mercredi 8 novembre 2023

"Radio live- la relève": "silence" radio...La relève est assurée. Ils vont s'en relever...

 


Radio live est un spectacle né en 2013 des rencontres tissées lors de documentaires radiophoniques réalisés par Aurélie Charon et Caroline Gillet, où de jeunes personnes parlent de leur vie, de leur désir de changement et de leur engagement. Radio live − La relève
prolonge ce geste en mêlant plusieurs générations. Chaque soir, deux personnes sont invitées par Aurélie Charon à prendre la parole librement. Ils et elles viennent du Rwanda, de Syrie, de France, de Bosnie, pour témoigner, échanger leurs idées. Amélie Bonnin nourrit en direct ce dialogue par l’image : dessins, films réalisés sur leurs lieux de vie, prises de parole de leur entourage. Une musicienne accompagne en live ce moment de partage et d’émulation.   

A saute frontière...

Le plateau nous attend, bien habité par les protagonistes de la soirée "inédite" : comme un studio radiophonique, table d'écoute et de parole, micros fluorescents: un espace pour la musique live, un territoire pour l'illustratrice en direct: une radio ça s'écoute et ça se regarde ce soir. On y verra des paysages, des êtres humains venus d'autres pays, d'autres "planète guerre": le Rwanda, la Syrie. Deux comédiens seront les lumières de ce drôle d'interview, mené de mains de maitre par la directrice de cérémonie. Une femme de "radio", longue silhouette gracile, vêtue de jeune, bottes et tenue de combat en chambre. C'est son rôle d'animer le spectacle ainsi conçu comme un "direct" sur la corde raide de l'impromptu, de l'improvisation feinte des questions-réponses qui fusent.Aurélie Charon en animatrice discrète et efficace pour faire rebondir l'action plus de deux heures durant. On tombe en empathie avec Yannick Kamanzi, qui conte les mésaventures familiales d'un exil du Rwanda. Le génocide et son père sont constantes préoccupations pour faire avancer sa réflexion, ses émotions qui ont impacté son corps, sa mémoire. Interrogé, il renvoie la balle sur la "question" qui se répond en ricochet et glisse pour ne pas piétiner, s'embourber dans le nihilisme ou l'affliction. La frontière se dessine se marque au sol entre les deux anti-héros de la soirée: comme un jeu de marelle...Debout, danseur à l' occasion d'un émouvant solo de danse qui ponctue verbe, discours et parole. Prolonger la réflexion par la vision d'un corps vivant se mouvant d'avant en arrière, en spirales vives et dynamiques, pleine d'une énergie digne de Terpsichore en baskets. Un interprète qui livre sa lecture corporelle et silencieuse du drame, alors que la chanteuse, guitariste lui tend le support de sa voix hypnotisante. En live, Emma Prat donne le là de ces mélodies graves et charmeuses tout au long du déroulement de cette pièce atypique. Nos deux comédiens le "rwandais" et la "syrienne", une épatante Hala Rajab, pleine de malice, de douceur mais aussi d'esprit de lutte et de combat contre l'injustice de son sort, nous fascinent par l'élégance de leur jeu. Pour oser aborder, affronter de tels sujets sur le territoire, le terrain de discorde des peuples, le lieu et l' "endroit" où il faudrait de reconstruire, se placer. Comme un danseur qui quitte la barre pour devenir cet "homme du milieu" autonome, libre, et moteur de son énergie. Les images se multiplient, interviews, portraits qui en disent long sur l'investissement de tous pour rendre compte de la situation complexe de chaque destinée. Ne pas échapper à son sort, ne pas s'y soumettre, ne pas mentir aux enfants ou cacher la vérité le temps de la réparation des corps, des mémoires. Chacun transportant son espace mental avec entrées et sorties, coups de vent pour balayer ou déplacer les scories d'un volcan encore en ébullition. La guerre certes évoquée de face, de front mais aussi la poésie de ces deux êtres qui se parlant, se trouvent, ensemble ou dans leur altérité. Les esquisses, dessins de Amélie Bonnin comme autant de prolongations calligraphiques des émotions de chacun: un torrent de larmes bleues, un dessin de "presse", un croquis avec bulle de BD, tout un panel de vocabulaire graphique semblable à la danse. Un autre médium visuel pour transmettre, afficher un propos singulier sur la distance, le souvenir, le relais d'information, de secret que chacun incarner. Déplacement, exil, famille perdue ou retrouvée, espoir, tout concourt ici à laisser sourdre l'émotion, la sympathie avec les "personnes" en jeu sur le plateau. C'est "ici et maintenant" que se joue la vie avoue un adorable enfant noir, les yeux levés au ciel, ou une fillette qui ne se met pas. Un sommet d'humanité, simplement posé devant nos yeux de spectateurs, témoins, comme cette flamme olympique, relais de solidarité entre les hommes. Et la conclusion, question sans réponse préexistante de nous porter loin devant dans l'altérité, la reconnaissance et la considération de l'autre quel qu'il soit. Radio Live on aimerait l'écouter tous les jours sur les antennes avec ce privilège d'y adjoindre des images, témoignages d'une proximité et intimité humaine au creux des espaces de chacun. Car l'espace conquis par les corps, la parole et le geste est un facteur de liberté, d'initiative autant que de conservation du passé. Mémoire et présent en figure de proue pour exposer ce que nous sommes nous aussi à l'échelle de notre vie.Ils s'en relèvent et l'expérience du plateau est facteur de réparation collective sans pathos ni condoléances possible. Chapeau les artistes pour cette agora fertile du verbe, de l'image, du bougé fédérateurs d'énergie et d'espoir. On peut notamment découvrir le parcours de Yannick Kamanzi, danseur et comédien rwandais. Né juste après le génocide, il évoque le poids de ce drame sur sa génération avec une maitrise de l'espace intime proche d'une évocation totale du sujet: autonomie et liberté du corps sur le terroir commun en partage.


Aurélie Charon est productrice à France Culture, elle anime Tous en scène, coordonne L’Expérience et a réalisé plusieurs séries documentaires. Amélie Bonnin est directrice artistique et réalisatrice. Ensemble, elles ont réalisé le film documentaire La Bande des Français pour France 3 (2017). Elles ont conçu le projet Radio live − La relève en prolongement de Radio live, créé en 2013 avec Caroline Gillet, réalisatrice et productrice de radio.

Au TNS jusqu'au 18 Novembre

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire