dimanche 9 octobre 2022

"Le joueur de flûte":suivez les guides ! Béatrice Massin aux commandes, pilote d'une mélodie du bonheur....jouissive !

 


"La légende raconte que la petite ville de Hamelin fut un jour submergée par une terrible invasion de rats qui dévoraient tout sur leur passage. Un inconnu se présenta à ses habitants affamés et leur proposa de les débarrasser de ce fléau. À l'aide de sa flûte, il joua une mélodie entêtante qui poussa les rongeurs à se noyer dans la rivière voisine. Malgré sa victoire, l'inconnu ne reçut pas la récompense qui lui avait été promise. Pour punir les habitants de leur cupidité, il se mit à jouer une nouvelle mélodie qui remplit d'allégresse le cœur des enfants. Tout ce petit monde quitta alors la ville en chantant et dansant joyeusement à la suite du mystérieux inconnu, pour ne plus jamais y revenir...
Tout au long de sa carrière, Béatrice Massin a développé une écriture chorégraphique unique, confrontant le style baroque, dont elle est l'une des grandes spécialistes, à la danse contemporaine. Dans cette nouvelle création destinée à un public de tous âges, elle s'empare de la légende médiévale du Joueur de flûte de Hamelin popularisée par les frères Grimm et signe une fable onirique qui célèbre le pouvoir de la musique sur le monde et l'imagination."


 

Dans un décor très géométrique de losanges noir et blanc en trompe l'oeil , au sol et en fond de scène, c'est une ruche pour reines et gelée royale qu'intègre un Roi Soleil "revisité", fier, altier, immense pantin qui semble glisser ses pas, les compter, les calculer pour un port de tête princier et très façonné!Comme un simulacre d'évanouissements contrôlés, revers de mains à l'appui, demi-pointes, pied flex: tout y est pour danser baroque, musique de référence et beauté stylisée à souhait. Mais tout va se compliquer à l'apparition de charmants petits pions jaunes, costumes bouffants comme des cloches ou toupies à la Sophie Taeuber: nichée de créatures loufoques, batterie de poussins éclos et déjà dansant sur des oeufs, jeunes pousses en herbe.dans incubateur..Mouvements déstructurés, joyeuse bande animée de sourires complices et malins.En diagonales, à angles droits, les déplacements vont bon train, alertes, sautillants: c'est la Cour côté jardin qui se meut, vive , tenue de sauvetage bouffie à la Rei Kawakubo, gonflée à bloc pour amortir les chocs. Jamais de heurts pour cette danse qui prend l'air, laisse les bras suspendus et à distance du corps pour ne jamais entraver. Costumes à danser par excellence, guidant, dictant les mouvements pourtant, dirigés par le volume des étoffes, le rebondissement comique de ces atours cintrés au corps.C'est Sylvie Skinazi le maitre d'oeuvre de ces enveloppes sur mesures qui accueillent gestes et déplacements, habités par les danseurs au zénith de leur capacité d'adaptation à tout style!Bibendum Michelin pour danseurs étoilés au guide vert de la danse, nouvelle cuisine baroque déstructurée!. Cortège, défilé, sarabande, ornement de marche savante et mesurée, figures croisées du bal baroque revisité pour l'occasion. Béatrice Massin s'amuse à remodeler une grammaire, un style pour lui rendre une légitimité musicale, plastique et chorégraphique à hauteur de bambins et grand public, ici gâté par un spectacle "énorme", hors norme comme ces costumes à la Guillotel-Decouflé qui lui confère un aspect de divertissement de haute volée!. Tout se disloque, se démonte comme une perle rare, les bras en couronne, mains vers le ciel ou la terre, retenue des sauts à mi parcours de hauteur, tenue recherchée: créatrice d'images d'Epinal ou de Wentzel de Wissembourg. Fait irruption un singulier couple, vêtu de velours coloré,collants seyants, style Renaissance, comme deux jokers de jeu de cartes échappés du sérail.Une prosodie gestuelle comme langage, sur la mesure chaque syllabe de gestes sur le tempo.Gestes anguleux, sagittaux,regards fixes et sérieux, calculateurs et maniganceurs de quelque plan...La narration s'invente au gré de l'avancement de la pièce.Fous du roi ou personnage énigmatiques; le duo de Susie Buisson et Ryo Shimizu fait mouche, ensorcelle, ravit et intrigue par ses gestes à angle droit, droiture suspecte de glissements et autres métamorphoses gestuelle innovante. Les flûtes se succèdent à l'envi, les regards complices se mêlent et la danse en ronde rituelle ou sarabande, alignement ou diagonale fait mouche! Sautillés savamment dosés, pas comptés: des rats rampants font irruption sur le sol, s'amassent en magma mouvant, menaçants, inquiétants. Le baroque au sol, à terre ne dit plus son nom et déroge à la tradition et toute trace d'académisme. On en vient même à songer à une danse "gaga" exubérante, joyeuse, débridée à la Naharin...Amas de bestioles en peluche, drôles de vêtes à poil dans un univers royal quelque peu anachronique...Les musiques s'enchainent, de la bossa nova au reggae et que ça saute, ce petit monde, microcosme jovial et iconoclaste...Sur fond d'orgue aussi, la musique absorbe ce roi soleil déchu, les rats grouillent et fourmillent...Des combats surgissent, prises de corps, portés, poussé-tiré à l'envi, pour chasser la mort et le mal qui abdiquent enfin.Samba-Bach sur la corde raide, sur les accords, les pas sur des oeufs en file indienne, alertes, en défilé.Les jambes se disloquent, les corps se font arrêt sur image, pose-décor de plus bel effet dans des silences saccadés, rompus à l'apnée, à l'interruption sauvage des gestes initiés.Saute mouton et autres acrobaties loin du style baroque policé, poli et coiffé au peigne fin ! Que voilà un beau désordre organisé, une pensée chorégraphique réjouissante et salvatrice, un regard neuf et enjoué sur le patrimoine, l'archive, le bien séant et académique regard sur le baroque.Les déséquilibres jouissifs des danseurs simulant le trac, la peur, la hantise d'avancer sur des consignes révolutionnaire de soulèvement du langage. Les barricades s'affaissent pour le plus grand plaisir du public, ravi, comblé par tant de charme intelligent, loin du racolage du dit "spectacle jeune public" populaire, démagogique et incertain.Les collages musicaux pour ajouter une touche polyphonique à cette danse de court circuit de la tradition!Tout en jaune poussin, divertissement foutraque, ludique Quand un piège en carré descend des cintres pour enfermer cette troupe, horde ou meute toute gentille, on est rassuré sur le final ou tout est bien qui finit bien, le couple de joueurs de flûtes vainqueur, mouvements amples, aériens, laissant la liberté d’œuvrer dans la contrainte avec délectation...La préciosité de mise, l'imagination, reine et puissance d'évocation de rêves, de conte et légende toujours vivants!De vraies fêtes galantes....L'élégance toujours aux bouts des doigts!

Chorégraphie Béatrice Massin Musique Jean-Sébastien Bach, Toru Takemitsu, John Zorn costumes Sylvie Skinazi Scénographie et lumières Abigail Fowler

Les Artistes

CCN • Ballet de l'Opéra national du Rhin Le Joueur de flûte Susie Buisson, Ryo Shimizu Danseuses et danseurs Deia Cabalé, Christina Cecchini, Noemi Coin, Cauê Frias, Di He, Erwan Jeammot, Khanya Mandongana, Mathis Nour, Leonora Nummi, Dongting Xing

 A Strasbourg jusqu'au 12 Octobre cité de la musique et de la danse

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