mardi 12 décembre 2023

"Monstre magique": ciné danse Amala Dianor : à saute frontières...Danse à capella. Jeter son corps dans le cadre-caméra non obscura!

 


MONSTRE MAGIQUE Avant-première – Film documentaire de Grégoire Korganow

Avec Amala Dianor et la troupe du spectacle SIGUIFIN

Ils sont neuf, neuf danseurs venus de différents pays d’Afrique. À Saint-Louis, sous la morsure du soleil sénégalais, ils vont apprendre à se connaître, à travailler et à imaginer ensemble une pièce de danse contemporaine qui leur ressemble. À partir de cette matière mouvante, le chorégraphe Amala Dianor, l’œil attentif et exigeant, modèle jour après jour les contours d’un spectacle intitulé « Siguifin », qui en langue bambara signifie monstre magique.

Un film c'est l'art du montage, du cadrage de la lumière, de l'espace: toutes les denrées de l'art chorégraphique en somme.Sans oublier le mouvement, bien sur ! Celui ci est un bijou du genre, entre documentaire de création et film d'auteur appartenant autant au chorégraphe qu'au réalisateur Geégoire Korganow qui s'est puissamment inspiré de la pensée en mouvement d'Amala Dianor. Tout démarre par un plan fixe où les portraits-visages des interprètes chantent à capella sans filet et donnent le ton du "chorus", de la communauté inspirée par une solide culture d'Afrique et d'autres continents. Mélodie lancinante et émouvante qui va droit au coeur de chacun. Sobriété, simplicité et profondeur de ce chant venu du corps. On se lance justement à bras le corps dans une répétition de la pièce Siguifin, ce "monstre magique": Amala en maitre à danser direct et autoritaire passe son flux joyeux et fausement débonaire aux danseurs réunis pour vivre ensemble la danse. Et s'y retrouver, s'y construire, s'y reperer comme chacun prenant la parole en voix off s'y adone devant la caméra en plan fixe. Témoignages vibrants et vivants de leurs expériences humaines et artistique au coeur de la compagnie. Les univers et espaces changent: d'une terrasse au studio, les corps et les langues se délient. Avec peu de commentaire, au vif des improvisations, au plus près du mouvement initié par chacun. "Se jeer" dans la danse, se propulser, oser faire faux, sale ou "mal" selon quels critères. Amala est sincère, direct, exigeant mais pétri de bienveillance. Ici l'image revoie à la sobriété; pas de "caméra qui danse" ni d'immersion parmi l'espace des danseurs. Une présence discrète et efficace pour embrasser le mouvement, le suivre, le développer en longeant les déplacements en plan séquence. On en immobilisant un geste suspendu par un cadrage fixe où le regard prend le temps de déguster le tempo de la danse. Chacun magnifié dans sa gestuelle propre, considéré et reconnu par le chorégraphe. Grégoire Korganov n'instrumentalise jamais la gestuelle, la rapproche, la sens, l'anticipe et se jette lui aussi à l'eau comme le visuel du Festival de danse de Cannes: un plongeon arrière, un crawl coulé, glissé dans l"écume de la vitesse-mouvement-image. Vêtu, trempé, immergé dans un bain de jouvence tempétueux, les yeux fermés, clos par le plaisir de nager. Belle icône qui résumerait l'esprit de la manifestation autant que du film. La "danse au travail" comme chez André S.Labarthe, la danse qui s'expose et livre quelques secrets de fabrication. Tous unis par le son, unisson et partage à la clef de sol. Un compagnonnage inhérent à la pensée chorégraphique d'Amala Dianor, "labannienne" où le poids, l'encrage, les directions font lois: les appuis comme fondamentaux, les décisions et intentions franches et décisives. Pas de "meublé" même "sommairement" pour cette bande à Laban où s'inscrit l'histoire et la passation du mouvement dans toute son intuition. Sans frontière ni barrières de compréhension dans un échange constant danseur-chorégraphe. Une séquence magnifique du film où les danseurs sont comme des joueurs de voley, se passant les gestes dans un esprit d'équipe et de fraternité. Sans mimétisme ni mime comme dans ce solo où un interprète use et abuse de son espace pour le sculpter, le rendre perceptible et poreur. Le film ce n'st pas du "cinéma" c'est une réalité augmentée, vivante, réceptive d'un esprit de fabrication autant que d'entrainement comme pour des passe-murailles franchissant obstacles, barrière ou murs protecteurs pour accéder au "vivre ensemble". Au final, un chant pour s'évader de l'écran, du cadrage pour accéder à un hors champs hors sol défiant les lois de la pesanteur, du sol pour une apesanteur lyrique et onirique de bon aloi. Un "monstre magique" qui se livre et se "montre" à l''écran: Terpsichore kinématographique comme muse et scénario-image de toute intelligence. Lier, relier, inter-ligerer corps, graphie, sons et unisson en toute tranquillité.Un bonheur absolu en jaillit pour cette équipe soudée qui gagne notre empathie et sympathie et apprend l'altérité, la considération et creuse l'identité au coeur de chacun. Danser sa vie à tout prix...En bonne compagnie!

Au Festival de Danse de Cannes le 9 Décembre.


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire