En 1986, Yavuz Özer quitte la Turquie pour venir travailler en France ; il veut pour ses enfants une vie meilleure. Ouvrier ferronnier de métier, il est aussi conteur, chanteur et musicien dans l’âme. Il exerce son art auprès de la communauté turque du Périgord, chante l’exil, la nostalgie, accompagné de son luth oriental. Aujourd’hui, c’est sa fille, Hatice Özer, devenue actrice et metteure en scène, qui l’invite à la rejoindre sur le plateau pour partager avec le public un khâmmarât − le mot arabe à l’origine de « cabaret » et qui signifie : lieu où l’on boit et chante. Ensemble, père et fille évoquent, en turc ou en français, en mots ou en chansons, le lien profond qui les unit, le désir d’art et de beauté qui se transmet à travers le théâtre et la musique. Cette saison Hatice Özer présente aussi le spectacle Koudour.
Pour sa première création scénique, Hatice Özer construit une histoire sensible de transmission qui retrace le chemin d’une famille d’Anatolie jusqu’en Dordogne.
Sur scène, un père et une fille. Lui, venu en France pour donner à sa famille une vie meilleure, homme discret et un musicien hors pair, et elle, jeune femme volubile montée à Paris pour devenir comédienne professionnelle. Ensemble, en turc ou en français, parlé ou chanté, lui et elle racontent comment l’héritage se transforme. Que reste-il des histoires, de la convivialité, du grand départ, de la poésie ? Comment comprendre le sacrifice du père et la douleur du déracinement, si ce n’est par le théâtre et la musique? Le Chant du père vient rapprocher délicatement deux êtres, deux générations, dans un cabaret oriental intime.
D’emblée son sourire complice charme et Hatice Özer séduit, enjôle, enrobe son texte malin pour enchanter une évocation toute familiale de sa culture , de son enfance. Robe noire de velours, cheveux mi longs, collants et chaussettes blanches de fillette-femme, elle verse le thé dans de beaux gestes chorégraphiques: longues coulées de liquides qui se mêlent en cascades pour les offrir au public. Mot d'ordre: le partage de souvenirs, d'épopées singulières, personnelles dans un texte à sa mesure: sobre, simple, évocateur de bons moments ou de doutes, de douleurs aussi. On joue avec le sens des mots, le recul du vécu pour mieux raconter l'histoire mêlée d'un père et d'une fille d'Anatolie, soudés par l'exil. Mais c'est la joie de conter, de chanter, de dévoiler des secrets de fabrication de contes et légendes, qui prend le dessus!Pas de nostalgie, mais des chants, de la malice, le gout du bon thé partagé et versé selon les coutumes du pays. L'ambiance "cabaret" du Magic Miroir" renforçait à l'origine cette atmosphère festive, le père présent et solidaire, Yavuz Özer comme partenaire enjoué et compère de toujours Un ravissement pour une soirée conviviale pleine de charme..Les voix chaleureuses dans un phrasé et une musicalité hors du commun pour bercer les prémisses de la nuit! Ici la boite noire n'a rien gâché de cette spontanéité du verbe, des attitudes complices avec le public. La comédienne-conteuse-chanteuse se donne à fond et enjolive une situation pourtant douloureuse et pleine de larmes qui débordent comme le thé que l('on sert à l'envi jusqu'à plus soif ou plus de larmes..
Le Chant du père est le premier spectacle conçu et écrit par Hatice Özer, en collaboration avec son père, Yavuz Özer. En tant qu’actrice, elle a été formée au Conservatoire de Toulouse et a suivi, en 2017, le programme d’ateliers Ier Acte du TNS, initié par Stanislas Nordey. Elle a notamment joué sous la direction de Jeanne Candel et Samuel Achache, Wajdi Mouawad, ainsi que Julie Berès − dans Désobéir, présenté au TNS en 2019 dans le cadre de L’autre saison. En 2020, elle a créé la compagnie La neige la nuit, basée en Dordogne.
Au TNS jusqu'au 25 MAI
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