La Danse macabre, tout un chapitre de l'histoire de l'art et de la religion. Et pour la gente chorégraphique, le paroxysme de deux mots incompatibles: la mort ne peut danser puisqu'il n'y a plus de souffle, de vie, de mouvement. Même la mort incarnée dans "La table verte" de Kurt Joos, ballet de la danse d'expression allemande, n'a jamais su la représenter....Alors pour Hervé Bohnert qui n'a de cesse de travailler à partir de matrice d'objets religieux, christ et autres accessoires de monuments religieux liés au souvenir et à la mort, la tache est simple. Evacuer toute représentation pour extraire le sens des mots: l'écriture, les lettres et leur police de caractère s'associent à cette réflexion spirituelle pour donner naissance à un opus singulier."Souviens -toi que tu vas mourir…" Pour sa nouvelle exposition personnelle "Dieu n’est pas avec nous" Hervé Bohnert, a collaboré avec l’atelier typographique de Bettina Muller, et présente une version inédite et surprenante de ses “danses macabres”. Soulevant à cette occasion des questions liées à l’action de l’Homme sur l’environnement, de l’Homme sur lui-même et celles de ses croyances, elle est aussi une critique sociale engagée et très actuelle. Surprenante relecture de la danse macabre que ces lettres de forme, de grandeur, de "police de caractère" bien différente qui viennent s'ancrer dans le papier Et donner des empreintes du poids de l'impression, de la trace des masses visibles issues de la force de celui qui les a immortaliser ainsi. Éternité de ces traces qui rend toute vanité possible. Révolution de palais pour la danse macabre qui ne s'affiche plus sur les murs des basiliques rhénanes pour apeurer la foule dévote. Décalage de lecture dans ces niveaux graphiques noirs qui rythment la tectonique des lettres de l'alphabet qui s'affichent. Affiche murale à décrypter selon la musicalité de cette composition radicale. Mais aussi très organique, comme la danse des corps de ces lettres majuscules, minuscules. Grands écarts ou petits bougés d'espace en mouvement cinétique. La réverbération du balayage oculaire faisant le reste de l'illusion du bouger. Suspension dans le vide en apesanteur de ces corps, illusion optique pour une approche poétique et distancée de la Faucheuse. Et tout le reste du travail de Hervé Bohnert, supports et surfaces fort divers pour nous mettre au pied du mur. Lui, le passe-muraille, fantôme bien incarné pour franchir les limites de notre entendement. Danseur qui s'ignore employant les mêmes fondamentaux que Rudolf von Laban: le poids, la trace, l'espace, l'ancrage pour créer et incarner le temps et l'espace.
En prime une brioche de sa confection en dégustation de vernissage comme un cercueil ouvert sur un squelette gisant à savourer en anthropophage sans modération...Humour et distanciation rituelle, païens sans hésitation.Une immersion saisissante, perturbante,du 'mort" représenté qui interroge le vivant. Ce face à face inopiné ressemble étrangement à une immersion indiscrète vers notre propre questionnement.
Souviens -toi que tu vas mourir… et "dansez, dansez sinon nous sommes perdus....." Pina Bausch
A la Galerie JP Ritsch-Fisch jusqu'au 15 Janvier 2024
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