Armand, Françoise, Christophe, Wilhem, Emmanuel: la "sagrada familia"restaurée!
Johannes Brahms Sonate opus 120 n°1 (1894) pour clarinette et piano:
Première pièce de ce second concert estival, enchanteur des nuits strasbourgeoises."Aimez-vous Brahms?"
Un duo de virtuoses où l'on se focalisera volontairement sur le ch'Armand gAngster : visage recueilli, chevelure cendrée, toison blanche d'une odyssée de la clarinette.Ange musicien aux accents toniques ou feutrés accompagné des cascades pianistiques de son compère attentif, Wilhem Latchoumial. Les notes planent comme l'ombre d'un doute dans la blancheur spectrale de l'Eglise du Bouclier. Mélodies qui s'élèvent dans le flux des notes égrenées du piano.Ressac fluide des différents mouvements de l'oeuvre: retour au calme de l'andante après les virulences de l'allégro, filet de souffle retenu de la clarinette, épine dorsale aux vertèbres saillantes. Traces de la vague dans le sable .Le paysages de Brahms est une danse légère des flots, une musique mosaïque qui se construit pas à pas, épouse les contours des arabesques de la partition. Un duo dansant pour l'allégro, "vivace" après ces bercements charmeurs, un précipité de musique qui se cristallise au bec, à l'embouchure de la clarinette De la force et des contrastes saisissants, allègres, vifs, le piano portant le vent, lui frayant son chemin, dans des alternances composées pour ouvrir le chemin de l'un à l'autre. Comme dans un dialogue respectueux des temps de paroles de chacun des protagonistes, comme une conversation mesurée. Dans des cabrioles communes, un marivaudage assumé, un badinage convaincant puis un sérieux serment pour des vœux de mariage prononcés dans une union sacrée de deux instruments à leur apogée, au zénith, portés par des interprètes rudement "charpentés"!
Arnold Schoenberg Cabaret songs (1900) pour voix et piano
Allons nous encanailler en compagnie de la cantatrice, robe légère à fleurs, chevelure éparse sur les épaules dénudées.Le regard profond, l'oeil allumé prolongeant les intentions narratives du texte, des mots prononcés Elle danse, Françoise Kubler, de tous ses appuis corporels et vocaux, ses piqués, ses nuances et modulations: enjouée, ébahie, gracieuse, frondeuse et déterminée. Des revirements, des balancés, des hachures, découpées structurent l'oeuvre et les "boum boum" si burlesques la font coquine, malicieuse et pince sans rire. Coquette cocotte de cabaret, sensuelle, hystérique ou sage, indisciplinée: oui, ça fait "boum" dans nos imaginaires et le piano de lui répondre savamment en touches noir et blanc de toute beauté!
Pascal Dusapin Trio Rombach (1998) pour clarinette, violoncelle et piano
Et vint Dusapin pour vent, corde et percussion.On entre dans le vif du sujet, de front, de plein fouet.Course folle, puis accalmie dans un esprit de chaos, une tectonique des plaques, déstructurée, petite géologie volcanique en métaphore de lecture. Jaillissement des scories du volcan, lave déferlante puis après l'irruption des sons, tout semble engourdi, débris et morceaux de minéral éparpillés.Suspens: réveil du volcan? Petites pulsations, flux de la clarinette, langueur du violoncelle. Une musique éruptive, puis "pétrifiée", médusée comme un lac de cratère et sa vie agitée d'eaux dormantes. Des éboulis, un chenal de scories, un bassin de rassemblement de sons. Puis des couleurs, lumières en éclats, projectiles de lave se répandent. Dans le ciel qui s'élargit, s'ouvrent des espaces de contemplation, des menaces sourdes de soulèvement, d'insurrection, codicille lapidaire, enflent comme le ventre d'un termitière qui bat son plein. Silence médusant en épilogue.
Ivan Fedele Haru Haiku (2016) pour soprano, clarinette basse, violoncelle et percussion –création
Un manga musical, une BD sonore pour évoquer le Japon au printemps. En prologue, la sécheresse des percussions de bois d'Emmanuel Séjourné aux commandes. Onomatopées de la voix, sons incongrus du violoncelle, subtiles entrelacs et fusions des instruments comme des bulles de BD qui s'envolent et retiennent en leur fort intérieur les haïkus. Histoires de printemps parsemé de fleurs: camélias, roses et cerisiers, dents de lion, pissenlit tempopo japonais pour un jardin extraordinaire peuplé de sumos. La voix nous guide dans cette petite danse de pantin, ce bestiaire fantastique où gravitent grenouilles et poissons chats."Le parfum des fleurs le soir", des clochette de temple bouddhiste, des sons minaudés, enfantins aux caractères bien trempés pour Françoise Kubler qui mène le bal, carnaval des animaux nippons. Tous les sens en éveil, on goûte l'oeuvre de Fedele comme une estampe, tout y est animé et prend vie en sonorités évocatrices. Un bijou dans un écrin de jardin zen iconoclaste en diable! Florilège fantastique et sonore pour paysage exotique et voix ventrale surgit du fond du corps de la chanteuse si habitée par ce petit peuple agité. Et en épilogue, le retour des marimbas pour que tout rentre dans l'ordre!
Une soirée de qualité, un voyage dans des paysages pas sages, passages dans des musiques de chambre à part , des boudoirs secrets de curiosités qui ne manquent pas d'air, avec vue sur des perspectives inventives ébouriffantes!
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Christophe Beau, violoncelle / Wilhem Latchoumia, piano / Emmanuel Séjourné, percussion
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