MONTPELLIER DANSE 2011 : un festival toujours ambitieux et sous la houlette de Jean-Paul Montanari : le fief de la danse qui se trame d’hier à aujourd’hui!
« P.P.P. » : le dégel ! pas la débâcle !
Phia Menard est un (une) artiste qui joue avec le feu ! Avec « P.P.P. » de sa compagnie « Non Nova », voici la chorégraphe aux prises avec la glace. Sur la scène, et suspendue au dessus d’elle, des boules de glaces comme autant de salves à la verticale, menacent de s’abattre, de tomber sous l’effet du dégel, de la débâcle !Elle évolue comme traquée par autant de signes néfastes qui hantant l’atmosphère. Le spectateur, en apnée, est suspendu , tendu, en attente de chacune des prochaines chutes : cependant la danseuse évolue, se jouant de ces obstacles avec malice, agilité et détachement. Phia Ménard excelle dans cette authenticité du risque, à son corps défendant, comme dans un état de siège ou de bataille permanent. Son corps glorieux, splendide se dévoile peu à peu jusqu’à afficher ses seins de silicone, s’il y avait encore quelque ambigüité sur son sexe. Son genre. Mais la danse échappe à cette catégorisation, à ce catalogue ou l’on confond sexe et érotisme. « Transgenre » : comme la glace la personne transgenre attire et intrigue les regards, subit la répulsion. L’univers froid et hostile de la pièce dénonce cet état de fait et en fait un manifeste ouvert à la rencontre, la discussion, le frottement à une personne « différente ».Jongleuse, plus que danseuse, elle fascine et hypnotise, joue « avec la glace » et s’en fait un défit ; sa « position parallèle au plancher », est inconfortable mais génère respect, écoute et émerveillement.
Genevieve charras
« Brillant corners » d’Emanuel Gat
Cette création est un bain de jouvence, pour le théâtre de l’Agora où les soirées de plein augurent déjà d’une ambiance particulière. Le chorégraphe, israélien d’origine, installé à Istres, y brille par son style fluide, glissé, sans faille où le mouvement obéit autant à la loi du silence, de l’arrêt sur image que du flux et reflux sempiternel. Les interprètes, tous de très haut niveau y frôlent l’indicible avec grâce et quelque chose de précieux, de ciselé de quasi baroque. Pourtant pas d’ornement dans cette gestuelle fine et rehaussée par l’inspiration à partir de la musique de Monk que l’on entendra nullement. Sauf au travers des corps qui s’en souviennent ! La bande son, il l’a signe pour créer de toute part un « véritable organisme chorégraphique » qui pulse émet et chante le geste. Une pièce scintillante, « abstraite » si l’on entend per ce terme l’absence de narration directe. Mais le corps prend sens et espace, singularité et autonomie à travers les forces exercées par l’impact de présences prégnantes, de silences éloquents, de poses salvatrices.
Geneviève Charras
Raimund Hoghe , l’enchanteur !
Artiste associé à la programmation du 31 ème festival, ce chorégraphe, scénographe et ex dramaturge chez Pina Bausch, nous conviait à plusieurs rendez-vous : ces « après-midi » thématiques où il échange avec le public des instants éphémères de rencontres, dialogues, lectures projections d’imlage. Sa dernière soirée est un exercice de style périlleux, dédié à la mémoire de Dominique Bagouet au sein même du couvent des Ursulines, l’endroit de ses rêves pour son centre chorégraphique. Chose faite avec la création de l’Agora de la Danse et le centre chorégraphique de Mathilde Monier. Sobriété oblige dans cette immense cour carrée où le danseur apparait, frôlant et caressant les colonnes du cloitre, encerclant le vide, créant de l’espace là où rien n’existe. Fascinant parcours solitaire, à peine rehaussé par la présence de voix, de son, de la Callas à d’autres chanteurs qui ont parsemés le parcours de l’imagination de Raimund Hoghe. On se plait à y retrouver des citations de ses spectacles précédents alors que ses complices Ornella Balestra, Emmanuel Eggermont, Lorenzo de Brabandere y apparaissent régulièrement. La lumière crépusculaire se joue des ombres, des troubles, du flou et une atmosphère de recueillement comme un cérémonial s’installe lentement.
Des instants de partages uniques, brillants où le sourire et l’enchantement d’un Dominique Bagouet auraient été plus que la marque d’une satisfaction évidente. Merci pour cet hommage si loin d’un mausolée érigé à la mémoire de « » !!!!
Geneviève Charras
Forsythe en majesté : sans artifice !
Alors que précédemment dans la soirée, Yuval Pick s’ingéniait avec « Score » à singer la gestuelle contemporaine usée des touché-poussé et autres gestes kynésiologiques surfaits, sur fond de politique erronée, le public se retrouvait pour une célébration de William Forsythe « Artifac ».
Jamais un ballet ne fut si brillant, réglé comme « sur du papier à musique », en bataillon guerrier sans corps militaire pour autant !
La chorégraphie créée en 1984 contient déjà tous les ingrédients du génie de Forsythe : on y détricote le vocabulaire classique, une maille à l’endroit, une maille à l’envers dans une tonicité et selon les lois du solo où de la danse de corps de ballet, passés au crible d’un tempo et timing d’enfer. Tout roule et se déroule dans une tectonique des plaques digne d’une trombe déferlante de météorites projetés dans l’espace. Les danseurs galvanisés par cette écriture virtuose, défit les lois de l’exécution sont tels des comètes projetées, lâchées au firmament du monde. Les danseurs du Ballet Royal de Flandres y font une performance unique, défiant les lois du possible, inventant sans cesse le temps de la représentation, la vision de l’invincible, de l’inouï. « Bienvenue à ce que vous croyez voir » est son crédo et le public, médusé, transformé pour l’occasion en témoin de cette incroyable mouvance musicale, jubile sous le ravissement. Car le rapt n’est pas loin qui amène celui qui, regarde à faire corps, à épouser l’énergie de l’autre pour parvenir à un état de transe : alchimie ou catharsis, on choisira les termes pour qualifier la danse de ce magicien de l’art chorégraphique toujours en avance sur sa propre créativité
Geneviève Charras
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