et tisser des liens entre les anachronismes.Tous font que le navire vogue à toutes voiles et ce piano à bretelles que porte un de nos deux anti-héros devient robe de Ménines ou crinoline Gaultier à l'envi. Costumes et re-vêtements à danser, bouger sans entrave pour ces clowns de pacotille, membres d'une vaste famille recomposée. En rire ou en pleurer, là est la question devant ce show ludique qui malmène l'humaine condition et nous la porte sur le plateau. La musique comme vecteur d'intrigue, de suspens, de fantaisie comme à l'accoutumé chez la famille Achache. On en reprendrait bien un "petit morceau" de ce Schumann là! Sans fausse route ni note trop salée...On ne fera pas la Sourde oreille ni le tympan vibrant.

Samuel Achache est metteur en scène et acteur. Entre 2013 et 2017, il a co-mis en scène plusieurs spectacles avec Jeanne Candel. Il a co-dirigé, avec l’ensemble La vie brève, le Théâtre de l’Aquarium de 2019 à 2020 et a fondé, en 2021, La Sourde, compagnie de théâtre et de musique. En 2018, il a créé Chewing gum Silence et Songs. En 2020, Original, d’après une copie perdue, et, en 2021, Concerto contre piano et orchestre, présenté au festival Musica 2022.

Au TNS jusqu'au 12 Février



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