Fresque truculente et merveilleuse, ce péplum médiéval exprime toute la fascination de son metteur en scène pour le Moyen Âge. De cette époque souvent réduite à un sombre mélange d’obscurantisme et de cruauté, Olivier Martin-Salvan se concentre sur le déclin, lorsque la guerre de Cent Ans et la fin du monde féodal constituent aussi le décor d’un incroyable foisonnement culturel et artistique. Ce n’est plus l’Antiquité du cinéma qui se dresse sur scène, mais un vrai château fort et ses environs.
Toutes et tous, du Roi au bouffon, partagent une langue aussi vivante qu’étrange, polyphonique et poétique, composée par l’auteur Valérian Guillaume en tressant les mots du présent et ceux du passé. Pas moins de 15 comédien·ne·s dont ceux et celles, en situation de handicap, de la troupe Catalyse, habitent ce monde haut en couleurs, inspiré de Brueghel l’Ancien et de Rabelais, qui puise dans les contes et les farces de l’époque. Avec ce jeune héraut nouvellement arrivé, nous sommes invité·e·s à le parcourir.
C'est comme un magasin de friandises, de sucre d'orge, une boutique fantasque animée de petits personnages tonitruants. Un château "en Espagne", château de carte pour décor, un arbre où poussent des artichauts, et une foule de petits pions de jeu de dames ou d’échec pour faire vivre le plateau. Un roitelet de pacotille Ubuesque avant l'heure, des cavaliers montant des animaux de carnaval. C'est dire si l'ambiance est relevée, le ton pas toujours flatteur et rehaussé par des mots affriolants, néologismes ou virelangue, calembours ou jeu de mots d'un langage peu châtié. Les costumes de cette cour des miracles sont dignes d'un Philippe Guillotel, d'un jeu de cartes où les jokers, roi, valet et reine sont tête bêche et font des galipettes pour nous émerveiller, nous ravir le temps de la représentation quasi circasienne.Du quasi Decouflé où tous ont des airs de bestioles, pattes et griffes dehors, queue ou prolongements, extensions du corps burlesques et satiriques. Dignes de Clédat et Petitpierre ainsi que la scénographie Quant à la musique fanfare ou populaire de Vivien Trelcat elle enchante ce microcosme bigarré à l'envi.Et les comédiens de la compagnie Catalyse de brûler les planches, de se jeter à l'eau avec talent et savoir être sur scène. Se mêlant aisément aux autres interprètes, faisant figures de bouffons, comiques et autres farfadet volubiles et généreux à souhait. "Avec l’invitation que je fais à la Troupe Catalyse (7 interprètes), nous
sommes nombreux sur le plateau, quinze acteurs ! Je dis souvent que les
acteurs de Catalyse sont imbattables sur le Moyen Âge. C’est-à-dire,
dans l’idée que je me fais de la culture médiévale, il y a quelque chose
de très direct et de très intense dans leur manière de s’exprimer. Avec
eux, les mises en abyme, enchâssements, digressions et intrigues ou
théâtres simultanés m’apparaissent comme une évidence. Nous construisons
de grands tableaux collectifs et sommes pour la majorité présents au
plateau de façon quasiment ininterrompue, formant des fresques dans
lesquelles on découvre, en s’attardant, des miniatures, comme des
événements soudain plus intimes au cœur du nombre." dixit Olivier Marmin Salvan . Et le texte signé Valérian Guillaume de traduire cet amour du monde Médiéval, bien loin d'un scénario "péplum" cinématographique réduisant l'époque à un fatras chaotique désopilant.
guillotel |
.Entravés, empêchés dans ces oripeaux de luxe, chatoyants leur donnant des aspects enfantins, naïfs, comiques Grotesque aussi. Rabelais et Brueghel au rendez . Et pas que: on songe à Fortunato Depero et son ballet plastique, à Oskar Schlemmer avec ses formes géométriques et monstrueuses...
depero |
Ca va tambour battant à un bon rythme alors que l'histoire nous est contée et animée par les interprètes tous galvanisés par ce "vivre ensemble" très prégnant. Le Moyen Age comme univers où tout semble trivial, rustre, entier et franc de collier L'imagerie d'Epinal ou de Wissembourg surgit parfois tant les sketches ou saynètes parlent de postures, d'attitudes, de comportements du quotidien, de caractère. Le mime parfois s'ingère, la danse macabre, Camarde tendre et affolée se profile. Et la matrice avale chacun dans son tunnel évocateur de l'Origine du Monde de Courbet. On s'amuse, on sourit devant cette communauté de biens ou réduite aux acquêts, on s'émerveille du jeu des acteurs tous égaux sur le plateau, égaux à eux-mêmes et farceurs , arroseurs arrosés dans ce monde tonitruant. Chanson de geste et monde mystérieux au poing.
Au Maillon les 14 et 15 Décembre
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