Film américain de Clint Eastwood, avec John Lloyd Young, Erich Bergen, Michael Lomenda (2 h 15).
Jersey Boys suit le parcours de quatre petites frappes
italo-américaines du New Jersey, suffisamment douées pour la musique et
le chant pour échapper
à l'existence de gangsters qui leur semblait toute tracée. Au début du
film, la peinture d'un pittoresque mafieux, ainsi que la manière
qu'adopte chacun des protagonistes de régulièrement s'adresser à la caméra, peuvent évoquer
(mais vraiment de très loin) les arabesques d'un Martin Scorsese. Mais
très vite, ce récit où le seul coup de feu tiré est un canular prend une
autre allure. Car ici, la flamboyance attendue de la success story est très vite contrariée par une certaine retenue, une manière d'adopter un profil bas, un goût pour la rétention.
La formation du groupe, l'apprentissage, le succès, sont certes traités,
mais sans véritable hystérie, illustrés d'une façon discrètement
distanciée. Sans doute parce que le cœur du film est ailleurs, qui prend
sens au cours d'une longue scène au terme de laquelle le quartet se
disloque définitivement. Sous la supervision impuissante et goguenarde
d'un parrain mafieux (Christopher Walken), les quatre hommes se font
divers reproches (malversation financière, jalousie, cohabitation
quotidienne et domestique rugueuse) avant de se séparer. On voit bien que ce qui semble intéresser Eastwood est moins la formation que la désintégration d'une communauté, comme une loi d'airain qu'impose le passage du temps.
Les quatre « héros » de Jersey Boys vivent une adolescence prolongée que les femmes, très vite reléguées à la vie au foyer, ne peuvent contrarier.
Et si les événements confrontent les personnages au mûrissement, ce
dernier se traduit davantage par la perte que par le gain de quoi que ce
soit.
Eastwood, dès lors, affine son regard pour traiter
avec une douceur singulière des moments intimistes d'une justesse et
d'une émotion rares – comme avec la conversation, dans un café, du
chanteur vedette du groupe, Frankie Valli, avec sa fille dont il essaie
de conquérir l'affection et qu'il tente de sauver du désespoir. Jersey Boys est
une fiction dont l'objet principal serait le deuil, les regrets, plutôt
que l'accomplissement individuel par l'art, fût-il celui de la chanson
de variétés. On reprochera peut-être à l'auteur d'Un monde parfait cette manière de ne pas jouer le jeu. On aurait tort.
vendredi 20 juin 2014
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