À
partir de l’œuvre "In C" de Terry Riley (1964), étape essentielle dans
l’histoire de la musique minimaliste, la chorégraphe compose une œuvre
fluide et colorée. Inspirée par les 53 phrases musicales qui constituent
la partition originale, elle a conçu 53 enchaînements de mouvements,
dont s’emparent les danseurs et les danseuses pour une composition
variable. Habillé·e·s de teintes variées soulignées par le jeu d’un
éclairage changeant, les interprètes se livrent à un envoûtant tissage
de mouvements. "
Silence...Moteur, ça tourne! Et c'est parti pour un long plan séquence de cinquante minutes...En prologue, sur un fond de scène à la Rothko, rouge sang dégradé, les danseurs animent le plateau immense encore vide , longues silhouettes noires se découpant dans l'espace vierge.Marches, courses dans le silence, échappées belles, traversées: tout un vocabulaire, un phrasé , une syntaxe légère au souffle aérien.En reprises, portés, les segments de corps épaulés, têtes désarticulées.Dans des vêtements légers, shorts, bermudas, couleurs pastel, hommes et femmes gravitent, en décalé ou à l'unisson, onze en permanence sur le plateau.En phrases en canon, en arrêt sur image: l'art d'isoler l'un ou l'autre dans une pose atypique signé Sasha Waltz: celui que l'on attrape au vol, zoom incroyable alors que les autres continuent à se déplacer en lignes, diagonales ou se regrouper.En tuilage aussi. Assemblages, alliages de gestes jamais identiques, construits comme des architectures singulières.Les bouts des doigts s'animent, port de tête en l'air pour des ralliements de groupe, ou par couches successives de corps, façonnant des sculptures changeantes à loisir...Et la musique de déferler, répétitive sans être obsédante, mouvante, faite quasi sur mesure pour les redites et répétitions de construction-déconstruction de la chorégraphie.Telle une palette graphique qui se métamorphose sur fond d'éclairage, virant vers la blancheur jusqu'à celle du sol qui découpe les corps en ombres portées .Des saccades en angles droits se multiplient, le sol attire peu à peu les corps, de petits groupes se forment, les repoussés en ligne de mire. Comme un maitre à danser la chorégraphe a le compas dans l'oeil ou le fil à plomb d'aplomb en objet de fabrication: instruments de mesure, de comptage pour cette performance qui rappelle le "Dance" de Lucinda Childs et Philipp Glass....Une prise intégrale de la scène se dessine, les corps se posent en amas, en architectures horizontales, arabesques à l'appui, figures quasi classiques pour cette valse sempiternelle des interprètes lancés comme des salves sur le plateau.Libres électrons dirigés de main de maitre par la Dame de Fer! Enchevêtrements des corps, bras en envolées, amplitude, lenteur, lignes et ombres: l'abécédaire se retrouve, fidèle signature insensée de Sahsa Waltz....Un peu de mouvance Trisha Brown dans la fluidité, entre les saccades virulentes des gestes automatisés....Le crescendo de la musique de Terry Riley,envahissante, hypnotique, enivrante bat son plein...Mécanique infernale lâchée, millimétrée comme toutes ses apparitions structurées pour un plan séquence sans faille où tout bascule vers l'un ou l'autre en focale, alors que suit la danse collective déferlante simultanément.Sauts, avancées, reculés comme leitmotiv d'écriture, de calligraphie où les respirations sont courtes, les levées rarissimes, les soupirs et point d'orgue, absents au répertoire! Une musicalité de chaque instant ou l'épilogue rejoint le prologue dans le silence: seules les frappes des pas martelés au sol résonnent pour ce petit groupe compact, soudain pétrifié dans l'immobilité...
Au Maillon jusqu'au 21 Octobre
un maitre mètre à danser |
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