mardi 21 juin 2022

"Kamuyot": comme une ère de jeu...Une meute, horde-rock inclassable et "grand public"!

 


Le public a pris place dans les gradins installés en vis-à-vis pour délimiter l’espace d’une scène improvisée au centre d’un gymnase. Il n’y a ni décor, ni rideau, rien du décorum habituel des salles de théâtre. Un coup de sifflet strident retentit et le show commence. Quatorze danseurs survoltés, un peu rebelles, déboulent de tous les côtés, kilts sur collants déchirés pour les filles, pantalons en tartan pour les garçons. L’instant d’avant, certains d’entre eux étaient encore assis incognito au milieu des spectateurs. Figures et styles s’enchaînent avec la même énergie débordante sur des musiques toutes aussi éclectiques – pop japonaise psychédélique, bandes originales de séries, reggae et sonate de Beethoven. Une ode à la jeunesse et une joie partagée entre les artistes et le public.
Ohad Naharin s’est imposé comme l’une des figures incontournables de la danse contemporaine en Israël grâce à son langage chorégraphique et sa méthode d’entraînement intuitive qu’il a baptisés « gaga » en référence aux balbutiements des bébés. Créé en 2003 pour les jeunes danseurs de l’ensemble Batsheva, Kamuyot abolit les barrières entre danseurs et spectateurs pour les intégrer dans une expérience artistique commune.

Rue du Jeu des Enfants....

En kilts et collants de couleurs, filets troués, les filles. En pantalons écossais, polos pour les garçons. Chaussons noirs aux pieds.Une cour de récréation, re-création pour ces danseurs de haute voltige, sacrés virtuoses d'une technique, un style "gaga" très engagé, très assimilé!Un solo dégingandé pour commencer le bal et petits cris pour annoncer la couleur et la saveur animal déchainé Et c'est une petite unisson qui prend le relais. La gamme est résumée: seul et ensemble, par deux, trois, quatre, puis toute la bande s'y colle à ce style entre classique et contorsion contemporaine.Ouverts, en cinquième position, ou rampant. Des robots figés, mécaniques, ou en pause au sol, allongés.Une magnifique reptation, sensuelle, jouissive pour tracer une diagonale sereine parmi trois autres femmes déchainées...Survoltées, sautant en grand jeté, écart,se dandinant aussi à l'envi.Un duo masculin où doigts et langues se croisent, en pause médusée.Sourires et bras en moulin à vent pour une autre interprète...Les spectateurs, placés en gradins, enveloppant l'arène où se déroulent les élucubrations des dix danseurs avides d'espace, de liberté.Départ en pause sportive dans les starting blocks pour mieux s'élancer pour un solo au ralenti ou une escapade, échappée belle du groupe, soudé.Garde à vous pour bataillon bien rangé, dressé sur une musique reggae révolutionnaire.Boxe, contorsions, le vocabulaire dense, fuse, s'épanouit, se décline à foison.Le groupe, la meute semble envelopper les solos qui s'en détachent régulièrement.Les corps se balancent, les regards parcourent l'assemblée, les directions s'affirment.Le public est sollicité pour reproduire une attitude puis repart s'assoir, à côté d'un danseur peut-être lui aussi assis dans le public.Une ronde de gamins se forme pour mieux s'éparpiller et jaillir.Ils piétinent, jacassent des pieds, frappent le sol.Parfois une accalmie fait surface et rompt le rythme effréné de la chorégraphie de cette tribu, tributaire de la solidarité!Un, parmi les hommes se frappe et se manipule dans un jeu de percussions corporelles virtuose. C'est drôle et touchant, Il s’attrape, se claque en autogestion savante comme un "chasse-mouche" bien réglé.Puis c'est au tour de quatre garçons dans le vent de reprendre le plateau, mi acrobates, mi danseurs classiques.Un très bel instant où les danseurs tournent sur le bord de scène, regardant les convives de ce banquet de la joie gestuelle. Une main tendue, un regard aimant, sincère.En marche périphérique distancée.Don de soi, échange de regards.Des tourniquets à l'unisson où les jupettes virevoltent, une "grande asperge" qui cherche son "Marcel" dans cette foule chatoyante et désordonnée, désobéissante!Ils "pompent" en rythme, assis, répétitifs athlètes bien huilés.Pas de compétition pour autant mais une endurance, une dépense physique incroyable pour ces dix "jeunes" danseurs pétris d'énergie et galvanisés par un propos qui leur ressemble: l'urgence de danser!Encore quelques aboiements, hurlements de loups pour cette meute en ébullition qui nous prend dans une empathie délirante!Horde-rock, écoliers buissonniers, lâchés mais bien "dressés", disciplinés joyeux dans leur rigueur non dissimulée.Soudés comme cette pyramide, architecture finale en épilogue de cette narration sur la jeunesse.Bandes de virtuoses insensés, si attachants, si convaincants! Non, il ne faut pas que jeunesse se passe! Alors tout le monde est invité à danser sur l'ère de jeu, l'air de rien, simplement pour le plaisir du bouger!

Kamuyot de Ohad Naharin


En coproduction avec La Filature, Scène nationale de Mulhouse.

En partenariat avec la Salle Europe, Colmar et POLE-SUD, CDCN Strasbourg/CSC de la Meinau.

jusqu'au 22 JUIN


Pièce créée pour Batsheva – The Young Ensemble (2003).
Inspirée par Mamootot et Moshe d’Ohad Naharin.
Entrée au répertoire du Ballet de l’OnR.

 

1 commentaires:

Anonyme a dit…

A voir absolument !
Quel élan de jeunesse ils m’ont redonné ...à 76 ans !!!

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