Good Boy, histoire d’un solo
Réalisé par Marie-Hélène Rebois (2020, 74 minutes)
L’histoire du célèbre solo d’Alain Buffard « Good Boy », qui a marqué l’histoire de la danse et du sida en France dans les années 1990. Juste après l’arrivée des traitements par trithérapie, alors qu’il a arrêté la danse depuis 7 ans, Alain Buffard décide de se rendre auprès d’Anna Halprin, en Californie, pour suivre les stages de dance-thérapie qu’elle a mis en place à destination des malades du cancer et du sida. Là, en pleine nature, sous le regard d’Anna Halprin, Alain Buffard va trouver la force de se reconstruire et de remettre son corps au travail.
Dans « Good Boy », Alain
Buffard met en scène la reconquête de son corps. Comment retourner vers
la vie, la verticalité malgré et surtout avec la maladie. Le
déséquilibre est constant, mais parfaitement maîtrisé.
En projetant la captation de la pièce sur des fibres de bois, la
réalisatrice met en exergue la manière dont Alain Buffard fait de son
corps un matériau brut, au travail. Le moindre geste compte.
Comme le dit Matthieu Doze, qui reprend aujourd’hui le solo mythique,
« Good Boy tient dans une valise » ». Une économie de moyens
extrêmement percutante pour comprendre la grande solitude de l’individu
mais aussi d’une génération face à la maladie. Marie-Hélène Rebois met
au centre de son film différentes générations de danseurs mais aussi des
proches d’Alain Buffard, et fait ainsi dialoguer l’intime importance du
retour à la danse pour le chorégraphe et la force symbolique de ce solo
pour toute une génération marquée par le Sida.
Un corps filmé dans le respect total du silence, de la distance: celui d'Alain Buffard au coeur, au creux de sa peau , sans "défense" contre la maladie hormis ce cube de boites de médicaments empilés comme une sculpture de Carl André, au sol sans socle. La visibilité est celle d'une position plastique et la stature architecturée d'Alain Buffard est très esthétique, canonique. Aucune traces ou pistes visuelles du mal sidérant dont il est atteint. Anna Halprin est passée par là pour reconstruire ce corps meurtri de l'intérieur qui n'a de cesse de trouver l'expression de sa solitude dans un solo "good boy" . Des images en noir et blanc, très pudiques comme les mouvements du danseur-auteur-choré-graphe de sa propre capacité physique. Corps qui se reconstruit, se découvre, poids et appui à l'appui! Si cela oscille, c'est du au déséquilibre de ces talons hauts de fortune qui le rendent encore plus "beau". Le film tricote l'histoire de ce solo, légende d'une époque où la danse bascule, évolue grâce à des auteurs-chorégraphes singuliers.Matthieu Doze expose le substrat de la passation de ce solo par son géniteur d'origine, son créateur. Le voir se raser le crâne, ranger son "costume", ses slips bien pliés pour rentrer dans une valise est de toute émotion. Une touche d'humour, de détente dans ce climat où flotte le spectre de la faucheuse, camarde des "danses macabres" d'antan. Pour une autonomie retrouvée du corps empêché.
Puis c'est la quatuor de "good boy" qu'on a le plaisir de découvrir: l'un des danseurs expose que la dimension personnelle dramatique du jeu doit s'effacer au profit de la danse Demeurent ces quatre corps en "couche-culotte", enfants ou vieillards soumis à la loi du fléau, de l'épidémie ravageuse. Le ton du film de Marie Hélène Rebois est sobre, en empathie avec le milieu de l'art vivant, en symbiose discrète et pudique: témoin de son temps qu'elle remonte et nous fait découvrir. Avec subtilité sans pathos à l'image de la posture des danseurs de l'époque; droit debouts, honnêtes passeurs d'une expression urgente, d'une tentative de résurrection, d'érection à la verticale pour quitter l'horizontalité fatale du gisant. Et le texte d'Alain Ménil de ponctuer les images et séquences d'interviews diverses passionnantes. Un document rare et précieux sur le parcours incessant de la danse en marche, en marge.
Ce film raconte l’histoire du célèbre solo d’Alain Buffard, Good Boy, solo qui a marqué l’histoire de la danse et du sida en France à la fin des années 1990.
Juste après l’arrivée des traitements par trithérapie, alors qu’il a arrêté la danse depuis sept ans, Alain Buffard décide de se rendre auprès d’Anna Halprin, en Californie, pour suivre les stages de «danse-thérapie» qu’elle a mis en place à destination des malades du cancer et du sida.
Là, en pleine nature, sous le regard d’Anna Halprin, Alain Buffard va trouver la force de se reconstruire et de remettre son corps au travail, il va renaître: « … je choisis de nouveau la danse, aujourd’hui je choisis la vie et je reprends à mon compte la proposition de Doris Humphrey : «La danse est un axe tendu entre deux morts».
À son retour en France, il crée son solo historique, Good Boy, qu’il interprétera lui-même pendant plusieurs années avant d’en faire la matrice de ses chorégraphies suivantes. Il y aura d’abord Good For pour quatre danseurs puis Mauvais Genre pour vingt danseurs. La gestuelle de Good Boy, empreinte du corps du chorégraphe, marqueur de ce que le sida a fait à la danse, a été dupliquée, déclinée, redistribuée par Alain Buffard lui-même pendant presque une décennie.
Cet écho chorégraphique d’une épidémie planétaire (qui résonne encore dans les imaginaires corporels de notre époque) est le sujet principal du film.
Marie-Hélène Rebois
Au MAMCS le mercredi 29 NOVEMBRE avec le Lieu documentaire dans le cadre de l'exposition "aux temps du SIDA" et Ciné Corps
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