mardi 11 octobre 2022

"Deal": à fleur de prise, en un combat singulier!Extrème beauté du geste.

 


Jean-Baptiste André & Dimitri Jourde
Association W

À mi-chemin entre les genres, le cirque, la danse et le théâtre, Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde ont créé Deal. Un duo magnétique. Tour à tour puissant ou délicat, ce corps à corps, avec ses mouvements d’élans, de ruptures et d’équilibres précaires, allie la beauté du geste à celle des mots.


 

"À la recherche d’un juste partage entre corps et parole, les deux acrobates et danseurs se sont immergés dans le texte très physique de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton. Entre combattre et fraterniser, portés par l’intensité de cette langue, par sa quête de l’autre et la puissance de son désir, ils se confrontent à ce nouvel espace de jeu, interrogent le cirque et sa capacité à traverser un texte. Une autre façon de défricher de nouveaux territoires et de développer leur propre langage en travaillant sur l’intensité des gestes en écho à celle des mots.
Deal met en scène deux figures en miroir, le dealer et son client, deux êtres liés l’un à l’autre par la dépendance et qui se font face. Tout autour, à proximité, les spectateurs. À l’image d’un ring ou d’une arène accueillant ce mystérieux combat entre chien et chat, chacun est placé au plus près de l’action. Les deux artistes font de cette confrontation entre l’intime et le public une énigme poétique qui nous parle de la rencontre et du lien social."

La scène au carré, le public autour de l'arène et voici nos deux tigres, bêtes ou animaux de "cirque" qui entrent en scène...Tour de plateau dans la semi obscurité comme un lion en cage, bruit de pas...Deux hommes vont s'affronter en esquive, poursuites, se frôlent, s'évitent, se cherchent noise.Un territoire à défendre, des mots pour le dire, sauvages comme les gestes : le désir, la possession comme leitmotiv, credo pour cette démarche d'approche qui frôle l'approche, le repoussé-tiré: ils s'attirent, s'emboitent à l'envi, style capoeira, chiquenaude et pichenette corporelles au poing.Les mots et les mouvements en osmose sans paraphrase ni redondance.En équilibre instable, revisitant le contact dans une fluidité remarquable.Ils s'agrippent ces deux "dealers", vendeur, acheteur de biens dématérialisés...Tel un combat, une lutte, leur rapport se confirme: duel, duo ou échange? Quand des cintres dégringolent des oripeaux, chacun se prend à témoin, se métamorphose pour mieux se retrouver et endosser son altérité Pas de manichéisme ici, mais un affrontement légitime, bestial, animal, doublé du texte de Koltes qui fait éclat et sens.Jeu de veste dans l'arène pour ces deux toréadors sans victime animale, ni trophée...Les lumières basculent, le temps d'un repos, d'une pause.Une réconciliation s'amorce sur fond de musique folk de Bob Dylan et la "manipulation" corporelle s'envenime, surenchère de désir, de séduction.Touché, glissé, repoussé comme grammaire et lexique syntaxique..Esquisse d'esquive fugace pour Dimitri Jourde, acrobaties savantes pour Jean Baptiste André, à l'affut des failles de son "adversaire", concurrent ou complice-compère...La répétition de cette attirance l'un pour l'autre comme phrase aspirant leur relation fusionnelle non dite!Un touche de style passes de rock n'roll, fluide et secrète réussite de l'osmose entre les deux hommes.Ils s'y collent, y retournent sempiternellement comme aspirés, inspirés par la grâce.Vers le sol aussi, en roulade fulgurantes.Quand, épuisés, essoufflés, le verbe les sépare dans cet affrontement désormais violent, vindicatif, les corps serrés, enlacés, très proches...La danse à l'unisson fait curieusement son apparition, envol lyrique et duo sur une musique hard.L'un se dissout, se disloque en dialogue, démembré, désarticulé alors que l'autre se maintient, plus stricte. Des clics et des claques bien marquées pour provoquer l'autre, le déstabiliser, l'importuner.Cette chasse à l'acheteur se fait chasse à courre, l’hallali proche et les chiens sont lâchés.Force de frappe et absence de tendresse au profit de la loi du plus fort!Affaires familières, nudité de la franchise, contre l'immobilité et la patience...S’acquitter d'une dette envers l'autre dans ce marché inégal: être un zéro tout rond et solitaire dans ces comptes d’apothicaire, s'effacer au profit d'une accalmie salvatrice en diable.Au sol, on se réconcilie de ces joutes extrêmes qui semblent ne mener à rien ou nulle part que ce plaisir d'évoluer devant nous, en apnée dans la solitude des champs de coton, dans cette alarme de vivre, de danser, de s'affronter à l'indicible.

 

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