Through the Grapevine
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Alexander Vantournhout / not standing
Le chorégraphe, danseur et circassien Alexander Vantournhout poursuit son exploration du duo, dans un travail mené cette fois avec le danseur Axel Guérin. Tous deux ont des morphologies très différentes, et cette différence constitue à la fois le point de départ et le moteur de la performance. Tantôt fondés sur un principe de symétrie, tantôt inspirés par le déplacement des animaux, les mouvements dévoilent le potentiel expressif et créatif de la différence, de tout ce qui échappe à la norme. À l’inverse de toutes les constructions imaginaires, virtuelles, publicitaires ou fantasmées d’un corps parfait, dont on retouche l’image s’il le faut, qui s’impose à toutes et tous. Dans une scénographie nue qui permet la concentration du regard, le toucher joue ici un rôle essentiel. Non sans humour, les interprètes s’éprouvent l’un l’autre, échangeant régulièrement le rôle de celui qui guide et de celui qui se laisse guider, de protagoniste ou d’antagoniste. Les codes étroits du duo classiques explosent ici au profit d’une danse intime et originale.
Corps à corps. Corps raccords. Corps accords
Deux hommes sur le plateau, torses nus, pieds nus, en shorts rayés; sobriété et frugalité au menu!S'ensuit un jeu d'évaluation, de mesures, de mensurations anatomiques du plus drôle effet. Ils se toisent, se considérent afin de mieux exister, s'estimer:félins pour l'autre. De galipettes savantes en jeu de construction, Lego ou mikado, les voilà s'affrontant en autant de référence d'art martiaux ou capoeira mais surtout de jeu de construction architecturale tiré au cordeau. Cela donne des figures, attitudes, postures où l'on ne sait plus quel membre appartient à qui tant les combinaisons s'imbriquent, s'emboitent, et viennent à former des perles de structures changeantes. Les corps racontent la complicité, l'osmose de ces deux jumeaux, siamois qui fusionnent, s'enlacent sans se lasser, esquivent ou accueillent l'autre: en danger toujours, assuré par un rythme, une rigueur drastique que l'on ne soupçonne pas. Le naturel du déroulement du show faisant foi. Et loi de sobre ébriété humoristique oblige, exécution décalée comme ces mesures et estimations d'espèces d'espaces personnels et communs.Tout en bascule, en équilibre-déséquilibre sur le fil de la seule narration des corps exposés à un récit organique et sensuel.
Cette bête à deux dos, quatre pattes se meut en manège, les distances exécutées comme avec des compas dans l'oeil, des unités de mesures comme le mètre ou le pouce, le "pied"....Maitres à danser, mètres à tracer un duo insolite, soudé, collé en toute distanciation ou nonchalance feinte. Bobines de laine qui se dévident, pierre qui roule et amasse douceur et détente...Du grand art, de l'intuition animale à foison pour cette pièce où le suspens dans le silence préfigure des sculptures mouvantes incessantes. Ça roule ma boule en roulé-boulé bien huilé comme une machinerie ou des leviers ou bielles de locomotives.
Le karma sutra des circassiens: enivrez vous...through the grapevine...
Quitter le sol pour accéder aux étoiles dans des jeux d'équilibristes, les appuis restreints de seule partie de corps pour accueillir sauts, bonds et rebonds en plein vol. Figures libres de performeurs, cascadeurs et circassiens du mouvement, points de chainette, tricotage des corps comme de la matière à penser en petits bougés sempiternels, dans une énergie fluide et respirée.
Le risque à fleur de peau, les regards aiguisés par la concentration et l'attention que requièrent ces exercices de haute voltige. Un bonheur partagé par le chorégraphe et le public, invité lui aussi à mesurer ses capacités et envergures physiques dans le petit cabinet ouvert et dédié aux curieux, joueurs et adhérents à la curiosité et confrontation avec son propre corps.Indice de masse corporelle et poids exclus: on y découvre son propre équilibre, son envergure et autre fondation tectonique de notre charpente corporelle...La "médecine" du bonheur, du soin, clefs de cette performance hors norme enchanteresse et enthousiasmante: transports en communs garantis pour cette créature binôme étrange et sans nom...
Des maitres à danser d'antan! Pas "deux poids , deux mesures" pour ces mètres du temps...Di-vins grains nobles d'une vendange tardive! Ce qui re-lie de vin l'un et l'autre pour un millésime fameux.
Au Maillon jusqu'au 31 MAI
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