Pour ce deuxième volet des concerts GRM , la MGM de la recherche musicale qui rugit de plaisir et de productivité, place à 4 oeuvres dirigées par François Bonnet, Philippe Dao, eRikm et Daniel Terrugi; ingénieur du son, Emmanuel Richier, en somme tous ceux qui fabriquent et reproduisent créations et répertoire électro-acousmatique et sans qui rien ne serait possible.
Et le concert conçu comme un échantillon de la création actuelle.
"Cielo Vivo" de Vincent Raphael Carinola 2006
Très mouvementé, cet opus , projecteur de sons comme dispositif, toujours pour évoquer des percussions, en écho, en ratures,en ricochets et cascades giratoires, circulation des sons sphérique, donnant le tournis .Enivrantes résonances insistantes, perdurant, persistantes à l'oreille, en bonds et rebonds. Chocs, heurts, chaos, tout se catapulte, se bouscule, fait du sur place.Bruits de pas qui s'accélèrent, traqués. On évoque des personnages en proie à la fuite, la fugue ou l'inquiétude.On s'immerge dans cette atmosphère de traque, suspendus, en haleine: la narration apparait à l'oreille, les yeux fermés s'emplissent d'une imagerie fantaisiste. Cette musique là est bien sensuelle et visionnaire, spatiale et envahissante. Suggestive en diable.
"Draugalimur, membre fantôme" de eRikm, daté de 2015
Dirigé aux consoles par eRikm lui même en personne, cette oeuvre est une plongée aquatique au son caverneux à la Bill Viola.Les sons ruissellent , fouets sur la jetée venteuse; flux et reflux créent un paysage musical et mouvementé empreint de sensations. Très dansée, cette oeuvre "aux membres fantômes" qui rappellent ses collaborations avec la danseuse et chorégraphe Mathilde Monnier pour "Pavlova", "Déroutes", "Six Périodes" ou Allitérations. Complicité avec le corps de la musique;
Une histoire se profile, racontée, parlée, respirée: "dansez, dansez" entend-on très précisément.
Respirations, halètements, jouissance et désir charnel s'en dégagent. Le son est expulsé des entrailles, organique, au scalpel comme le ferait un sabre dégainé.Un peu d'exotisme dans les références sonores islandaises, comme des strates en couche;Au final on assiste à un cataclysme, un déferlement de sons, une tornade spiralée, torsade de musique très plastique. La mer recouvrant le tout, protectrice, des mouettes au loin.Belle évocation d'un univers très personnel, habité, vivant.
"Untitled January" de 2014 signé Guiseppe Ielasi serait un bric à brac, une usine à sons, un chantier rempli de moteurs, de grues, d'engins mécaniques. Élévateurs dans un entrepôt fantôme . Va et vients, reprises, répétitions pour cet univers singulier, spatial; des martèlements scandent la pièce, évoquent le travail, le labeur à l'usine, à la manufacture.
On en profite pour observer celui qui manipule la console en direct, comme un chat, attentif, étiré, à l’affût, à l'arrêt ou glissant ses pattes sur la machine.Fabrique de son usinés sans ouvriers ni force humaine. Magie, miracle, virtualité de cette musique acousmatique magnétique? Un ingénieur face à l'écran, partition numérique, musique à "membre fantôme" sans corps sauf sa mémoire des sensations!
Au final, c'est à Daniel Teruggi d'être au "piano" avec sa brigade de sons et ses instruments culinaires: cuisine nouvelle pour "Springtime" de 2013: le chef du GRM aux fourneaux, maitre queux démarre avec des babils, balbutiements, onomatopées perceptibles: du réalisme, du figuratif éloquent?
Des voix, triturées, ralenties, des pas et froissements de feuilles mortes, comme une poursuite, le son en circulaire.Action, suspens et ambiance de gare ferroviaire, inquiétante, fantastique; quelques chants religieux épars, chœurs évangéliques évoquant la flagellation.
Il y a un peu de tout dans cet inventaire à la Prévert, mais surtout de incohérence. Machines, corps ou esprits? Illustration, plus qu'évocation, un peu trop de pathos aussi. Bande son peut-être d'un nanar, un mauvais film, un navet: pourquoi pas aussi avouer que tout n'est pas réussite dans la musique acousmatique
Les hauts parleurs froncent les sourcils? Chez "Denise (René) et Daniel (Terrugi)": le nom d'un célèbre bouchon lyonnais bistronomique , la cuisine oscille entre tradition et modernité. Les rencontres sont toujours fructueuses: alors, chef à la batterie de cuisine, merci pour ce festin !
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