jeudi 23 novembre 2023

"Les danses du SIDA". Les années sida, inscrites dans les coeurs et dans les corps: crime et chatiment....

 


15h - Matthieu Doze (Paris), Laurent Sebillotte (CND Pantin), Guillaume Sintès
(Université de Strasbourg)
Table ronde « Les danses du sida », à partir de Good Boy (A. Buffard, 1998)



Force est de constater que le sang est, à quelques rares exceptions, absent de la scène
chorégraphique. S’il n’est pas visible, il est pourtant là. Irriguant le corps des danseuses et
danseurs bien sûr, mais aussi dans l’évocation, plus ou moins frontale, plus ou moins
métaphorique, de la maladie, et plus particulièrement du sida dont l’épidémie a largement
décimé les communautés en danse. À partir du solo d’Alain Buffard, Good Boy, cette table-
ronde sera l’occasion d’aborder ce que le sida a fait à la danse


Salle comble pour cette table ronde car "danser=vivre" affiche l'exposition du MAMCS sur les années SIDA. Les trois protagonistes de cette étape du colloque: Matthieu Doze, danseur, compagnon de route d'Alain Buffard: passeur du "rôle" du chorégraphe dans son solo "Good Boy": passeur singulier car assistant durant 15 ans à l'évolution de cet pièce emblématique et "héritier" sans aucune consigne de cet opus Comment dès lors construire ce personnage à travers sensations et substrat de mémoire visuelle et d'empathie corporelle avec cette performance? Le corps "manifeste"d'Alain Buffard, préservé, maintenu par les thérapies de l"époque sera-t-il capable de danser malade parmi des objets métaphoriques: cube de boites de médicaments, néons et autres détails renvoyant aux arts plastiques (Neuman, Acconci, André, Flavien..) qui nourrissaient l'esthétique et la pensée du danseur..) Matthieu Doze livre ici un témoignage inédit)et passionnant sur ce binôme penché sur ce "deux ou trois choses que je sais de moi". L'intention qui met le corps en mouvement en est le moteur pour s'inventer une histoire, fabriquer le substart pour donner de la matière au solo. La cruauté de la tragédie de l'épidémie a-t-elle eu des "effets secondaires" comme les thérapies sur les corps des danseurs, mourants ou en rémission.. C'est la notion des plis des origamis qui fut l'étincelle de cette reprise de rôle. Expérience singulière en matière de passation, de répertoire pour une danse qui commence à s'archiver. Pour revenir aux oeuvres ayant trait au SIDA ce sont plutôt des hommages faits aux disparus: le "Presbytère " de Béjart en mémoire à Georges Don, le solo de Raimund Hoghe "si je meurs laissez le balcon ouvert" Deuil, séparation, perte des êtres chers. Le vivant triomphe cependant dans ces évocations. "Clins de lune" de Kéléménis en hommage à Bagouet. Mark Tompkins avec "Witness"en hommage à Harry Sheppard..."Tu ne m'as pas attendu" clame le chorégraphe malade à son ami décédé. Et le "Tombeau" de Santiago Sempere en 1997, requiem pour les morts.  Thierry Smit avec son "Eros Délétère" pour ne citer que ceux-là...Trop explicite, trop réaliste ou insupportable tableau de la drague queer pour l'époque. Ici on appuie sur l'image de la danse et culture gay avec insistance. Défiance envers la compassion ou la prise d'otage qu'engendre le spectacle du désarroi de toute une génération . Et Régis Cuvier, celui qui, bouffon et performeur affiche une joie de vivre jusqu'à la chute fatale: "t'es mort ou pas cap' ". Sans compter sur Lloyd Newson et son "John", un récit poignant sur la communauté gay. Et " Dead  dreams of monochrome men", Strang Fish" de renforcer la dimension hors norme du chorégraphe maudit.


https://www.lemonde.fr/archives/article/1992/06/18/danse-strange-fish-par-dv8-physical-theater-drole-d-oiseau-drole-de-poisson_3904771_1819218.html

Autre cheminement: celui de Thomas Lebrun qui évoque trente ans de vie avec le spectre du SIDA dans "Trois décennies d'amour cerné". Rester dans la solitude in fine ou dans le déni comme Noureev ou s'afficher comme Steven Cohen dans des solos extravagants de sexualité ..26 juin 2017Put Your Heart… est un rite funéraire pour lequel Steven Cohen a tenu à peser le poids exact d'Elu à sa mort – 52,6 kg -, une cérémonie inouïe ...en ritualisant le fait de manger sous nos yeux une cuillère des cendres d’Elu, afin que la vie de Steven Cohen « ingère »cette disparition.

.Et la solidarité dans tout cela: celle de Sida Solidarité Spectacle en partage, soutien, accompagnement aux malades à l'époque. C'est aussi Bagouet qui est évoqué, lui qui ne confia jamais son état et continua à danser même "Jours étranges" en remplacement d'un disparu Bernard Glandier.. Plus proche Preljocaj dans son "Casanova" évoque la transmission de la maladie. Tous ces "Survivants"nous prouvent bien que "the show must go on"et que l'intimité de l'autruche n'a pas opéré.

Jeudi 22 Novembre MAMCS dans le cadre du colloque "Quand l'oeuvre saigne-usages et puissance du sang dans les arts visuels du XX ème et XXI ème siècle" ACCRA Strasbourg

https://toutelaculture.com/spectacles/danse/le-corps-de-la-danse-affecte-par-le-sida/

https://www.cnd.fr/fr/file/file/2303/inline/mayen_gerard_2013.pdf

 


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