dimanche 12 juin 2022

"But What About the Noise" ... and the silence ! La crepsydre du temps...filtre l'espace muséal.

 


But What About the Noise …
, John Cage et Ryoji Ikeda – concert impromptu au coeur de la collection – Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg – dimanche 12 juin à partir de 15h

Créée en 1985 par John Cage, cette pièce était un hommage à Hans Arp et plus particulièrement à sa série « Papiers Froissés ». Réécrite en 2021 en coproduction avec le festival Musica, Ryoji Ikeda pose un nouveau regard sur la pièce du père de l’expérimentation musicale. Il choisit de remplacer les éléments initialement utilisés par l’emploi d’instruments issus de la culture japonaise. La simplicité et la réduction des matériaux, associées à de subtiles variations, révèlent la structure compositionnelle de la pièce. Le dépouillement des sonorités constituées de bruits blancs ou de délicates frictions du bois met en exergue la place toute particulière accordée au silence dans l’oeuvre de John Cage, ainsi qu’à l’environnement naturel. Ce concert est donc l’occasion de célébrer le compositeur et le peintre au sein du nouvel accrochage « La part du temps » dans la nef du musée.

photo herrade bresch

La nef nous offre d’emblée son espace sidéral, architecture de verre et de tension, fragile construction ou composition musicale, transparente autant que solide. L'idée d'y croiser "au hasard" un musicien n'est pas surprenante et dans la déambulation au rez de chaussée, on entend déjà, au loin, résonner de petites taches, comme des touches colorées de percussions comme un xylophone. C'est le bois qui résonne, qui percute: deux baguettes, des claves sont animées par de singuliers personnages plein de solitude qui errent dans la nef, sur la passerelle en hauteur. Silencieux passeurs de son, discrets porteurs d'un relais sonore, anonymes, quasi transparents, invisibles.Et pourtant, on en croise une dizaine, homme, femme en tenue banalisée, baskets, pantalons de couleur. Chacun semble concentré, ou pas sur ces deux baguettes de bois, claquées, glissées, émettant des sons chaleureux, disparates au fil du temps.Leur succession n'est pas hasardeuse, ils se répondent, s'écoutent, s'assemblent parfois ou s'isolent dans un recoin du musée.C'est comme des gouttes d'eau qui tombent sans logique, des sons irréguliers qui s'égouttent peu à peu et font songer à une clepsydre, hydre d'eau douce,filtrant le temps, passant son temps à le conter....Ou alambic, songeur de l'élixir des sons...On songe au "Jardin mouillé" de Albert Roussel..."Le jardin chuchote et tressaille, furtif et confidentiel,l 'averse semble, maille à maille tisser la terre avec le ciel. Il pleut et les yeux clos j'écoute de toute sa pluie à la fois le jardin mouillé qui s'égoutte dans l'ombre que j'ai faite en moi"

Les interprètes sont aussi présents le long de la cursive, chemin de musique, portée symbolique de la composition de Cage adaptée par Ikeda...Parfois, tout s'affole un tout petit laps de temps et rentre dans l'ordre. Le rythme s'écoule simplement, naturellement et l'environnement sonore devient familier: on se l'approprie, il nous touche, nous berce. C'est touchant, intimiste, intrusif dans notre parcours privé des expositions ou collection: en résonance, en complicité: l'une allongée sur un banc, reposoir près d'un paysage marin, les bras tendus vers le ciel, frottant ses deux claves,l'autre observant les bocaux de Belzère et soudain se rappelant à l'ordre en frappant ses bois!Comme les balades impromptues d'Odile Duboc dans le champ de la rue, l'espace urbain avec ses "fernands", danseurs anonymes performant parmi la foule...On pourrait les ignorer, les éviter, les contourner ou les observer à loisir!

Quelles singulières rencontres dans un drôle d'endroit "fait pour ça": un musée pour surprendre, animer, jouer avec le "passant" soudain à l'écoute de compositions autant picturales que musicales...Kupka ou "Le salon de musique" de Kandinsky, tout d'actualité!Les percussions de Strasbourg honorant de leur initiative, compositeurs et interprètes au firmament...dans cette cosmogonie chaotique salvatrice!

Musée d’Art Moderne et Contemporain – Au sein de l’exposition

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