Anna Gaïotti est performeuse, musicienne et poète. Elle fabrique une écriture chorégraphique et musicale qui relie texte et corps endossant humanités et inhumanités. RAGE est un une création pour lequel elle rassemble Clément De Boever (performeureuse), Léo Dupleix et Jean Bender (compositeurs et musiciens), Sonia Saroya (artiste visuelle). Le public est invité à être autour, actif par sa seule présence, intégré comme un paysage vivant. La pièce met en lumière différents mouvements de rage, allant des impressions individuelles et communes aux réalités symptomatiques biologiques et politiques. Dans RAGE, le temps est celui de l’urgence et de la résilience. Dans cette danse il y a les gestes de collisions, de morsures, de chutes, de fièvre, de vertige, faire chuter les fondations sociales au fond du corps, troubler les contours du corps.
Quant la rage est loin d'être agressivité, combat interne indécent ou thérapie publique, elle est expression d'une rare présence ici en proximité confidentielle, le long de ce dispositif en estrade et aligné de plain-pied dans le studio de Pole Sud. Deux interprètes, homme et femme de noir vêtus disposent de cet espace singulier , les deux musiciens postés à l'opposé faisant résonner électro-acoustique et instrument proche de l'épinette ou du clavecin, un "virginal"aux cordes pincées. Dans des compositions lumineuses rarissimes venant auréoler les poses et attitudes des danseurs, les évolutions de part et d'autres de ces deux derniers font office de dessins, d'enluminures de grande qualité. Les leurres ainsi rendus sur les contours des corps mouvant ou au repos sont de toute beauté. Bras et mains au diapason pour ces deux êtres hybrides qui ne font plus qu'un.Rare est cet engouement pour l'irréel, le corps en mutation ou métamorphose constante. Les regards impassibles, lointains malgré la grande proximité physique avec le public au coeur du dispositif scénique. Lui est puissant à l'envergure des bras démesurée et enveloppante. Elle est plus versatile, tétanique dans ses mouvements anguleux, rectilignes ou proche d'un qi kong dansé en équilibre constant sur des orteils déployés comme autant d'appuis bénéfiques et volages. De fortes percussions des pieds au sol pour prolonger les rythmes du virginal, ensemble, rebondissant à l'envi.Debout, parfois au sol en roulade ou enchevêtrés, ils dansent avec énergie, détermination et beaucoup de précision temporelle. La musique se fait répétitive et leurs geste épousent cette continuelle et enivrante reprise comme entêtée, pugnace, versatile aussi. Une composition musicale et chorégraphique singulière, originale où l'on se prend à songer que la révolte ou de dépassement, l'indignation sont loin d"être ce soulèvement à la Didi Huberman que nous proposent Anna Gaiotti et Clément De Boever.
A Pole Sud le 24 Septembre dans le cadre du festival MUSICA
Conception : Anna Gaïotti
Chorégraphie incitée du texte La Rabbia de Pier Paolo Pasolini : Anna Gaïotti avec la collaboration de Clément De Boever
Danse, performance : Clément De Boever, Anna Gaïotti
Composition et musique live : Léo Dupleix (Virginal), Jean Bender (électronique modulaire)
Création et régie lumière : Sonia Saroya, Agathe Patonnier
Sonorisation et régie son : Étienne Foyer
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