Résidence artistique « Stras is voguing »
Professeure de danse au Centre chorégraphique de Strasbourg et vogueuse depuis de nombreuses années, Ksu LaBeija considère cette semaine de résidence comme une initiation au voguing, une expérimentation collective de ce que peut être une résidence de voguing dans une université, ponctuée par des temps de réflexion autour de cette danse festive qui porte également un héritage politique pour les communautés queer, noires et latinos.
Ksu LaBeija transmettra son approche théâtrale et sensible du voguing lors d’un workshop qui permettra aux étudiants et étudiants de s’emparer des codes de cette danse et de la culture ballroom du lundi
13 au 15 novembre 2023 (accès aux étudiantes et étudiants de l'unistra,
sur inscription, dans la limite des places disponibles).
Deux événements ouverts à toutes et à tous pour découvrir le voguing : la communauté universitaire et le grand public sont invités à découvrir le voguing lors de deux événements :Projection-discussion : documentaire Paris is voguing de Gabrielle Culand (2016)
Et échange avec Lasseindra Ninja et Ksu Labeija
Jeudi 16 novembre à 20h | La Pokop, salle de spectacle Paul Collomp
Réalisé par Gabrielle Culand, ce documentaire contextualise l’arrivée du voguing sur la scène parisienne. Cette danse, née dans les années 1970 dans les clubs new-yorkais fréquentés par les gay latino et afro-américains, s’inspire des codes des défilés de mode et des poses des mannequins. Les danseuses et danseurs se regroupent en houses et s’affrontent lors de compétitions : les balls. Ce documentaire retrace les débuts de la scène ballroom française en suivant Lasseindra Ninja et Stéphane Mizrahi, pionniers du voguing en France. Il et elle transmettent les codes de cette danse à leurs “kids” qui apprennent à se sentir fiers de leur genre et de leur couleur de peau.
Danse de toute la peau, danse, élucubrations savantes et très techniques, issue d'une discipline féroce et d'un savoir être et vivre ensemble draconien. Telle serait la devise de la fer de lance du mouvement voguing hors des USA, Lasseindra Ninja . Un témoignage hors norme pour cette icône, cette star du voguing, battante, combattante depuis ses 13 ans où elle goute aux joies de cette posture et attitude de vie collective, le voguing. Une stature bien ancrée, franche et bâtie pour se mouvoir, se soulever toujours pour gravir les "sentiers de l'âne", là où tout est possible dans le respect et la considération de l'autre. Danser, se travestir, organiser des ballrooms en catégories très agencées, hiérarchisées comme à l'armée ou en batterie d'art culinaire: chef de rang, de party, elle-il faussement relax et débonnaire, se livre devant la caméra, discret témoin des événements festifs de la communauté voguing. Radicale position révolutionnaire revendiquée ici et vécue sans concession. On se donne en être adulte, on est "mother" par compétence et détermination pour cette communauté si attachante, virulente ou tendre aux évolutions artistiques sidérantes.
La maisonnée comme foyer, berceau, nid d'accueil fraternel: nidifier pour sortir de sa chrysalide, accepter d'être éduqué, averti, drivé et coaché dans le bonheur de la confrontation.
Un ballroom c'est aussi un spectacle, une compétition entre "genre", une filiation avec l'insoumission, la désobéissance dans les règles d'un art strict et porteur de dignité, d'intégrité, d'altérité. La "mère des mères" est devant lors du débat qui suit la projection de ce documentaire, bijou du genre "la vérité ou rien". Ici on ne se cache pas, on ne dissimule rien, on tente, on essaie en public, on sex-pose, on se livre. Et ce don de soi est un échange constant entre gens du même bord. Une soirée riche et prometteuse d'une ouverture vers la pratique du voguing et ses effets bénéfiques sur la société en sommeil: debout, réveillez vous, la danse comme art du combat pour mieux se connaitre soi-même et celui qui est face à vous. Une "gouvernante" aux mains de fer derrière ses gants de velours, son minois confiant, son humour et son ironie constante. On ne badine pas avec le voguing et Marivaux aurait adoré ce que revendique aussi Didi Huberman: le soulèvements des corps dans des transports en commun hors norme. Au sein de "house" bien équipées!Home sweet home pas de tout repos! Cocooning s'abstenir.
Un sacerdoce intransigeant pour une "légende" vivante, "petite mère", Claude Bessy du voguing...
À la suite de la projection du documentaire,
le public a interagi avec Lasseindra Ninja (House of Ninja). Elle
a répondu avec franchise et distanciation à des questions posées en amont sur Instagram, et a transmis
des éléments clés de la culture ballroom. Danseuse de formation "classique" et internationale chez Alwin Aley, Martha Graham, interprète chez Boris Charmatz, La Horde, voici une porteuse, relais d'un flambeau, d'une esthétique singulière: défilé de corps costumés, affublés de vêtements extravagants, extra-ordinaires, magnifiant les corps rompus à une pratique galvanisante de la danse, hirsute, forte, puissante. Des ballrooms sous le signe entre autre de Néfertiti sont hallucinants d'inventivité, de créativité pour des métamorphoses singulières des personnes... Comment dès lors situer les travaux d'une Robyn Orlin, d'un Steven Cohen ou Trajal Harrell, champions du voguing "scénique", artefact d'une expression "populaire" en voie de réappropriation...?
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire