mardi 19 juillet 2011

Benoit Bar, colporteur d'images dans le Avignon off avec "Canapé(s)" et "Drive in"

« Dive in » et « Canapé(s) » par la compagnie Appel d’air

COLPORTEURS d’images
Toujours dans le festival « off » et à l’Espace Alya, Benoit Bar, chorégraphie picard, associé à la MAL de Laon, présente deux créations aux antipodes l’une de l’autre mais avec un dénominateur commun : le talent de la mise en scène et de la scénographie « légère » et hyper efficace dans son dispositif et par « le sens » que prennent ces dispositifs de « l’urgence ».
Deux spectacles en « plein air » dans des situations d’emplacement très particulières : « Canapé(s) » décline son espace dans un cercle de chaises rouges où les spectateurs sont les « invités » d’un cocktail dinatoire, offert à l’occasion d’une rencontre avec un couple singulier de danseurs sur « canapé trois places ». On assiste alors aux ébats tendres et amoureux, aux disputes, aux différente et à la réconciliation de ces deux corps amoureux, attirés qui se poussent et se repoussent à l’envi, sous l’œil complice d’un maitre d’hôtel ou de cérémonie, diabolique ! Le chorégraphe lui-même, maitre d’ouvrage du spectacle-performance. On vous y sert l’apéro à 20H 15, les canapés-pizza pour la suite et en conclusion des monceaux de fleurs comme feu d’artifice à cette fête qui semble toujours vouloir tourner mal mais qui finit toujours bien !Jubilation des corps projetés dans l’espace circulaire, jugulés par un sens aigus de la retenue du geste inspiré du quotidien. Les mimiques des deux danseurs, couple improbable, mais qui semble lié par une belle habitude à se frotter, se détester ou s’adorer dans les abimes de la vie courante, sont franches et portent au sourire et à l’empathie.
La danse fuse et se répand dans l’espace ouvert à tout vent, à toute épreuve de tout instant. C’est beau et simple, confidentiel et privé autant que très public et tonitruant !
Le maitre de cérémonie veille au grain, atteste ou renie de la tête les évolutions et pérégrinations du couple divagant sur son divin divan ! Esquisse aussi quelques pas de danse, s’efface ou reprend corpulence quand la décence, la bienséance ou le bon aloi se doivent de reprendre le dessus de cette vaste farce bigarrée et savoureuse.
A quelques encablures, à la « Manufacture » deux heures après, c’est à nouveau la compagnie « Appel d’air » qui sévit et commet un spectacle performance hors norme, hors les murs ! « Drive in » vous embarque dans un périple automobile, en cortège, de la ville au hangar du marché de gros d’Avignon pour  une performance vue de votre voiture, disposée en cercle au parking, dessinant ainsi les contours de l’espace scénographique. Il fait nuit et pour simple éclairage, les phrases des véhicules s’allument au passage des deux danseurs, vêtus de noir qui évoluent au centre de cette arène improvisée. Magie du dispositif, étrangeté du lieu désert, malaise ou déstabilisation d’un public qui se côtoie dans les voitures, le temps d’un voyage vers l’inconnu….Poésie de la musique diffusée sur autoradio, grâce des interprète qui tels des éphémères ou papillons de nuit vont se heurter à la carrosserie de votre véhicule.
De l’autre côté du bare-brise, comme protégé, le spectateur est médusé, dans son habitacle hyper condensé, épris d’envie de s’envoler de cette prison dorée, alors que les deux comètes virevoltent en pleine liberté surveillée !
Comme dans un film de fiction, ou un polar un peu glauque, on en sort impressionné et fasciné par l’impact de la mise en scène et de son efficacité à vous plonger ailleurs.
Une vision très décapante du spectacle style « hors les murs » qui conduit la danse dans des contrées et sur des territoires très accessibles, dénotant une politique de diffusion légère et adaptée aux moyens de programmateurs désireux de franchir les barrières des théâtres et autres lieux consacrés à l’art. De quoi décentraliser et faire « nomade », rurale ou périphérique le spectacle et son rapport au spectateur. Une aventure d’un soir à vivre absolument. Là aussi les interprètes se donnent, échangent et créent des images animées par les seuls faisceaux des phares des véhicule, qui semblent alors le théâtre de montreurs d’images du temps des colporteurs ou de « Robert le diable »!
GENEVIEVE CHARRAS

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