Koudour est la dernière création de l’actrice, metteure en scène et autrice Hatice Özer, qui présente également cette saison Le Chant du père. En romani turcique, koudour est un verbe qui signifie mourir de désirs. Dans les fêtes de mariage traditionnelles, au rythme de la danse, des désirs enfouis rejaillissent, jusqu’à la transe. Hatice Özer s’inspire des récits d’exaltation chez les soufis du XIIIe siècle, des contes du Moyen-Orient et des soigneurs fakirs d’Anatolie. Entourée de trois musiciens virtuoses − Antonin-Tri Hoang, Benjamin Colin et Matteo Bortone −, elle est la « femme au tambour », maîtresse de cérémonie de ce mariage sans mariés, où les spectatrices et spectateurs seront les convives.
Et voici la suite de la soirée turque aux accents de percussions, de gaité, de convivialité
On change de salle pour migrer dans la grande salle Koltes du TNS. Le plateau est nu, recouvert de tapis, une balustrade et deux montées d'escalier pour accéder à la scène, future salle de bal, salle des fêtes dévolue aux mariages dans la curieuse cité modèle en Dordogne. Cité refuge pour émigrés, en U , jaune à l'architecture fonctionnelle, historique et peuplée d'exilés qui se retrouvent et y prolongent leurs us et coutume à l'envi ! C'est toujours notre conteuse qui mène l'action: récit malin et enjoué des pérégrinations rituelles et sociétales des Noces turques. Grave et sérieux passage à l'âge adulte, histoire de femmes soumises mais se questionnant sur leur passé et avenir. Belle évocation des femmes de 60 ans qui posent et s'exposent à l'envi dans des postures enrobantes, sexy et très évocatrices d'une séduction empêchée, bridée par la culture et l'éducation des filles. Avec humour, distanciation et beaucoup de respect Hatice Ozer se raconte, décortique son prénom, nous dévoile mille et un détails croustillants de ces coutumes toutes bien vivantes et partage avec ses trois musiciens en bord de scène, la vie et l'oeuvre du peuple turc exilé. C'est touchant, troublant et très émouvant, à fleur de peau. Toute de dorée vêtue, en paillettes et strass, elle navigue dans des univers proches et lointains, familiers ou "exotiques". Un bonheur de la voir pleine d'énergie, chanter, conter, prendre des fous rires et brosser un portrait-panorama de sa famille, très grande famille à tiroir dont il semble impossible de s'affranchir. Mais en femme libre, comédienne, elle propose une autobiographie salée, pimentée, vécue et débridée. Elle apprend à jouer du tambourin, espace réservé aux seuls hommes en banlieue parisienne et pas pour jouer dans "les mariages"! Pour son plaisir, ses "loisirs" de femme émancipée. Au regard de la gente masculine c'est blasphème et usurpation du pouvoir. Une performance de meneuse de cabaret percutant qui n'a pas d'égale dans le monde du théâtre contemporain. Et c'est le bal qui démarre sur le plateau du TNS, le public invité à vibrer et danser avec comédienne et musiciens. Parade qui ira jusque dans les balcons se poursuivre pour initier, convoquer et inviter chacun à partager cet esprit festif que l'on a du mal à quitter. Que voilà une "bonne maison" partageuse, multiculturelle naturelle et spontanée..Emplie de sérieux, de gravité aussi au vu du sujet. La mariée mise à nue par ses musiciens et pairs, même.
Au TNS jusqu'au 25 MAI
Koudour est la deuxième création de l’actrice, metteure en scène et autrice Hatice Özer – avec sa compagnie La neige la nuit. Elle est accompagnée ici de Antonin-Tri Hoang, compositeur et musicien multi-instrumentiste, Benjamin Colin, percussionniste bruiteur multi-instrumentiste et créateur sonore, et Matteo Bortone, contrebassiste et compositeur.
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