jeudi 23 novembre 2023

"Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald" Tabea Martin: interdit d'interdire les jeux interdits!


 La déception d’être mis·e au ban. De se voir refuser le bonheur de faire partie d’un groupe. Après Forever en 2021, Tabea Martin aborde une nouvelle fois un phénomène qui traverse nos sociétés et touchera chacun·e, à un moment ou à un autre de son existence. Avec Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald, ce sont cette fois les mécanismes de l’exclusion qu’interroge la chorégraphe suisse. Comment naissent les discriminations ? Comment s’expriment-elles au quotidien ? Comment en parle-t-on ? Autant de questions à la fois intimes et politiques qui s’entrecroisent dans une joyeuse mise en jeu des langues et des corps sur le plateau. Pour le jeune public et les adultes qui l’accompagnent, quatre danseurs et danseuses explorent les structures mentales qui produisent les hiérarchisations selon l’origine sociale et la couleur de peau. En dialogue avec le musicien Donath Weyeneth, la danse se saisit ici d’un thème essentiel dans une puissante théâtralité visuelle et sonore.


 Ils sont trois pour un prologue drôlatique en diable qui donne le ton de la représentation: il est interdit de...faire plein de choses! Trois escogriffes pour haranguer le public et leur annoncer la couleur: un show chatoyant et ludique aux fondements très sérieux. Un tableau noir pour nous annoncer le menu des séquences: dans la forêt au départ où se cachent quatre personnages incongrus, versatiles qui se transforment au gré des costumes ou uniformes. Une danse de créatures pérruquées de longs cheveux noirs, un quatuor de danseurs qui se lovent dans un contact savoureux...Tout se bouscule ici pour évoquer la singularité, la différence, l'altérité. 


Et ça jacasse, ça bavarde, ça s'accuse de tous les maux en désignant le fautif, le coupable: la bête noire ou la brebis galeuses. Jeux d'enfants ou d'adultes sous-jacents...Tambour battant, la petite communauté se soude et combat à coup de slogan la bêtise du monde des grands. Tous ensembles contre tous. Le décor est mobile pour accueillir et suivre les ébats de cette tribu sans genre.Des cabines de bain ou des isoloirs comme niche contre hashtag et ses méfaits. On fait la nique aux réseaux sociaux avec bonheur et humour.Et les baldaquins de devenir des derviches tourneurs lumineux, de se mouvoir au son d'un ukulélé en bidon d'huile de récupération. Noel est pailleté et rutilant au delà de toute religion ou dogme.L'enthousiasme dont font preuve les cinq artiste est contagieux et salvateur. Ca va dans tous les sens et le tableau noir qui affiche les thématiques se remplit de couches de craie comme un palimpseste vivant de nos pensées, de nos actes. Dans cette grande cour de récréation, le mot d'ordre est à la désobéissance et au désordre dans la reconnaissance et le respect de l'autre. Le message est passé pour ce jeune public dont le yeux se régalent à la vue de bâtons de barbe à papa, transformés ici en autant d'objets de désir, de contact. De toute les matières, c'est la ouate qu'ils préfèrent: pas de coups bas mais une joyeuse mêlée fraternelle, sororale qui enchante et met de bonne humeur. Ce "théâtre physique circassien" plus que "danse chorégraphiée" fait mouche et touche. Tabea Martin comme manipulatrice habile politicienne des questions sociologiques de fond: l'exclusion en figure de proue et comment s'en sortir indemne avec les autres. Bienveillance j'écris ton nom !



 

Au Maillon jusqu'au 25 NOVEMBRE

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