Le Kronos Quartet a contribué à façonner la sonorité d’une époque. Sa trajectoire exceptionnelle, le quatuor l’a construite depuis le milieu des années 1970 en franchissant les frontières de la création musicale, de la musique répétitive aux musiques populaires, pour offrir ses lettres de noblesse au « crossover ».
Plus de 30 ans après sa dernière venue à Strasbourg, le Kronos Quartet présente un programme placé sous le signe de la prise de conscience face aux tragédies d’hier et d’aujourd’hui. Le programme se conclut sur le chef-d’œuvre de Steve Reich, Different Trains, créé par le quatuor en 1988. Ce voyage en train, vers la vie pour Steve Reich, lorsqu’enfant dans les années 1940 il traversait les États-Unis pour rejoindre ses parents divorcés, ou vers la mort pour d’autres au même moment en Europe, répond aux Bombs of Beirut de Mary Kouyoumdjian, pièce-témoignage sur les conflits au Moyen-Orient. Que ces œuvres intenses côtoient dans un même concert les arrangements de titres chargés de sens de Neil Young et Nina Simone, les expérimentations de Nicole Lizée, le message de paix de Terry Riley ou l’ode aux exilés d’Hildur Guðnadóttir démontre une volonté intacte d’ancrer la musique au plus proche des préoccupations du présent. La recette Kronos Quartet n’a pas vieilli. Garanti sans conservatisme.
Basé à San Francisco, le mythique quatuor est particulièrement associé aux noms de Terry Riley, Philip Glass et Steve Reich, avec qui il a tissé des liens artistiques forts, donnant naissance à des pièces maîtresses du répertoire minimaliste américain. Dans ce concert anniversaire, le Kronos Quartet, résolument ancré dans son époque, a souhaité faire entendre le travail de compositeurs et compositrices qui affrontent et relatent les tragédies contemporaines par la musique et la protestation. On y retrouve les artistes majeur.es avec lesquel.les le quatuor a collaboré et les nombreux répertoires et genres musicaux qu’il a abordé durant ses cinquante années d’activité.
C'est avec la compositrice Nicole Lizée et son oeuvre étrange et très inventive
Death to Kosmische
(2011) que démarre ce concert tant attendu: une pièce originale où les concertistes instrumentistes se transforment en joueurs de moultes "jouets" électroniques à touche et un mange disques percutant ému de secousses burlesques et décapantes! De la musique avant toute chose et un humour fracassant pour le quatuor rompu au sérieux et à la rigueur légendaire. Suivront de Mary Kouyoumdjian les Bombs of Beirut
(2025) évocation des bombardements réels de guerre-missiles et explosions-témoins des horreurs "sonores" de la guerre et de leurs méfaits sur la captation des bruits et de la fureur du monde. Au tour de Nina Simone avec For All We Know
(1959) arr. Jacob Garchik, 2022 pour évoquer la prise de conscience face aux tragédies mondiales. Terry Riley avec One earth, one people, one love
(2015) souligne cette indignation en autant de touches sensibles, Neil Young avec Ohio
(1971) arr. Paul Wiancko, 2025 pour souligner et affirmer que la musique peut adoucir les moeurs, rendre plus fort et digne ceux qui la font et l'écoutent..Au tour de Hildur Guðnadóttir avec Fólk fær andlit
(2021) pour enraciner le propos et en toute fin de concert comme une ode à l'humanité le chef d'oeuvre de Steve Reich
Different Trains
(1988): l'interprétation est virtuose et sensible, humaine, à fleur de cordes et l'extrême précision des interventions acoustiques sur le timing de la bande son est prodigieuse. Deux rappels en sus et le quatuor fait ainsi une démonstration de sa volonté d'inscrire la musique contemporaine dans les turbulences de l'actualité de plus en
reprenant en bis « Ya Talei’en El Jabal » (Hé, toi qui escalades la
montagne), le chant de liberté et de résistance de la chanteuse
palestinienne Rim Banna (1966-2018)
.Une ode à l'humanisme, à l'excellence et à la pluralité des écritures musicales pour "le quatuor à cordes" d'aujourd'hui!
Kronos Quartet
violon David Harrington, Gabriela Díaz
alto Ayane Kozasa
violoncelle Paul Wiancko
A l'Opéra du Rhin dans le cadre de MUSICA le 21 Septemnre
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