Anne Nguyen Cie par Terre France 4 interprètes création 2022
Héraclès sur la tête
Breakeuse virtuose, formée à la danse contemporaine et aux arts martiaux, Anne Nguyen fait rayonner, depuis 2005, l’esthétique et les valeurs du hip-hop. Son écriture, rigoureuse et maitrisée, est toujours associée à des sujets de société. Héraclès sur la tête remonte aux origines de la culture hip-hop. Sur une playlist de rap U.S. qui raconte la réalité, parfois brutale, de la jeunesse afro-américaine, de New-York à South Central en passant par Atlanta, Dallas, Houston ou Philadelphie, quatre danseurs, deux B-Boys et deux danseuses hip-hop, explorent les principes de la compétition, de la hiérarchie et de la méritocratie. De Gil Scott Heron, KRS-One et Public Enemy jusqu’au gangsta rap et au rap contemporain, la bande son nous plonge dans une vision du système décrit depuis là où il faut lutter pour survivre. Les danseurs, seuls ou en groupe, composent une narration sur les jeux stratégiques auxquels nous nous prêtons tous, mais dont nous subissons différemment les conséquences. Imprégné de la philosophie d’apaisement de la violence qui a vu naître la culture hip-hop, Héraclès sur la tête est un manifeste pour la paix, qui dénonce la corruption à toutes les échelles de la société, nous invite à prendre conscience de nos comportements et à questionner le sens de nos trajectoires individuelles et collectives.
L'énergie ne les quittera pas une heure durant même au bout des doigts, dans les moments d'immobilité feinte, les pauses exemplaires où le silence se fait et se fabrique en un temps de repos, de suspension du mouvement. Un solo démarre interprété par Konh-Ming Xiong, pétri de délicatesse, de petits phrasés brefs ou langoureux, sensuels, gracieux. Ondoyants et pourtant segmentés, structurés au cordeau. Les trois autres compères en tenue citadine, décontractée, sans entrave ni embuche se meuvent à l'envi dans une grammaire et syntaxe gestuelle en résonance, en canon. Chacun désigne quelque chose, menace le groupe à tour de rôle , prend le relais et navigue dans une mouvance syncopée. De la nonchalance aussi, extrême décontraction simulée qui fait mouche dans ce panel déployé de gestes, postures, attitudes très marquées par une esthétique de danse urbaine. Dans l'urgence de s'exprimer mais modulée par une pensée, réflexion qui semble sourdre des regards, des temps de suspension ou d'apnée visuelle. Des tableaux, visions et cadres très construits se donnent à voir le temps de signifier, de comprendre, de partager ce bonheur et cette intelligence de danser.
Fraternelle pièce à conviction pour prouver s'il le fallait que le hip-hop est multiple, complexe, codé, intelligible. A décrypter comme autant de signatures et de corporéités individuelles. De quoi satisfaire les appétits d'identité, de singularité, de métissages. Les travaux de ses quatre interprètes comme des épreuves de force de qualité gestuelle, de contraste entre douceur et radicalité. Épopée des temps modernes, odyssée de l'espèce hip-hop sous toutes ses coutures et bien d'autre pas "prêt à porter". A la conquête de la singularité dans le groupe et de l'être ensemble tant revendiqué par notre société...dansante. Sur les pavés se joue tant de persévérance et d'espoir que seule la danse semble en possession de fédérer."Par terre", au sol ou sur la tête, qu'importe ! Anne Nguyen, assistée de Pascal Luce, une fois de plus propose un univers "déroutant" sur des chemins de traverse en bonne "compagnie": Janice Bieleu, Fabrice Mahicka, Clara Salge et déjà cité, Konh Ming Xiong.
A Pole Sud les 22 et 23 MAI
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