jeudi 12 juin 2014

"Black coal":un feu d'artifice en plein jour !

Un film, triller de Yi'nan Diao
En 1999, un employé d’une carrière minière est retrouvé assassiné et son corps dispersé aux quatre coins de la Mandchourie. L’inspecteur Zhang mène l’enquête, mais doit rapidement abandonner l’affaire après avoir été blessé lors de l’interpellation des principaux suspects. Cinq ans plus tard, deux nouveaux meurtres sont commis dans la région, tous deux liés à l’épouse de la première victime. Devenu agent de sécurité, Zhang décide de reprendre du service. Son enquête l’amène à se rapprocher dangereusement de la mystérieuse jeune femme.
Chorégraphie tendue, violente et sexuelle, hantée de toutes les angoisses de la société, Black Coal se construit autour d’une enquête policière qui est moins la recherche d’un coupable ou d’une explication que l’occasion d’une plongée dans un inconscient collectif en forme de champ de bataille. Ces morceaux de cadavre qu’on retrouve dispersés au quatre coins de la région ne sont pas seulement les restes d’un meurtre qui en appellera d’autres, selon une succession de «logiques» plus pulsionnelles que rationnelles. Ils sont la matérialisation d’un pays aux valeurs en miettes, aux repères explosés, un pays peuplé de nouveaux riches sans foi ni loi, d’ouvriers apeurés, de flics dépassés ou corrompus, un pays où la brutalité des mœurs engendrée par le séisme sociétal devient le mouvement fondateur des comportements de chacun.
Une des grandes forces de ce récit mené avec un sens du suspens consommé est en effet, tout en n’édulcorant en rien la violence des relations, de ne jamais aboutir à un partage simpliste. Imposant une figure visuelle inédite, et dont l’artifice est bientôt oublié, celle de la filature en patin à glace, le cinéaste en fait la traduction visuelle et physique de relations effectivement glissantes, dangereuses, d’une fluidité à la fois gracieuse, réversible et possiblement mortelle.Une danse chaloupée, délicate, glissades de la caméra, rendu très coulé, fluide des mouvements!

L’élégance du filmage, la capacité à entrer dans des propositions fictionnelles inattendues (mais il se passe aujourd’hui en Chine des choses qui dépassent en étrangeté et en violence les scénarios les plus délirants), l’intensité de situations toujours chargées de davantage que leur côté utilitaire –sur le plan romanesque comme sur le plan descriptif– sont encore renforcées par un traitement très fin et efficace du son (mémorables glissements des patins à glace dans la nuit) et surtout par le jeu des deux acteurs principaux, le flic à la retraite (Liao Fan) et la jeune femme (Gwei Lun-mei): à la fois sensuels et opaques, ces corps saturés de fiction et pourtant si quotidiens sont comme la chair même d’un film d’une rare intensité.
Au final notre héros danse une folle embardée dans un centre de danses de salons, alors que les autres s'échinent sur des pas de tango formatés!Magnifique séquence!

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